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Fête du Trône : Quand le roi du Maroc décore un sioniste américain
Publié dans Lakome le 13 - 08 - 2013

A l'occasion de la fête du Trône, Mohammed VI, a décoré du Wissam Alaoui de l'ordre du Grand Officier, Malcolm Hoenlein, Vice-président de la Conférence des présidents des grandes organisations juives des Etats-Unis.
L'agence officielle, MAP qui a fait état de cette information, ne cite pas les raisons pour lesquelles le Commandeur des Croyants et Président du Comité « Al Qods », a cru devoir décorer l'intéressé qui est, par ailleurs, l'une des figures historiques des relations israélo-américaines. Elle ne cite pas, comme d'habitude, les services qu'il aurait rendu au Maroc, ou peut être à l'humanité entière, qu'ils soient dans le domaine culturel, sportif, scientifique ou artistique, pour mériter cette distinction.
Qui est l'homme en question et quelle est donc son organisation, pour qu'ils fassent ainsi l'objet de tant d'égards ?
Une organisation gigogne
Outre le fait qu'il a été décoré à maintes reprises par la ville de Jérusalem, Malcolm Hoenlein est depuis 2007, détenteur du titre de « Trustee of Jerusalem » décerné par la mairie de la ville. Trois ans plus tard, il a reçu la distinction de « Guardian of Zion », de l'université israélienne Bar-Ilan. Il est également le « Defender of Jerusalem », un titre créé en 2008 par le milliardaire Guma Aguiar et qui récompense « les personnalités qui ont démontré leur soutien et leur engagement à l'Etat d'Israël et sa capitale, Jérusalem », selon les mots du gouverneur républicain texan, Rick Perry, qui a reçu ce prix en 2009 .
Quant à la Conférence des présidents des grandes organisations juives des Etats-Unis, dont Hoenlein est le Vice-président, elle a été créée en 1955, à l'initiative de John Dallas et l'ancien ministre des affaires étrangères d'Israël, Aba Eban. Jusqu'en 1959, elle fut dirigée par Nahum Goldmann, un sioniste convaincu, qui mit la main à la création du Congrès juif mondial, qu'il dirigea de 1951 à 1977, qui occupa également le poste de Secrétaire général du Bureau politique de la dix-septième Conférence sioniste mondiale de 1931, puis celui de Président de l'Organisation sioniste mondiale, de 1956 à 1968, après avoir joué un rôle prépondérant dans la création de l'Etat d'Israël en 1948. La Conférence des Présidents des grandes organisations juives des Etats-Unis comptait à sa création quatorze organisations. Elle en compte 51, aujourd'hui, parmi lesquelles :
- L'Organisation des amis américains du Likoud
- L'American Israël Public Affairs Committee (AIPAC)
- Les Amis de l'armée israélienne
- L'Organisation des religieux juifs
- L'Organisation sioniste américaine
- Le Mouvement sioniste américain
La conférence s'apprête à lancer au mois d'août une vaste campagne pour contrer l'action du Mouvement pro-palestinien BDS (Boycott, Désinvestissements, Sanctions), qui appelle à un boycott mondial des produits israéliens. Selon les propres mots de Malcolm Hoenlein, au quotidien israélien Haaretz, il y a quelques jours : « Cette campagne se fera, pour l'essentiel, à travers Internet et les réseaux sociaux, où nous espérons atteindre chaque étudiant des Etats-Unis. L'objectif étant de sensibiliser de manière créative le public et reconquérir sa sympathie à notre égard. »
Paroles, paroles !
Quelques instants avant la cérémonie des décorations, le roi avait, comme à chaque fête du Trône, prononcé ces mots, dans son discours : « Nous avons poursuivi sans relâche nos efforts à la tête du Comité Al-Qods pour défendre la juste cause palestinienne, afin que, sur la base de l'initiative de paix arabe, le peuple palestinien frère puisse vivre sur ses terres, au sein d'un Etat indépendant. En outre, Nous poursuivons notre soutien et notre engagement en faveur de la préservation de l'identité culturelle et religieuse de la ville d'Al-Qods, notamment par le biais du Comité Al-Qods et son bras opérationnel, l'Agence Bait Mal Al-Qods, qui assure la mise en œuvre de nombreux projets. »
S'agissant du Comité Al Qods, il serait utile de revenir au texte préliminaire de sa création en 1975 et qui stipule : « Les travaux de la sixième conférence islamique de Jeddah, des ministres des affaires étrangères qui s'est tenue du 12 au 15 juin 1975 ont porté sur la situation de la ville de Jérusalem et de ses habitants palestiniens et notamment les tentatives de judaïsation des lieux saints par l'occupant israélien et la mise en péril de la ville arabe, dont les autorités musulmanes ont depuis toujours, respecté la liberté de culte. La Conférence, tout comme celles qui l'ont précédée, considère que Jérusalem fait partie intégrante de la Palestine occupée et insiste sur la nécessité de la préservation de l'identité musulmane des lieux, seule garantie d'une coexistence pacifique des religions monothéistes et de la préservation des lieux saints de l'Islam. »
Un peu plus loin, le texte poursuit : « Compte tenu de l'étroite relation entre la question palestinienne et la lutte contre le sionisme, puisque la confiscation de la Palestine, y compris Jérusalem, est à l'origine de ce conflit, la commission se voit investie de la mission de mettre en pratique toutes les résolutions de la Conférence islamique, concernant ce conflit. »
Plus loin, la déclaration consacre le principe de déléguer la Présidence du « Comité Al Qods », au roi Hassan II, en motivant son choix, comme suit : « Compte tenu de l'état actuel de la ville de Jérusalem et l'ambition avérée de l'ennemi sioniste de la judaïser et d'en faire sa capitale ».
