Aucune loi ne réglemente le temps de repos des conducteurs. Le matériel roulant est exploité au maximum et les chauffeurs travaillent plus qu'il ne faut. Encore un ! Le dernier accident d'autocar à Settat est venu rappeler de manière brutale et tragique la réalité des transports publics de voyageurs au Maroc. Réalité qui contraste avec le discours mobilisateur et les actions entreprises par les pouvoirs publics pour lutter contre le fléau des accidents de la route. Réalité qui sera vite oubliée dans quelques jours. La population s'émeut, et oublie… jusqu'à la prochaine catastrophe. Mais, jamais on ne définit vraiment les responsabilités, ni ne sanctionne les responsables, sauf dans des cas rarissimes quand la faute du conducteur est avérée. La tragédie de Settat (17 morts et près de 30 blessés) et dans laquelle est impliqué un autocar qui transportait 11 personnes en surcharge n'échappe pas à la règle, et l'on parle déjà de l'erreur humaine, de la vitesse et du manque d'attention du conducteur. Sauf que, cette fois-ci, et selon des confidences recueillies par La Vie éco, cela faisait plus de quatre mois que ce chauffeur faisait quotidiennement le trajet entre Ouarzazate et Casablanca, soit plus de 400 kilomètres, sans un seul jour de repos. Et ce n'est pas un cas isolé. Aujourd'hui, il est urgent, plus que jamais, de passer au stade supérieur, qui est celui de la sanction. Or, pour le faire il faut d'abord établir les responsabilités et donc faire un diagnostic, sans complaisance, des maux du transport de voyageurs au Maroc. La Vie éco a posé la question à des transporteurs et à des responsables au ministère des Transports. Résultat : les maux sont nombreux et tout le monde les connaà®t. Ironie, tous tiennent à garder l'anonymat pour parler vrai. CTM : l'exception en matière de formation des chauffeurs Premier constat : il n'existe pour l'heure au Maroc aucune loi qui réglemente le temps de conduite des chauffeurs de poids lourds, et le Code du travail n'en dit pas mot. A titre de comparaison, la réglementation européenne oblige les conducteurs à conduire quatre heures et à se reposer autant, avec une durée de conduite qui ne doit pas dépasser 8 heures toutes les 24 heures. Sur les longs trajets, les sociétés utilisent donc deux chauffeurs, voire trois, pour être en mesure de respecter la réglementation. D'ailleurs, les sociétés marocaines de transport international de voyageurs ont fini par assimiler et appliquer ces normes, à force d'avoir eu à payer des amendes qui se chiffrent en milliers d'euros, la fixation du montant de ces amendes étant laissée, dans certains pays, à la discrétion du contrôleur lui-même. Dans certains pays encore, le contrôle du temps de conduite des chauffeurs est effectué même en dehors des heures de travail, puisque les sociétés de transport sont tenues de remettre les disques des chrono-tachygraphes (mouchards) aux services et administrations chargés du contrôle et du respect de la législation. Par ailleurs, il n'y a pas, au Maroc, de formation spécifique obligatoire au métier de conducteur de transport public de voyageurs, ni de formation continue (alors que, dans les pays de l'Union Européenne, il existe un suivi strict de ces volets). Ceci, sans parler des tests de recrutement qui, lorsqu'ils sont faits, le sont de manière tout à fait subjective. A titre d'exemple, et c'est une exception, la CTM fait subir à ses chauffeurs les tests d'aptitude à la conduite dans les centres de l'ONCF (Office national des chemins de fer) qui dispose des moyens humains et techniques pour réaliser ces tests. Le troisième constat est que même quand on élabore des lois pour lutter contre les accidents de la circulation, elles ne sont pas toujours appliquées, pour ne pas dire jamais. On en veut pour preuve le décret ministériel de janvier 2005 qui rendait obligatoire l'équipement des véhicules de transport de système de freinage ABS, de ralentisseurs électriques et de limitateurs de vitesse, décret qui n'a jamais été appliqué. Certes, personne ne peut nier les efforts accomplis par les pouvoirs publics pour lutter contre les accidents, notamment par le biais du CNPAC (Comité national de prévention des accidents de la circulation) pour ce qui est de la sensibilisation du citoyen, mais aussi au niveau du contrôle et de la répression de la délinquance routière, mais tous ces efforts ne peuvent pas aboutir tant que le nouveau code de la route n'est pas adopté. D'autre part, il est urgent d'assainir et réformer le transport de voyageurs, même si cela nécessite un grand courage politique. Actuellement, il existe plus de 5 000 agréments sur le marché dont plus d'un millier n'est pas exploité. En attendant, reste ouverte la course à la recette ou plutôt la course vers la mort !.