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El Othmani commence par rattraper un retard de six mois
Publié dans La Vie éco le 02 - 05 - 2017

Le vote d'investiture a eu lieu mercredi, le gouvernement entre pleinement en action. En plus du PLF, il doit préparer son plan d'action, accélérer les projets de loi organiques en souffrance et remettre en marche la machine économique. Campant parfaitement son rôle, l'opposition rejette le programme qu'elle qualifie de vague et d'imprécis.
Depuis jeudi, Saad Eddine El Othmani n'est plus le chef de gouvernement désigné. Avec le vote favorable des députés, mercredi dans la soirée, le gouvernement est dûment investi, selon les termes de la nouvelle Constitution qui consacre la double investiture du gouvernement. Ainsi, à l'heure où nous mettions sous presse, après avoir écouté attentivement les interventions des groupes parlementaires de la première Chambre, lundi, et ceux de la deuxième Chambre, mardi, le chef du gouvernement devait intervenir à son tour, mercredi en fin de journée, pour y répondre. La réponse d'El Othmani devrait être suivie par le vote de sa déclaration gouvernementale. Bien sûr et comme le stipule l'article 88 de la Constitution, seuls les députés sont appelés à voter (à la majorité absolue de 198 votes pour) le programme du gouvernement. Immédiatement après le vote, le gouvernement et le Parlement devraient entamer, sans plus attendre, le débat du projet de Loi de finances. El Othmani l'a précisé pendant sa déclaration devant les élus, il n'a pas l'intention de retirer le texte actuellement devant la première Chambre, il a été déposé rappelons-le à la veille des élections du 7 octobre. Le gouvernement se contentera d'apporter les amendements nécessaires pour le réajuster à la conjoncture actuelle. En même temps, et sans même attendre le vote des élus, le chef du gouvernement a déjà procédé à la définition des attributions des membres de son équipe. Une première fournée de décrets a déjà été publiée dans le Bulletin officiel à cet effet. Ces textes concernent, dans un premier temps, une douzaine de départements dont l'Intérieur, les Affaires étrangères, les Finances, la Justice et les Habous et les affaires islamiques entre autres. Les deux institutions, gouvernement et Parlement, devraient également mettre les bouchées doubles pour adopter les projets de loi organiques encore en débat au Parlement. En parallèle, l'Exécutif devra plancher, à partir de juin prochain, sur les arbitrages nécessaires pour la préparation du projet de loi de Finances de 2018. Ce n'est pas tout, l'équipe El Othmani aura également la charge de préparer le plan d'action du gouvernement ou le programme gouvernemental à proprement parler. Le document, véritable feuille de route de l'Exécutif, comprendra l'ensemble des actions et mesures concrètes à mettre en œuvre au cours de son mandat avec détail d'exécution un échéancier et l'enveloppe budgétaire nécessaires à leur mise en œuvre. Cet exercice devrait s'étaler sur les trois prochains mois. C'est pour dire qu'El Othmani et son équipe auront du pain sur la planche.
Le PJD maintient le flou
Au-delà de cet aspect opérationnel, ce qui attire également l'attention dans la démarche du chef du gouvernement, c'est son ouverture sur les autres partenaires politiques. Ainsi, mettant à exécution sa promesse de se concerter avec les partis politiques, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, El Othmani a reçu, mercredi dernier, les secrétaires généraux des partis de la majorité et les chefs de leurs groupes au sein des deux Chambres du Parlement, avant de rencontrer, le lendemain, les présidents du groupe du Parti de l'Istiqlal, ainsi que le secrétaire général du PAM et les présidents de ses deux groupes au Parlement. Lors de ces réunions, il les a informé du fait que le gouvernement n'a pas l'intention de retirer le PLF déposé auprès de la Chambre des représentants, faisant part de sa volonté d'accélérer l'examen et le vote de ce projet afin de rattraper le retard enregistré à ce propos. Une telle initiative aurait été pure fiction sous l'ancien gouvernement. Ce qui indique que le changement est bien là.
Pour revenir à son investiture et d'après les interventions des groupes parlementaires de la première Chambre, lundi, la tendance générale était pour un vote favorable des partis de la majorité, avec, toutefois, des nuances. Ainsi, à moins qu'il y ait des absences en masse, l'exercice du vote devrait être largement favorable à l'investiture du gouvernement. Cependant, la situation n'était pas aussi claire quelques jours plus tôt. En effet, à la veille de l'ouverture de l'actuelle session du printemps, le secrétaire général du PJD avait tenu à rencontrer les élus de son parti et bien qu'il leur ait demandé de voter pour le programme, il a plutôt été question que la formation islamiste garde ses distances avec le gouvernement qu'elle dirige. Cette ambiguïté a d'ailleurs été clairement reflétée dans l'intervention du parti, présentée par le chef de son groupe parlementaire, l'ancien ministre délégué du budget et actuel maire de la ville de Fès, Driss El Azami. Le PJD promet donc un soutien raisonnable et éclairé, ponctué de bons conseils quand il le faut, tout au long du mandat. C'est une nouvelle forme de soutien/opposition qui n'est ni un soutien franc, ni une opposition claire à inscrire au lexique politique national.
