Lorsque le nouveau Makhzen est arrivé il y a 11 ans, on a vu émerger avec lui des figures de tous bords qui chantent ses louanges et "sabih bi7amdih". D'anciens gauchistes révolutionnaires aux académiciens et autres intellectuels, les ressources humaines makhzanniennes ont ratissé large pour dénicher ceux qui vont être les "béni oui oui" du nouveau règne pour contrecarrer toute tentative de changement au profit des doléances légitimes d'un peuple qui souffre atrocement d'un manque suffoquant de liberté et surtout de dignité. Evidemment, la scène artistique ne sera pas en reste de cette politique sournoise d'embrigadement pour la bonne cause d'une "Imamat" qui distribue la "harira" le jour et viole et torture la nuit les opposants dans les prisons secrètes de la DST et des autres milices politiques. On peut éventuellement comprendre que des « artistes » sans engagement puissent souscrire à l'entreprise makhzannienne et ainsi profiter des passe-droit pour être présent à "Mawazine" ou d'autres sinistres festivals dans lesquels des sommes astronomiques sont gracieusement distribuées à partir de l'argent du contribuable. Cependant, ce qui est sidérant, c'est qu'un rappeur, censé exprimer la douleur de la "populace" par ses textes et ses lyrics vienne aujourd'hui exprimer son mépris aux larges mouvements de contestation populaires qui embrasent toutes les villes du pays exactement comme le font les chefs de file des baltajias marocains. Lorsqu'un petit du rap nommé Bigg, a voulu s'imposer au début du millénaire comme le prince de l'underground marocain, avec l'appui logistique de toute une industrie « majestueuse » derrière, et dont l'objectif était principalement d'éviter à la jeunesse marocaine de prendre part au militantisme en tout genre, il semblait oublier que le rap n'avait pas d'adeptes assez avertis pour comprendre la compromission de Mister Bigg avec les tenants de la politique d'abrutissement de la jeunesse marocaine. Les prémisses de cette manœuvre se sont fait sentir à ses débuts artistiques lorsque lui et d'autres imbéciles de l'art montaient sur scène avec des drapeaux marocains pour s'inscrire « artistiquement » dans la cause identitaire que le Maroc utilisait à des desseins purement politiques. Un débat identitaire importé soigneusement de France, d'une droite malade et maladroite qui a souvent démontré ses limites à apporter des réponses sociales aux préoccupations des français et qui souvent fait appel à une brutalité sans pareil pour taire bon nombre de contestations. C'est un modèle qui plait énormément à nos dirigeants d'autant que cette même France continue à soutenir ses "amis" dictateurs un peu partout dans le monde arabe. Evidemment, pour ceux qui connaissent bien le rap contestataire français, Si Joey Starr et Rockin S'quat avaient un jour chanté en brandissant l'étendard tricolore, symbole d'une France raciste à l'époque, ils n'auraient jamais eu le succès qu'ils ont connu et le respect que les foules leur doivent aujourd'hui. Car ses rappeurs ont su, à travers leur textes montrer que le malaise d'en bas était justement du à des politiques foireuses d'en haut identifiées à un drapeau dont seul le FN s'évertuait, à l'époque, à mettre en avant par rapport aux autres composantes de la scène politique française. Aujourd'hui au Maroc, dites-moi quelles sont véritablement les parties qui affichent leur amour à un drapeau qui, de surcroît, a été créé par Hubert Lyautey et devenu symbole de tyrannie, d'injustice, de tortures dans les prisons secrètes et j'en passe...? Bigg semble en faire partie, et c'est tout à fait son droit mais il serait peut être temps pour lui de se reconvertir dans un nouveau genre musical plus adapté à son état d'âme courtisane...Et comme disait un vrai rappeur, dans un vrai texte underground : "j'ai du mal à croire que les gens applaudissaient...des gars comme toi ayant perdu le cap...Les vrais reprendront la prod... et beaucoup comme toi seront virés du rap !!"