La récente visite du roi Juan Carlos d'Espagne au Maroc a eu des répercussions négatives, dont la plus néfaste est le scandale DanielGate, qui a causé la plus grande secousse sociale et politique au Maroc. Mais cette visite a apporté aussi ce qui peut être considéré comme des pertes stratégiques pour le Maroc, avec l'aval de l'institution royale et son entourage. Dans le scandale DanielGate, la responsabilité est partagée entre le Maroc et l'Espagne, mais le gouvernement espagnol, comme le souligne le journal El Pais dans un éditorial paru le mercredi 7 aout, a géré l'affaire avec le souci de fuir ses responsabilités en essayant de cacher le fait que c'est bien l'ambassade d'Espagne à Rabat qui a adressé aux autorités marocaines la liste des prisonniers pour lesquels elle sollicite la grâce et la liste de ceux pour lesquels elle sollicite le transfèrement vers les prisons espagnoles. Le silence de la diplomatie de Madrid à un moment où le roi du Maroc Mohammed VI est, pour la première fois depuis son arrivée au trône, sommé vigoureusement d'assumer sa responsabilité, soulève beaucoup de questions sur le concept de solidarité des Espagnols avec la monarchie Marocaine. Le gouvernement de Mariano Rajoy avait comme principale préoccupation de ne pas affecter l'image de Juan Carlos, mais s'il fallait cacher une partie de la vérité et laisser l'image du roi Mohammed VI se détériorer. A coté du scandale DanielGate, la véritable perte qui a une dimension stratégique concerne l'affaire du Sahara. En effet, la déclaration finale conjointe de la visite royale n'a pas fait référence à la proposition Marocaine d'autonomie. À cet égard, l'Espagne a non seulement refusé d'inclure toute référence à la proposition d'autonomie, mais a obligé le Maroc à accepter le terme « Sahara Occidental » dans cette déclaration. Qu'a obtenu le Maroc officiel de l'Espagne dans le dossier du Sahara ? Rien, sauf une vague opposition de Madrid à la proposition des Etats-Unis concernant l'élargissement de la mission de l'ONU au Sahara pour comprendre le volet droits de l'Homme, sachant que c'est l'Espagne qui, en 2005, avait soulevé le projet de contrôle du respect des droits humains au Sahara, qui est ensuite devenu un élément important dans le conflit. Le Parti Populaire n'hésite pas à soutenir toutes les initiatives d'appui à l'autodétermination, qu'elles soient au parlement national ou au niveau des parlements régionaux. Encore une fois, la question est légitime : comme le régime marocain a parlé d'une visite historique et stratégique qui se reflètera positivement sur la question du Sahara, où est cette dimension stratégique ? Ce que l'Espagne a obtenu, c'est la garantie que la Maroc n'apportera aucun appui aux processus séparatistes dans le pays basque et en Catalogne, cette région étant appelée à s'exprimer par référendum l'année prochaine sur sa propre autodétermination. Le Maroc s'est engagé vis-à-vis de l'Espagne à faire pression sur les Marocains résidant en Catalogne ayant la nationalité espagnole, de ne pas voter pour la sécession de la Catalogne. Ainsi, Rabat a observé un silence suspect suite à l'expulsion par les autorités Catalanes de Zyani, accusé d'encourager la sécession. Sur un autre plan, le roi Hassan II s'était engagé à évoquer le dossier de Ceuta et Melilla dans toutes les occasions importantes quelque soit le thermomètre des relations bilatérales entre les deux pays. Il avait aussi mis un point d'honneur à l'évoquer à l'Assemblée générale des Nations Unies tous les mois de Septembre. Qu'est-ce qui s'est passé aujourd'hui? Le roi Mohammed VI a annoncé suite à la crise de l'îlot Leila en 2002 qu'il était le protecteur du pays et que le dossier serait évoqué dans tous les forums internationaux. Le roi du Maroc est revenu à la charge en Novembre 2007 dans un communiqué à l'occasion de la visite de Juan Carlos à Ceuta, promettant d'évoquer le sujet dans les forums internationaux. Ensuite ? Après toutes ces gesticulations, le roi, qui demeure le principale responsable de ce dossier, a finalement décidé de le geler définitivement. Le sujet est absent des couloirs de l'Organisation des Nations Unies et les responsables marocains, qui ne peuvent plus prononcer un seul mot à ce sujet, sont couverts de honte vis-à-vis des Espagnols. Ainsi, cette année a enregistré un des moments noirs dans l'histoire de la diplomatie marocaine lorsque, le 2 Avril dernier, lors d'une réunion organisée par l'agence Europa Press à Madrid, le ministre des Affaires étrangères Espagnol Manuel Margall à humilié le ministre délégué Marocain Youssef Amrani en lui disant en public:" Les relations resteront positives aussi longtemps que vous, Marocains, ne parlez pas des deux villes espagnoles, Ceuta et Melilla ». La réponse fut le silence. Un silence qui reflète la décision prise par le pouvoir Marocain. Quelle pensée stratégique pousse le roi du Maroc à insister à deux reprises en dix ans, et de façon radicale, sur le dossier de Ceuta et Millais, en promettant d'établir une stratégie pour les récupérer, puis se taire par la suite ? Certains pourraient dire que les intérêts stratégiques expliquent ce silence. En vérité, la seule explication à cette absence de vison stratégique est l'improvisation. Cette attitude est d'autant plus embarrassante que l'Espagne, de son côté, accentue la pression sur la Grande-Bretagne pour la déloger de Gibraltar. Le pragmatisme peut nécessiter de traiter le dossier de Ceuta et Melilla avec calme à cause du dossier du Sahara, mais ne justifie aucunement de brandir des menaces de temps en temps pour ensuite enterrer le sujet définitivement. Il fallait au moins continuer à mentionner le sujet dans les rencontres diplomatiques traditionnelles. Sur le plan économique, on parlé d'un bond qualitatif puisque l'Espagne est devenue la premier partenaire commercial du Maroc à la place de la France. Oui, sauf que cela concerne surtout les exportations espagnoles vers le Maroc qui a augmenté de près de 250% au cours des dernières années alors que celle du Maroc n'ont augmenté que de 5%. Il ne s'agit pas ici de chauvinisme aveugle, ni d'excès de zèle en matière de patriotisme, dont sont champions certains chroniqueurs proches du cercle royal et en particulier de Fouad Ali Himma, qui distribuent les accusations sans poser la véritable question de la qualité de la vision stratégique du roi et de ses collaborateurs, notamment Fouad Ali El Himma, Taieb Fassi Fihri, Yassine Mansouri dans les relations internationales, en particulier avec l'Espagne et dans le conflit du Sahara. Alors, la visite du roi d'Espagne Juan Carlos, qui a été présentée à l'opinion publique marocaine comme un saut qualitatif dans les relations bilatérales, s'est soldée par le plus grand scandale qui a éclaboussé le roi Mohammed VI. En plus, elle a révélé la faiblesse de la réflexion stratégique du roi et de son entourage quant il s'agit des dossiers vitaux comme celui de Ceuta et Melilla et surtout celui du Sahara. Cela arrive à un moment où l'Espagne s'est assurée de la non-ingérence du Maroc dans le dossier Catalan comme contrepartie à la position de l'Espagne sur le conflit du Sahara occidental, tout comme elle a obtenu le silence du Maroc à propos de Ceuta et Melilla à un moment où l'abdication du roi d'Espagne Juan Carlos au profit de son fils le prince Felipe est de plus en plus envisagée. Traduction de l'Arabe: Ahmed Benseddik