A moins d'un retournement de situation, le scrutin de liste sera retenu. Un seuil de 5% des voix a été fixé pour l'entrée au Parlement. Le MP est défavorisé, le PPS sur la corde raide. La loi électorale sera probablement votée d'ici juillet. Après deux mois de tractations, partis politiques et gouvernement sont arrivés à un compromis. Le Maroc adoptera très probablement, pour les législatives de 2007, le même mode de scrutin qu'en 2002. Lors de la rencontre du lundi 5 juin, qui a réuni à Rabat le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, et les partis de la majorité, ces derniers ont opté pour la reconduction du scrutin de liste, à plus forte moyenne, assorti d'un seuil d'entrée au Parlement fixé à 5% des voix. «Sachant que certains demandaient le recours au scrutin uninominal, que d'autres réclamaient une liste élargie, au niveau national ou régional, il s'est avéré que conserver le mode de scrutin utilisé en 2002 était la solution médiane entre ces différentes demandes», explique Mohamed Saad El Alami, membre du bureau politique de l'Istiqlal. La loi électorale semble donc bien partie pour être bouclée d'ici à la mi-juillet, quitte à ce que les parlementaires entament une session extraordinaire durant l'été, juge Ahmed Krafess, membre du bureau politique du RNI. Toutefois, à l'heure oà1 nous mettions sous presse, des retournements de situation n'étaient pas exclus, à l'occasion de la réunion de la commission technique, prévue pour jeudi 8 juin, et oà1 plusieurs détails cruciaux devaient être abordés. C'est tout l'inconvénient des situations de compromis: personne n'aura été tout à fait satisfait ni totalement déçu. Au fond, c'est peut-être l'USFP qui aura été comblée, dans la mesure oà1 ce parti aura obtenu le mode de scrutin qu'il désirait, même si certaines voix en son sein étaient favorables à une levée du seuil d'entrée au Parlement à 10%, pour concentrer les partis politiques marocains à l'instar de leurs alter ego en Turquie. De même, le PJD, bien que non invité à la rencontre puisque faisant partie de l'opposition, a vu ses revendications – très proches de celles des socialistes – satisfaites, en dépit du fait qu'il réclamait un seuil d'entrée au Parlement de 7%. Désormais, le scrutin de liste, tout en ne le gênant pas vraiment dans les villes, qui constituent le territoire de ce parti essentiellement urbain, lui fournit un filet de secours dans les campagnes, oà1 un mode de scrutin uninominal l'aurait fortement désavantagé. Côté RNI, l'accord aura fini par trancher le débat au sein même du comité exécutif du parti. «Nous avions tendance à vouloir maintenir le scrutin de liste même si, au comité exécutif, nous étions un peu divisés», explique M. Krafess. Le PPS demande l'élargissement de la liste nationale aux hommes ! Toutefois, la rencontre de lundi dernier aura également fait des déçus : le PPS et le Mouvement populaire. En effet, si le premier ne s'est pas vu claquer la porte du Parlement au nez, il n'a pas pu obtenir l'élargissement de la liste nationale aux hommes. Pour rappel, cette liste a été mise en place, en complément des listes par circonscription destinées à assurer aux femmes un minimum de représentativité dans l'hémicycle. Le sort du PPS reste ainsi désormais accroché aux décisions à venir concernant le seuil d'entrée au Parlement. Il reste en effet à savoir si le seuil de 5% convenu concernera les circonscriptions électorales ou sera appliqué au niveau national (ensemble des voix exprimées). «Nous demandons tout simplement le respect et de la Constitution et du droit marocain», souligne le secrétaire général du PPS, Ismaà ̄l Alaoui. «Nous ne pouvons pas admettre, dans l'état actuel des choses, que le seuil de 5% s'applique au niveau national. Sinon, cela pourrait poser des problèmes extrêmement complexes de respect de la volonté populaire d'une part, et aussi des problèmes techniques pouvant donner lieu à des contestations, etc. Ce qui peut contribuer à décrédibiliser le scrutin», poursuit-il. En effet, un tel choix ferait que les partis qui obtiendraient moins de 5% des voix au niveau du pays tout entier pourraient perdre des circonscriptions oà1 ils ont pourtant obtenu la majorité des voix. Dans cette situation, l'héritier du parti communiste serait doublement pénalisé dans la mesure oà1 il ne pourrait ni intégrer le Parlement, ni bénéficier du soutien financier de l'Etat, qui a également fixé à 5% le seuil d'éligibilité. Pierre d'achoppement, la taille des circonscriptions De son côté, le Mouvement populaire, qui était pratiquement le seul parti de la majorité à se prononcer pour un retour à l'uninominal, a également été déçu. «Le scrutin par liste, quand il a été adopté en 2002, répondait en fait à une image davantage importée de l'extérieur qu'à une image réelle de la sociologie politique marocaine», explique Mohamed Boutaleb, membre du bureau politique du Mouvement populaire, qui exprime ses doutes quant à l'utilité d'imposer un mode électoral qui n'est pas forcément adapté à la mentalité marocaine. «Ce qui s'est passé en 2002, nous le connaissons, les résultats n'ont pas été positifs, aussi bien pour l'USFP que pour l'Istiqlal. En toute logique, il faut que l'on retourne aujourd'hui au scrutin uninominal en capitalisant sur les erreurs du passé», explique-t-il. Autrement, si les décisions de la rencontre de lundi dernier devaient se confirmer, son parti serait obligé de transférer son centre de gravité de ses personnalités influentes vers son programme. Ainsi, même un scrutin uninominal réformé n'aura pas réussi à convaincre ni à effacer les mauvais souvenirs qui y sont associés au Maroc. Pourtant, sous d'autres cieux, ce dernier s'est avéré utile pour limiter la prolifération partisane. Une réussite à nuancer, toutefois. Le mode de scrutin n'est pas une solution miracle, puisque les milieux oà1 il est appliqué ont également une influence. «Même si ce mode de scrutin réduisait le nombre de partis, le problème est qu'il y aurait un usage massif de l'argent, qui fausserait les résultats», prévient Lahcen Daoudi, numéro deux du PJD. A l'inverse, la reconduction du scrutin de liste aura beau rendre plus difficile le recours à la corruption, il faudra s'attendre à la création de nouveaux partis, malgré toutes les petites barrières qui auront été imposées par la toute nouvelle loi sur les partis politiques. Toutefois, avant tout cela, certains détails restent à régler qui risquent de compliquer le problème. «Ce qui reste, c'est le découpage électoral : avec des petites circonscriptions, c'est comme si nous n'avions rien fait», explique Lahcen Daoudi considérant qu'il faudrait que ce soient les provinces qui servent de circonscriptions. Donnant l'exemple de Casablanca, il parle de deux ou trois circonscriptions, au maximum. Affaire à suivre.