Une centrale des sinistres et un système de détection de la multi-assurance sont opérationnels. Un réseau de fraudeurs constitué de plus de 15 personnes, dont des médecins et des agents de police, démantelé. Les assureurs appellent au durcissement des sanctions légales. Pas de tour de chauffe pour les compagnies d'assurance dans leur guerre aux fausses déclarations. Aussitôt annoncé (vers fin 2018), le dispositif de lutte anti-fraude dans la branche automobile est déployé dans ses grandes lignes. A en croire des patrons de compagnies et des courtiers, le gros du travail est fait. «La situation de la branche est devenue si fragile qu'il devenait urgent de trouver des mesures de riposte et de les actionner le plus rapidement», explique le directeur développement d'un grand assureur. Il reste, bien entendu, quelques paramétrages qui se font actuellement pour perfectionner le schéma aujourd'hui en vigueur et rendre la lutte plus ciblée et efficace. Depuis le début de l'année, l'arsenal de traque aux fausses déclarations de sinistres a été revu en profondeur. Les opérateurs ont mis en place un extranet au niveau du marché que les gestionnaires des compagnies peuvent consulter afin de détecter les cas éventuels de fraude. «Il s'agit d'une sorte de centrale des sinistres dont le but est de rendre efficaces les efforts de ciblage des déclarations présentant des doutes quant à leur bien-fondé», explique-t-on dans le secteur. En parallèle, «un dispositif de détection de la multi-assurance pour que l'intermédiaire puisse être informé au moment de la souscription d'une nouvelle couverture d'assurance automobile a été rendu opérationnel», informe un courtier. A cela s'ajoute les contrôles exigés dans le cadre de la convention CID qui a été mise à jour le 1er janvier, pour prendre en compte l'abandon des recours forfaitaires, et intégrer désormais des ajustements visant à mieux gérer les expertises contradictoires. Enfin, toutes les compagnies ont visiblement durci, depuis le début de l'année, les conditions d'indemnisation dans les centres de service rapide (qui remboursent les assurés dans des délais de 12 à 48h en moyenne). Elles ont procédé – et d'autres sont en cours – à une refonte des process et des conditions d'indemnisation, par la mise en place de garde-fous et d'indicateurs très surveillés. Les vérifications des dossiers sont plus rigoureuses Sur le terrain, ces nouvelles mesures semblent commencer rapidement à donner leurs fruits. Pas plus que la semaine dernière, un grand réseau de malfaiteurs spécialisés dans la confection de faux dossiers de sinistres mettant en jeu des sommes colossales a été mis hors état de nuire et déféré devant le procureur du Roi. Il est composé de plus de 15 personnes dont des médecins et des agents de police. «Les experts des compagnies impliquées dans les faux sinistres se sont mis sur la piste après avoir remarqué que plusieurs références d'actes de propriété de motocycles et immatriculations reviennent souvent dans les dossiers. Aussi, ont-ils découvert que des personnes ayant bénéficié de certificats d'invalidité sont impliqués dans de nouveaux accidents avant même la fin de la période d'invalidité», confie-t-on auprès des professionnels. De plus, au niveau des compagnies, les agents du circuit de remboursement et les experts sont de plus en plus portés sur les vérifications classiques, aidés en cela par les données mises à leur disposition par la centrale. La fraude à l'assurance concerne 5 à 10% des dossiers Enfin, «un effet d'éviction spontané des fraudeurs commence à se répandre. Ayant vent du verrouillage des process en cours dans le secteur, plusieurs assurés invétérés ne prennent plus le risque de s'aventurer à déclarer des sinistres irréels. Ils sont de plus en plus conscients de la capacité du système à les identifier facilement», relève un directeur exécutif en charge des sinistres. Il faut dire que la profession n'avait plus le choix. La montée en flèche de la sinistralité fragilise sérieusement les équilibres de la branche automobile et sa rentabilité. Aujourd'hui, les primes émises au titre de cette assurance avoisinent les 14 milliards de DH dont 10 milliards collectés sur la RC (Responsabilité civile). Ces primes augmentent de 5 à 8% en moyenne chaque année pendant que les prestations servies dépassent 11 milliards de DH (environ 65% des 17 milliards de DH de prestations de la Non-vie selon les opérateurs). Au rythme auquel évoluent les deux agrégats, la branche n'est pas viable sur le moyen terme. Pire encore, sur ces montants, le poids des déclarations frauduleuses commence à devenir prépondérant selon les recoupements des professionnels. À en croire leurs estimations, le phénomène de la fraude à l'assurance concerne 5 à 10% des dossiers. Dans le détail, les données du cabinet de consulting Roland Berger démontrent que la multi-assurance concerne 4% du total des assurés en RC, 9% en garantie tierce et dommages collision et 7% dans le bris de glace. Aussi, les multirécidivistes, qui déclarent plus de trois sinistres par an, représentent plus de 20% des sinistres RC automobile et 9% des sinistres tierce et dommages collision et bris de glace. Pour riposter, le secteur envisage une série de mesures menée concomitamment à la mise en place de la centrale des sinistres et au dispositif de détection des multi-assurés. A leur tête figure le durcissement des sanctions légales, actuellement en chantier. Aussi, les assureurs envisagent une hausse des tarifs dans la branche automobile pour compenser partiellement le manque à gagner sur les dossiers frauduleux. En lien avec les tarifs, l'autre mesure du dispositif, qui sera mis en place, concerne l'augmentation des niveaux de franchises (actuellement de 2500 DH). La profession explique que ce levier constitue un facteur moralisateur qui responsabilise l'assuré et le pousse à surveiller son comportement de conduite. [tabs] [tab title="Les cas de fraude à l'assurance les plus récurrents" id=""]Les fraudeurs font preuve d'ingéniosité pour gruger les assureurs. A en croire ces derniers, les courtiers et les spécialistes de l'expertise automobile, les fraudes qui reviennent le plus souvent sont les déclarations de sinistres fictifs, le changement des pièces en bon état par des pièces endommagées pour inclure leur valeur dans le remboursement et la prise en charge de sinistres antérieurs à la date de souscription de l'assurance. Il y a aussi des taux d'IPP parfois exagérés.[/tab] [/tabs]