Un soutien franc et responsable
Rappelons en ce sens que c'est le PJD qui a également inventé, il y a près de vingt ans, la notion de «soutien critique» que devait réserver son groupe parlementaire au gouvernement d'Abderrahmane Youssoufi. Nous sommes donc, pour ainsi dire, loin du soutien franc, massif et indéfectible que le groupe parlementaire du PJD a assuré au gouvernement d'Abdelilah Benkirane durant toute la durée de son mandat. Une manière de dire que le groupe mené par l'un des proches de Benkirane jouera un rôle de scrutateur des actions du cabinet El Othmani envers lequel, et c'est de notoriété publique, un clan au sein du PJD ne cache plus son animosité. Cette attitude peut se comprendre par la situation de clivage que connaît actuellement le PJD dont une tendance récuse les conditions dans lesquelles a été formé l'actuel gouvernement. Le comportement des élus du parti à l'égard du gouvernement ne devrait se clarifier qu'après le prochain congrès, et surtout après que le successeur de l'actuel secrétaire général, en fin de son deuxième mandat, sera connu.
Pour avoir une idée de ce soutien conditionnel du PJD, il repose sur trois axes déterminants. En premier, l'action du gouvernement doit s'inscrire dans le cadre de la poursuite de la mise en application des dispositions de la Constitution et l'activation de ses institutions. Le gouvernement doit également garantir, en second lieu, la poursuite des réformes engagées par son prédécesseur et répondre aux attentes des électeurs. En troisième lieu, l'équipe gouvernementale doit faire preuve de sa capacité à réaliser l'harmonie, la concertation et la mobilisation nécessaires pour lui assurer plein succès. De son côté, le groupe du Rassemblement constitutionnel (RNI, UC, MDS et UD) a qualifié le programme gouvernemental d'ambitieux, soulignant son soutien aux grandes réformes contenues dans ce programme. Lequel programme, affirme Taoufiq Kamil, chef du groupe parlementaire, aura «un grand impact sur la promotion et le renforcement de l'économie nationale». Le groupe, qui a décidé, en toute transparence et franchise, de voter en faveur du programme gouvernemental, a insisté sur le fait que ce dernier constitue «une expression de la volonté de toutes les composantes de la majorité pour poursuivre le processus de mise à niveau globale de l'ensemble des chantiers». Et ce, conformément aux réalisations accomplies par les gouvernements précédents.
Exit le double discours
Il n'est donc pas question de reproduire l'expérience du gouvernement sortant où son meneur, le PJD, a fait main basse, lors de sa campagne électorale, sur toutes les réalisations importantes de l'équipe gouvernementale. En ce sens, le groupe parlementaire, fort de 60 députés, soit la troisième force parlementaire après le PJD et le PAM, a relevé que la cohérence du gouvernement, la convergence de vues sur les positions politiques, le respect des engagements et le rejet du double discours sont susceptibles de garantir une véritable relance économique, réitérant l'engagement d'interagir positivement avec cette expérience et de défendre son noble objectif consistant en la réalisation des aspirations des citoyens.
De son côté, le groupe haraki a qualifié le programme gouvernemental d'ambitieux et après avoir rappelé que les 5 axes principaux du programme gouvernemental renferment une série d'objectifs détaillés, le groupe a estimé que l'essentiel réside dans les fondements du programme contractuel, axés sur le partenariat et la cohérence, la solidarité, la transparence dans la gestion et l'efficience dans la réalisation. Il a également mis l'accent sur le principe de la démocratie participative et la concertation avec les partenaires socioéconomiques et les acteurs de la société civile.
En gros, et selon les groupes de la majorité, les engagements contenus dans le programme gouvernemental, qui s'articule autour de cinq axes principaux, allient ambition et réalisme, apportent des réponses à de nombreuses préoccupations politiques, économiques et sociales. Cela dit, les interventions dans leur globalité ont, par la même occasion, présenté des propositions à même de permettre d'accélérer le rythme de réalisation et d'améliorer le niveau d'efficacité de ce programme.
