Le jour même où le gouvernement présente à Genève son rapport sur les droits des migrants, le cabinet royal valide publiquement un rapport du CNDH qui dénonce les «nombreuses violations des droits des migrants en situation irrégulière». Le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Abdelouahed Souhail, et le délégué interministériel aux droits de l'Homme, Mahjoub El Haiba, étaient à Genève aujourd'hui pour défendre devant un comité de l'ONU le rapport du gouvernement sur les droits des migrants au Maroc. Dans ce rapport, les autorités persistent à nier toute infraction commise par les forces de l'ordre, et ce malgré les nombreux témoignages recueillis. «Les informations accusant les autorités marocaines de recours à la violence et mauvais traitements à l'encontre des migrants en situation irrégulière sont infondées», rapporte le texte. Or, aujourd'hui, le cabinet royal a publié de son côté un communiqué indiquant que le roi Mohammed VI «a pris connaissance» d'un nouveau rapport du CNDH sur les migrants, qui dénonce notamment «de nombreuses violations des droits» et appelle le gouvernement marocain à «bannir toute forme de violence exercée contre les migrants en situation irrégulière lors des opérations d'interpellation». Le communiqué du cabinet royal indique que «le Souverain a pris note des recommandations pertinentes du CNDH». Qui dirige la DGSN et la Gendarmerie royale ? Après le discours royal sur l'éducation du 20 août dernier, dans lequel le roi a critiqué directement – et pour la première fois de son règne – l'actuel gouvernement, Mohammed VI tacle donc une nouvelle fois l'équipe Benkirane, cette fois sur la question des migrants. La responsabilité des violences exercées par les forces de l'ordre contre les migrants en situation irrégulière incombe pourtant à la DGSN et à la Gendarmerie royale, dont les responsables, Bouchaïb Rmail et Hosni Benslimane, sont nommés par le roi et répondent directement au Palais. Quant au rapport gouvernemental présenté aujourd'hui par le gouvernement à Genève, il faut rappeler qu'il est attendu par l'ONU depuis... 2004. La première mouture n'a finalement été envoyée qu'en juillet 2012 par l'actuel gouvernement, avec huit ans de retard. Le «timing» du CNDH La position du CNDH est elle aussi sujette à interrogation. Le rapport gouvernemental initial envoyé à Genève en 2012 indique en introduction que l'organisme dirigé par Driss El Yazami a participé à son élaboration. Si le CNDH n'était pas d'accord avec le contenu validé par le gouvernement l'année dernière, ou s'il n'avait pas réussi à faire entendre sa voix, pourquoi avoir attendu aujourd'hui pour publier les conclusions de son propre rapport ? Cela rappelle l'épisode Gdim Izik en février dernier. Le CNDH avait attendu la fin du procès des activistes sahraouis – et leur condamnation à de lourdes peines de prison - avant de publier un rapport demandant à ce que les civils ne soient plus jugés devant un tribunal militaire, conformément à la constitution et aux engagements internationaux du royaume. Mohammed VI s'était alors «félicité» du rapport du CNDH.