Jérusalem, capitale éternelle et indivisible d' « Eretz Israel »
Bien de l'eau a coulé sous les ponts du Jourdain, depuis ces trois journées tonitruantes de 1975. Des traités de paix ont été signés, une autorité palestinienne a vu le jour, les négociations de paix se sont succédées, la colonisation de la Judée et Samarie s'est intensifiée et la judaïsation de la ville sainte s'est accélérée. Sur son site électronique consacré à la question de Jérusalem, la diplomatie marocaine continue de soutenir que la question de Jérusalem est la préoccupation essentielle de la nation musulmane, le nœud du problème au Moyen-Orient et la cause essentielle du conflit israélo-arabe. Mais autant le dire, sur le fond rien n'a changé.
Celui qui vient d'être décoré est considéré comme l'un des plus ardents défenseurs de Jérusalem capitale éternelle et indivisible de l'Etat d'Israël, comme en témoignent les communiqués de presse, émanant de son organisation. Il était au nombre des invités de marque, aux célébrations du quarantième anniversaire de l'unification de Jérusalem, comprenez par là, l'invasion par Tsahal en juin 1967, de la partie Est de la ville.
L'homme a également été classé par le journal israélien Haaretz parmi les trente-six (36) personnalités juives américaines les plus influentes lors de l'élection présidentielle américaine de 2008.
Pour preuve, cette anecdote : Réuni en congrès, à Charlotte, en Caroline, début septembre 2012, les délégués du Parti Démocrate américain, avait tenté, de biffer de leur déclaration, la phrase faisant allusion à "Jérusalem, capitale d'Israël". Au moment de voter la déclaration, on dut s'y reprendre à trois reprises, notre ami et ses camarades du lobby sioniste bataillant bec et ongles pour y faire inclure la fameuse phrase, se permettant, au passage, la déclaration suivante : « Le principe d'une Jérusalem capitale indivisible d'Israël est une réalité tangible, depuis fort longtemps ! »
Un entretien accordé au « Jewish Post », nous apprend que Hoenlein a consacré vingt-six années (26) de sa vie, à la défense des intérêts d'Israël, sa sécurité, sa prospérité, et son image aux Etats-Unis d'Amérique. Farouche partisan des technologies modernes de communication, dans le traitement de l'information et la prise de décision, il considère, par-dessus tout, la solidarité et l'union sacrée, comme la clé de la réussite de son organisation. Après avoir mis en place un réseau d'information appelé "Réseau d'action pour le leadership», qui diffuse des informations quotidiennes à propos d'Israël à plus de trois millions cinq cent mille (3.5 millions) juifs et non-juifs, il a initié le projet de la « Voix de l'Amérique en Israël » qui veille à organiser des voyages en Israël, pour les artistes et les cinéastes américains et en particulier aux stars d'Hollywood. Au cours de cet entretien, l'homme s'est particulièrement réjoui que dix-sept mille (17.000) églises américaines et une grande majorité d'américains apportent un soutien indéfectible à l'Etat d'Israël.
Quant à son organisation, très active au sein des Nations Unies, considérée comme la gardienne des communautés juives, dans le monde et le protecteur des établissements juifs en Amérique, elle s'emploie à nouer des relations internationales, en particulier, avec le monde islamique. Impliquée dans le dossier iranien, elle manifeste également, un intérêt tout particulier, pour les questions de terrorisme.
Mobilisation générale contre la normalisation avec Israël, au Maroc
Le 5 janvier 2013 à Rabat, était donné le coup d'envoi de « L'Observatoire marocain contre la normalisation avec le sionisme », dont le bureau est constitué de dix-sept membres, avec à sa tête, Ahmed Ouihmane. Parmi ses premières initiatives, l'Observatoire a présenté récemment un projet de loi criminalisant tout acte de normalisation avec l'Etat hébreux, qu'il s'agisse de commerce, de sport, de culture, de tourisme ou de toute autre activité.
Mais l'Observatoire ne considère-t-il pas le fait d'honorer une personnalité du Sionisme, par le Commandeur des croyants, et Président du comité Al Qods, comme un encouragement aux crimes et exactions commis quotidiennement par Israël. Qu'en pensent les autres ? Les savants, les penseurs et les activistes de tous bords, qu'ils soient musulmans ou non, islamistes ou non ? Qu'en pensent aussi les leaders du PJD qui ont assisté à l'assemblée constitutive du 5 janvier, comme les députés Abdellah Bouanou ou Mohamed Yatim ?
Une fête du Trône sur fond de scandales
La distinction accordée à l'un des piliers du sionisme mondial ne fut, hélas, pas le seul scandale qui aura marqué cette triste journée du 30 Juillet 2013. Un autre est venu s'y greffer, sous la forme d'une grâce royale à un pédophile condamné à trente ans de prison, pour avoir violé onze (11) enfants mineurs. L'homme n'aura purgé que quelques mois de sa peine.
Une mesure d'une gravité sans pareille, ressentie comme une humiliation par les victimes et leurs familles et qui en dit long sur la légèreté avec laquelle le locataire du palais traite, en règle générale la dignité de ses compatriotes et le peu de cas qu'il fait de la dignité humaine en général.
(La version originale de l'article a été écrite en langue Arabe. Texte interprété par Salah Elayoubi)
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