L'Istiqlal toujours divisé
Partagé entre l'approbation et l'abstention de voter, l'Istiqlal a tenu à garder le suspens jusqu'à la dernière minute. A aucun moment, le chef du groupe parlementaire n'a précisé si son parti va voter pour le programme du gouvernement. En principe, les députés de l'Istiqlal devraient respecter la décision du Conseil national du parti, qui avait opté par un soutien critique du gouvernement. C'est une promesse faite en son temps à Benkirane, alors chargé de former le gouvernement, en signe de reconnaissance pour son attachement à ce que l'Istiqlal fasse partie du gouvernement.
Or, depuis cette réunion du Conseil national, qui remonte au mois d'octobre 2016, le contexte a bien changé. Aussi, quelques jours avant le vote, les députés de ce parti étaient encore partagés entre le vote positif ou l'abstention. Il a même été question à un certain moment du retrait de la séance du vote, comme le parti l'a déjà fait le 16 janvier dernier au moment de l'élection du président de la Chambre. Cela dit, à la veille du jour du vote, la tendance était plutôt pour un vote positif avec les partis de la majorité. De toutes les manières, et depuis le début des négociations de formation du gouvernement il a été question de former une majorité confortable et solide. Ce qui a été fait. Le vote de l'Istiqlal, quelle que soit sa nature, ne devrait donc pas bouleverser la donne. Cela dit, dans son intervention, et comme l'a fait le PJD, l'Istiqlal n'a pas non plus voulu faire l'impasse sur les six mois qui ont précédé la formation du gouvernement. Comme le PJD, l'Istiqlal a noté que le programme gouvernemental a négligé le volet politique, censé pourtant être fortement présent dans son contenu. Noureddine Moudiane, le chef de son groupe, a émis plusieurs critiques à l'égard du programme gouvernemental. Mais il a fait savoir que l'Istiqlal gardera toujours espoir pour la réforme, le changement, l'édification démocratique, l'instauration de l'égalitarisme économique et social dans une société où règnent la parité, l'égalité des chances, la vie décente et les vraies valeurs de citoyenneté. El Othmani et son équipe ne demandent certainement pas mieux.
[tabs][tab title ="Pour une opposition constructive"]Si le PAM a ouvertement et clairement choisi son camp depuis le 8 octobre dernier, il n'est pas le seul dans l'opposition. Il en est certes le leader, mais il compte aussi sur la compagnie du parti de la Gauche verte (un siège) avec lequel il forme un groupe commun et la FGD. Cette précision ayant été faite, pour les partis de l'opposition, le PAM, le PGVM et la FGD donc, le programme gouvernemental ne s'inscrit pas dans une perspective politique claire, manque d'objectifs déterminés et ne présente pas d'agenda précis pour sa mise en application. Les deux formations sont d'ailleurs revenues sur les cinq mois de négociations infructueuses menées par Abdelilah Benkirane, s'interrogeant, comme c'est le cas pour le PAM, sur le coût réel de près de six mois de blocage de la non-adoption de la Loi de finances, du gel de l'investissement public pendant cette période de retard dans la mise en œuvre des réformes urgentes, notamment dans le domaine de l'administration. Pour sa part, la FGD a insisté sur les impacts politiques et économiques du retard de près de 6 mois pour la formation du gouvernement, passant en revue une série d'observations sur le programme gouvernemental tout en s'interrogeant sur les chances de sa mise en œuvre. Globalement, le groupe parlementaire du parti PAM et son allié, le parti de la Gauche verte, ont noté que le chef du gouvernement a présenté «une déclaration et non pas un programme gouvernemental, tel que le stipule l'article 88 de la Constitution avec à l'appui des indicateurs chiffrés et précis dans le temps et dans l'espace et des objectifs basés sur des projets concordants et cohérents, ainsi que des mesures concrètes pour leur mise en application». De même, estime le PAM, le programme ne répond pas, du point de vue méthodologique, aux normes internationales en vigueur. Lesquelles normes consistent essentiellement en l'adoption de stratégies intégrées sur les plans politique, économique et social, dotées du coût financier nécessaire et appuyées par des résultats prévisibles. «Ce qui nous permettra, en tant qu'acteurs politiques et institution législative et de contrôle, de suivre et d'évaluer objectivement les réalisations accomplies, dans le respect du principe constitutionnel de lier la responsabilité à la reddition des comptes». Cela étant, le PAM tient toutefois à préciser que «si une action du gouvernement vise l'intérêt du citoyen et de la Nation, nous n'allons pas hésiter à la soutenir». Laissant de côté ses chamailleries politiques avec le PJD, le PAM affirme vouloir se concentrer essentiellement sur le volet économique en proposant des alternatives. Le parti a institué, et c'est une première au Maroc, un «gouvernement de l'ombre» pour suivre au quotidien, et évaluer, les actions du gouvernement.[/tab][/tabs]


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