Le 9 octobre, dernier délai pour fournir les détails des dépenses électorales à la Cour des comptes. Les partis assurent qu'ils seront prêts et chacun aide ses candidats à sa manière. Proposition : adapter le plafond de 250 000 DH à la taille et à la nature des circonscriptions. Les candidats aux législatives du 7 septembre dernier parviendront-ils à déposer à temps leurs déclarations de dépenses de la campagne électorale ? Selon le Code électoral, quiconque s'est présenté aux élections se doit de divulguer ses comptes à la Cour des comptes de Rabat au plus tard un mois après la proclamation des résultats, en l'occurence mardi 9 octobre, sous peine de sanctions, comme l'a rappelé le ministère de l'intérieur. La loi prévoit un plafond de 250 000 DH par candidat et oblige les formations qui ont obtenu moins de 5% des voix à rembourser l'aide que leur a versée l'Etat. Les partis contactés se disent confiants et annoncent que leurs candidats parviendront sans peine à respecter le délai. Ce qui ne les empêche pas de se mobiliser, les uns en envoyant une circulaire interne à leurs candidats, d'autres allant jusqu'à les assister voire faire pression sur eux pour s'assurer qu'ils ne feront pas défaut. «Nous avons mis à la disposition de nos candidats des comptables pour les aider», déclare Mustapha Adichane, responsable de communication au Parti du progrès et du socialisme. Du côté des travaillistes, l'on essaie d'aiguiller au maximum les candidats. «Le bureau politique a préparé un modèle de déclaration facile à suivre, divisé en une dizaine de rubriques : repas, gasoil, location de locaux, de voitures, etc.», assure Abdelkrim Benatiq, secrétaire général du Parti travailliste. Le Parti de l'Istiqlal, pour sa part, met à disposition de ses candidats une cellule chargée de les assister. Le Parti socialiste unifié s'est même imposé la date du 1er octobre comme deadline interne : «Nous espérons être les premiers à déposer toutes nos déclarations, et, de toutes les manières, nous nous imposons toujours de tenir une comptabilité rigoureuse», lance Mohamed Daidaa, trésorier du PSU durant la campagne électorale. On est tenté de penser que si les partis affichent pareille sérénité, c'est que leurs candidats ont déjà déposé un grand nombre de dossiers. On en est loin, assure une source à la Cour des comptes : «Il est encore trop tôt pour savoir si les candidats tiendront leurs promesses et livreront les dossiers à temps. Nous n'avons reçu que très peu de dossiers, en général, ils s'y prennent à la dernière minute». Même le PSU qui veut absolument être le premier, n'avait, à la date du 27 septembre, déposé que 6 dossiers sur un total de 48 candidatures. Que risquent les retardataires ? Quels sont les justificatifs à fournir ? Selon l'article 290 du Code électoral, «chaque candidat établit un état des dépenses engagées par lui à l'occasion de sa campagne électorale auquel sont jointes les pièces justifiant lesdites dépenses». En d'autres termes, il s'agit de rassembler toutes les factures de transport, de frais de personnel, d'impression, etc. Tout doit être justifié par facture Qui épluche les comptes des candidats ? Tout est centralisé au niveau de la Cour des comptes de Rabat, à laquelle les personnes qui se sont présentées aux élections, qu'elles aient remporté un siège ou pas, sont tenues de présenter leurs justificatifs de dépenses. La Cour des comptes formule un avis d'expert qui est ensuite étudié au niveau d'une commission présidée par un magistrat de ladite cour et comprenant un magistrat de la Cour suprême désigné par le ministère de la justice, un représentant du ministère de l'intérieur et un inspecteur des finances. «Notre rôle se limite à vérifier si les déclarations sont conformes à la loi et de communiquer nos conclusions sous forme de rapport aux autres membres de la commission. C'est à eux seuls qu'incombe la décision de recourir a la justice ou non», explique une source à la Cour des comptes. Avant d'en arriver là, certains dossiers seront rejetés, essentiellement pour deux raisons : un retard de livraison, ou encore des factures inadéquates. «Quand ça arrive, le dossier est refusé, et le candidat doit, soit justifier convenablement avec des factures, soit rembourser la somme déclarée», ajoute ce responsable de la Cour des comptes. Pourquoi obliger les candidats à déclarer le détail de leurs dépenses ? Pour la bonne raison qu'il s'agit de deniers publics. Une avance de 200 MDH a été distribuée aux partis sur la base de plusieurs critères (nombre de circonscriptions couvertes, représentation au Parlement, etc.). Sur ce même budget, une somme forfaitaire de 500 000 DH a été octroyée aux petits partis pour soutenir les candidats les moins riches. Que se passe-t-il quand c'est le parti politique qui gère la totalité de l'aide ? Comment la Cour des comptes arrive-t-elle à distinguer les sommes utilisées par le parti de celles dépensées par le candidat ? Pour résoudre ce problème, le contrôle se fait en deux temps. Exemple : un candidat déclare avoir dépensé 200 000 DH sur le terrain. A cela s'ajoute la somme de 20000 DH déclarée par le parti, qui correspond aux imprimés et tracts envoyés au candidat. A quoi correspond le plafond de 250 000 DH imposé par candidat et par circonscription ? Comment garantir son respect ? Si, dans l'esprit du législateur, cette aide vise à réduire les écarts entre candidats riches et candidats pauvres, elle est jugée insuffisante par les petits partis. Un simple calcul leur donne raison. Ainsi, pour les petits partis, les 500 000 DH forfaitaires répartis sur les 95 circonscriptions donnent 5 263 DH à allouer pour chacune. «5 000 DH par candidat, ce n'est même pas de quoi assurer les repas du staff. Nous avons dû contracter un crédit bancaire pour boucler le budget», assure Mustapha Adichane, du PPS. Mais, en réalité, tout dépend de l'étendue géographique de la circonscription électorale dont il est question et de sa nature urbaine ou rurale. Plus la circonscription est vaste et plus les frais d'essence s'envolent, par exemple. Abdelhamid Khalil, membre du bureau exécutif du RNI, estime que le plafond de 250 000 DH ne correspond plus à la réalité, d'autant plus qu'il date de l'époque du scrutin uninominal. «Il faut faire une estimation plus réaliste des besoins des candidats selon la circonscription. C'est la meilleure façon d'éviter les fraudes au niveau des comptes». Certains estiment pourtant ce plafond raisonnable. C'est le cas de Abdelouahed Souheil, candidat malheureux du PPS qui déclare que la totalité de ses frais de campagne oscille entre 120000 et 130 000 DH. «Pour faire une campagne politique, c'est suffisant», assure-t-il.