Les Conseils de Laila El Andaloussi, Expert-comptable, Membre élue au Conseil national de l'Ordre des experts-comptables. Portées par leurs toutes nouvelles puissances, les «GAFAM», acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft, toutes des firmes américaines-défient l'Europe et bousculent les règles de la concurrence. L'heure du big data a bien sonné, un véritable big-bang qui démultiplie leur influence. Au cœur de la nouvelle économie, ces entreprises conditionnent et «contrôlent» nos modes de vie, s'incrustent dans notre quotidien et deviennent aussi nécessaires que l'air que nous respirons. Cependant, elles restent au cœur aussi d'une actualité brûlante, et de scandales récurrents. Corruption, situation de monopoles, non-respect des données personnelles, et accusation d'évasions fiscales fusent de toutes parts. En effet, le business model de ces titans du Net, difficile à appréhender, évolue très vite. Même les textes qui les régulent deviennent caduques. La notion «d'établissement stable» qui permet d'imposer les bénéfices dans les pays où ils sont réalisés, vu la difficulté de les localiser, n'est plus adaptée au numérique. C'est le cas de Facebook et Google qui ont délocalisé leur siège en Irlande et Amazon au Luxembourg, profitant d'une fiscalité plus attractive. Le bénéfice remontant à la maison mère sous forme de redevances d'exploitation de droits intellectuels. Les intérêts divergents entre les pays européens n'ont pas permis l'harmonisation d'une politique de taxation des GAFA entre les Etats membres même si la France a pris les devants en 2019. Elle a imposé une taxe sur le volume des transactions, soit 3% du chiffre d'affaires réalisé localement, vu que les bénéfices déclarés restent très faibles. L'Autriche et le Royaume- Uni ont suivi en adoptant dès cette année à leur tour la taxe GAFA. Au Maroc, le manque à gagner est estimé à 40 milliards de dirhams alors que la capitalisation de Apple à elle seule représente 10 fois le PIB du Maroc. Facebook et Google réunis accaparent plus de 70% du marché marocain de la publicité digitale qui échappe ainsi à la TVA, à l'impôt sur les sociétés à l'heure où nous comptons plus de 13 millions d'abonnés à Facebook. Dans une économie en pleine révolution numérique, comment réguler ces flux ou les règles du jeu sont-elles en train de changer ? Ces mastodontes incarnent l'ultra libéralisme américain et un nouveau modèle économique qui a le vent en poupe. C'est peut-être le moment de renforcer notre stratégie numérique pour faire émerger des champions nationaux et des start-up locales et citoyennes. Lors du vote de la Loi de finances 2020, les propositions de taxation des GAFA avaient été rejetées car le moment n'était pas jugée propice. Nous serons probablement engagés d'une manière ou d'une autre par les décisions futures de l'OCDE qui s'est emparé de la question, après l'échec du projet de taxation européen. Notre mutation fiscale numérique s'en suivra.