La question d'une possible réforme du mode de scrutin à l'approche des élections législatives de 2021, revient dans l'actualité. Des idées comme le retour au scrutin uninominal commencent à alimenter les débats au sein des partis politiques. C'est ainsi que les dirigeants d'une vingtaine de partis politiques ont décidé d'ouvrir le débat sur une réforme constitutionnelle avec la révision de l'article 47, et ils ont également repris des démarches pour revoir les lois électorales, que ce soit pour les élections communales, régionales ou législatives. Il est incontournable que le mode de scrutin est l'un des éléments les plus fondamentaux de la démocratie représentative, et la pierre angulaire de notre système politique et un outil constitutionnellement indispensable. En plus de l'USFP qui avait milité pour l'adoption du scrutin uninominal, s'ajoutait le PAM, l'Istiqlal, le RNI mais aussi le MP et l'UC, ainsi que plusieurs formations non représentées au Parlement, qui se sont exprimés pour le retour au scrutin uninominal, que le Maroc a expérimenté pendant près de 40 ans. En effet, les modes de scrutin peuvent varier dans le temps. C'est pourquoi l'abandon du scrutin par liste ne devra pas être un complexe chez certains ou bien considéré comme un recul de démocratie, sachant que certains pays démocratiques l'appliquaient depuis longtemps. A titre d'exemple, au Canada, le scrutin est de type majoritaire, plus particulièrement uninominal à un tour. Ce mode de scrutin est aussi utilisé en Angleterre depuis le XVIIIe siècle. La France a connu plusieurs modes de scrutin tout au long de son histoire, depuis 1871, elle a ainsi connu une dizaine de changements importants de mode de scrutin législatif. Alors, le scrutin uninominal convient-t-il le plus au Maroc pour les prochaines législatives ? Une question à laquelle les architectes des élections au Ministère de l'Intérieur n'ont pas une vision claire et bien déterminée. Rappelons que, en 2007, le Ministère de l'Intérieur avait proposé aux formations politiques trois modes de scrutin : le scrutin uninominal tel qu'appliqué avant 2002, le scrutin de liste tel qu'appliqué depuis 2002 et le scrutin uninominal à deux tours. Les partis ont préféré garder celui adopté en 2002 avec un seuil électoral d'un taux de 6%. Cependant, même si le scrutin de liste, qui a succédé à l'uninominal depuis 2002, n'a pas été mis en cause lors des dernières élections entre le Ministère de l'intérieur et les différents partis politiques, le débat n'est plus clos et le débat est encore ouvert. Or, l'esprit d'adopter le mode de scrutin proportionnel de liste en 2002 est de permettre aux électeurs de voter pour des partis et des programmes, au lieu de voter pour des personnes, mais dans la réalité était autre chose. La majorité des électeurs ne votaient pas généralement pour des programmes électoraux, mais plutôt pour des personnes populaires ou charismatiques, qui bénéficient de la proximité avec la population, surtout les candidats têtes de liste. D'autre part, les gouvernements qui résultent du scrutin de liste ont souvent plus instables, les partis devant s'entendre et former des alliances pour gagner une majorité. Cela est à cause du vote de liste à la proportionnelle qui disperse le nombre de sièges entre la majorité des partis. Un système électoral doit donner une image fidèle de la situation politique et du corps électoral ; il vise à designer une majorité stable et cohérente. De fait, force est de constater qu'après plusieurs expériences électorales, le scrutin uninominal a le mérite d'être simple. Il a tendance à offrir aux électeurs un choix clair entre les candidats, créer une opposition parlementaire cohérente, avantager les partis politiques de grande envergure, maintenir le lien entre les électeurs et leurs députés, permettre aux électeurs de choisir des gens plutôt qu'uniquement des partis. Alors, je vois que c'est le moment propice d'ouvrir un débat sérieux entre le Ministère de l'Intérieur et les partis politiques au sujet des réformes des lois électorales. La décision de revenir au scrutin uninominal sera un choix politique convenable aux partis politiques. Ce mode de scrutin conviendra sans doute le plus au Maroc pour les prochaines législatives. En conclusion, je cite ce qu'il avait dit l'historien français, André Larané : " Le scrutin uninominal mis en œuvre par les premières démocraties, en Angleterre, aux Etats-Unis et dans la France des débuts de la Révolution répond à un souci d'efficacité : apporter des réponses bien argumentées aux problèmes immédiats du pays ". Ne sera-t-il pas le cas pour le Maroc ? Par Khalid Cherkaoui Semmouni, Professeur de Droit constitutionnel et Institutions politiques