Le plafond de valeur immobilière totale reste à 200 000 DH au lieu de 250 000 DH comme prévu. La TVA passe de 14 à 20%, mais son remboursement est toujours prévu. Une centaine de conventions signées ou en cours de signature depuis 2000. C'est la fin des exonérations fiscales pour les promoteurs immobiliers qui réalisent des programmes de logements sociaux de plus de 2 500 unités. Une victoire en demi-teinte pour la Direction des impôts mais surtout un revers pour la corporation des promoteurs immobiliers qui voit l'un de ses grands privilèges s'effriter. La décision qui devait être officialisée jeudi 1er novembre, puis soumise, dans le cadre de la Loi de finances, au vote des députés, coupe la poire en deux. Les promoteurs ne seront pas comme auparavant exonérés de l'impôt sur les sociétés (IS). Toutefois, le taux appliqué ne sera pas celui du droit commun (30% à partir du 1er janvier 2008), mais de 15% seulement. «C'est le seul changement contenu dans ce projet de Loi de finances qui touche directement les promoteurs immobiliers. Il vise à induire une équité fiscale, les promoteurs immobiliers engrangeant quoiqu'on en dise des bénéfices non négligeables», explique-t-on au ministère des finances. Cette nouvelle disposition coûtera désormais à chaque promoteur immobilier construisant des logements sociaux entre 6 000 DH et 7 000 DH par logement. Cette estimation se fonde sur un calcul de marge bénéficiaire moyenne de 40 000 DH par logement vendu à un prix maximum de 200 000 DH (plafond rarement respecté en raison de la pratique du noir qui sévit toujours à grande échelle). La seconde nouvelle mesure introduite dans l'article 19 de la Loi de finances se rapporte à la TVA qui passera en 2008 de 14 à 20%. «Cependant, tient à nuancer ce même responsable, cette mesure n'aura aucun impact réel sur le prix de vente au public puisque la totalité des sommes déboursées en TVA vont être remboursées par l'Etat aux promoteurs». Dans la ligne de mire du gouvernement : les promoteurs immobiliers et non le citoyen Pour ce qui est du montant de la valeur immobilière totale (VIT) des logements sociaux, aucun changement n'a été apporté par le projet de Loi de finances. Le plafond des 200 000 DH ne sera donc pas revu à la hausse comme s'y attendaient les professionnels. Idem pour le seuil minimum de 2 500 logements à construire par le promoteur immobilier bénéficiaire des exonérations. Le délai de cinq ans fixé pour la réalisation des termes de la convention liant le promoteur à l'Etat est aussi maintenu. Et pourtant, aussi bien promoteurs immobiliers que ministère de l'habitat sont favorables à un changement de ces deux dernières conditions. Une VIT de 250 000 DH a pendant plusieurs mois été présentée comme acquise. L'application d'un seuil minimal de logements à construire par région était mise en avant. Mais la Primature et le département de l'habitat ont choisi de reporter cette refonte globale de l'article 19 à l'année prochaine pour, avancent-ils, permettre une grande concertation avec les professionnels. «Il ne faut pas oublier que la Loi de finances en préparation est marquée par la transition entre deux gouvernements», précise une source gouvernementale qui ajoute que «ces deux nouvelles dispositions ont été prises par le gouvernement dans le sens de la promotion du ménage marocain et de sa capacité à acquérir un logement décent puisqu'elles touchent directement le promoteur et non le citoyen». Plus prosaà ̄quement, les tensions pesant sur le budget ont freiné les autres requêtes. Des conventions conclues pour un montant de 50 milliards de DH depuis juillet 2000 La décision du gouvernement, l'on s'en doute, est loin d'être comprise par les promoteurs immobiliers. Si ces derniers sont mobilisés depuis plusieurs semaines déjà , ils n'ont pas réussi à sauvegarder en totalité ces exonérations présentées comme des acquis. «Notre position a toujours été très claire. Mettre en cause l'article 19 est un coup dur à un secteur en plein développement. Il ne faut pas oublier que le Maroc connaà®t toujours un grand déficit en logements. Comment voulez-vous relever ce challenge en supprimant les avantages dont bénéficiait jusque-là le secteur», précise Chakib Bennani, président de la commission fiscale de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI). D'autres promoteurs immobiliers contactés par La Vie éco n'ont voulu s'exprimer que sous couvert d'anonymat, préférant laisser la parole à M. Bennani. «Le gouvernement a commencé par l'annulation des avantages fiscaux accordés aux acquéreurs de logements sociaux il y a deux années (NDLR : ils étaient exonérés de 50% des droits d'enregistrement et des frais d'inscription). Actuellement, c'est aux avantages des promoteurs qu'on s'attaque. Comment voulez-vous dans ces conditions éradiquer l'habitat insalubre ?» , se demande-t-il. Une incompréhension que les autres promoteurs interrogés affichent volontiers d'autant plus que leurs démêlés avec le fisc, essentiellement en ce qui concerne le point très sensible du remboursement de la TVA, n'ont toujours pas connu de solution. En effet, les grands promoteurs d'habitat social affirment subir deux années de retard de remboursement de cette taxe. Si l'article 19 suscite autant de passions, c'est qu'il a été un levier de développement du secteur. En effet, depuis sa publication dans la Loi de finances 2000, l'article 19 a fait des heureux. 97 dossiers ont été adressés au département de l'habitat par les promoteurs immobiliers désireux de conclure des conventions avec l'Etat pour la réalisation de 247 500 logements sociaux présentant une VIT de 49,5 milliards DH. 75 conventions ont été conclues alors que 22 projets attendent toujours le feu vert du ministère. Seule consolation pour les promoteurs, les conventions déjà signées ne seront pas affectées.