Une chose est sure, le mariage entre la force armée et le pétrodollar ne peut jamais enfanter la démocratie. Ils ne l'ont jamais réussi par le passé et ne le réussirons pas dans l'avenir. Tandis que la plupart des pays du monde, comme la Grande Bretagne ou l'Allemagne, ont préféré condamner le putsch militaire qui a eu lieu en Egypte, du moins sur le plan du principe, certains pays, comme la Tunisie et la Turquie ont défendu leurs valeurs démocratiques fondatrices en demandant à l'armée égyptienne de protéger la légitimité des institutions, de libérer le Président égyptien et de le rétablir dans ses droits, et d'autres pays adoptent une démarche attentiste et se gardent de s'exprimer de manière tranchée sur la situation en Egypte, (c'est le cas des Etats-Unis d'Amérique dont la législation prévoit le gel des aides militaires pour toute armée qui opère un coup d'Etat contre ses représentants politiques), alors que l'Union Africaine n'a pas hésité à suspendre l'adhésion de l'Egypte dans ses instances jusqu'au rétablissement de l'autorité civile. Ainsi, au moment où la diplomatie internationale adopte ces positions, nous constatons que la monarchie marocaine a préféré joindre sa voix au concert des pays qui se sont empressé de féliciter le Président intérimaire de l'Egypte, à l'instar de l'Arabie Saoudite, qui s'est réjoui de la nomination de Adli Mansour, une heure seulement après le coup d'Etat et bien avant qu'il ne prête serment. Pareil pour les Emirats Arabes Unis, qui se disent "satisfaits "de ce qu'ils qualifient de « volonté populaire ». Un pays qui a soutenu le coup de force militaire et qui accueille sur son territoire le candidat perdant de l'ancien régime aux élections qui ont a conduit Morsi à la Présidence de l'Egypte. Cette position officielle du Maroc, où plus exactement du Palais royal, soulève plusieurs questions et nous amène à émettre quelques observations. La première est liée au contexte général dans lequel sont intervenus les événements en Egypte. Il est bien connu que le régime politique marocain a soutenu avec ferveur l'intervention française au Mali afin de maintenir ce qu'il appelle « les institutions légitimes » et pour combattre l'insurrection. De plus, le Maroc a joué un rôle de premier ordre dans la question syrienne. C'est au Maroc que se sont tenues la plupart des conférences des soi-disant «Amis de la Syrie», prétendant soutenir le peuple syrien dans sa lutte pour la démocratie et le rejet du pouvoir héréditaire des Assad. Mais selon quelle logique le Maroc défend-il le pouvoir malien contre les insurgés et soutient-il en même temps le peuple syrien dans son aspiration à la démocratie et reconnaît-il le droit aux militaires d'Egypte de renverser, en moins d'une année, un président élu démocratiquement ? La seconde observation s'appuie sur les contradictions entre le message de félicitations adressé par le Palais, dont le ton est étrangement proche du communiqué du pari de l'authenticité et de la modernité PAM, et la position du parti qui conduit la majorité gouvernementale actuelle, le PJD. Si le PJD n'a pas émis de position officielle, il n'en demeure pas moins que ses dirigeants, sa jeunesse et le mouvement de l'Unité et de la Réforme (MUR) ont tous condamné le coup d'Etat militaire et l'ont considéré comme incompatible avec les valeurs démocratiques. Même s'il s'agit là d'une position idéologique plutôt que d''une position de principe car ces mêmes dirigeants avaient soutenu le coup d'Etat mené par le soudanais Hassan Al Tourabi contre le gouvernement élu de Sadiq Al-Mahdi en considérant ce coup de force comme une révolution populaire. De même, la position du PAM ne s'appuie pas non plus sur une position de principe et sent fortement l'odeur du règlement de compte, pour ne pas dire de la jouissance de voir les « islamistes » en difficulté. Ceci qui nous amène à nous interroger sur les motifs qui ont conduit le Palais à se démarquer de la position du parti de Benkirane, pour s'aligner sur la position du PAM. Est-ce une énième manœuvre tendant à mettre dans l'embarras le Chef du Gouvernement qui est constitutionnellement responsable de la politique étrangère du pays ? Etait-ce sage de la part du Palais à prendre une telle position alors que le peuple marocain semble lui-même divisé sur ce qui vient de se passer en Egypte ? La troisième remarque a trait au contenu du télégramme adressé par le Palais au président égyptien nommé par la junte militaire et censé gouverner temporairement le pays. Le message indique entre autre : " je suis convaincu que vous n'épargnerez aucun effort, en concertation avec les autres leaders nationaux sages, pour gérer les affaires de l'Etat lors de cette phase transitoire décisive, conformément à la feuille de route annoncée, en vue de répondre aux attentes du peuple égyptien, et à ses aspirations légitimes à la liberté, à la démocratie, au développement et à une vie digne, dans l'unité, la sécurité et la stabilité, notamment par l'organisation d'élections présidentielles et législatives.". Il est louable que le Roi du Maroc souhaite la stabilité et le développement pour un grand pays comme l'Egypte, et que ses citoyens y vivent en liberté et en démocratie, mais depuis quand les coups d'états militaires sont-ils la voie indiquée pour ce type d'aspiration ? Est-ce en destituant et en emprisonnant un Président élu démocratiquement qu'une démocratie peut-être bâtie? Qui plus est un Président qui n'a pas achevé son mandat électoral, qui n'a pas enfreint la Constitution et qui n'a pas suspendu les libertés publiques ! Est-ce que le chaos et l'instabilité que produisent les putchs militaires sont favorables au développement ? Supposons que le régime déchu par les militaires ait effectivement perdu le pari de la démocratie, du développement et de la liberté, mais qui nous garanti que l'armée n'y échouera pas non plus ? Mieux encore, ce défi a-t-il pu être honoré par d'autres régimes despotiques de la région qui se transmettent le pouvoir par voie héréditaire ? Nous souhaitons par ces éclaircissements exprimer notre refus de la position qui consiste à s'aligner sur le choix des putschistes en Egypte indépendamment de la nature des belligérants. Les principes doivent être entiers et indivisibles et ne doivent en aucun cas être soumis au tempérament des uns ni aux caprices des autres. Nous pensons que l'achèvement du mandat de Morsi, malgré toutes les entorses faites à la liberté, à la démocratie et aux valeurs universelles lors de ce mandat serait moins coûteux que sa destitution par un coup d'Etat militaire drapé dans un semblant de révolution populaire. Un scénario similaire ne s'est-il pas produit avec le putsch dirigé contre Salvador Allende avec l'appui des américains et dans l'apparence d'une révolution populaire ? Les Etats-Unis n'ont-il pas exprimé leur regret par la suite à cause des atrocités commises par le Général Pinochet contre le peuple chilien ? Une chose est sure, le mariage entre la force armée et le pétrodollar ne peut jamais enfanter la démocratie. Ils ne l'ont jamais réussi par le passé et ne la réussirons pas dans l'avenir. Dans notre lutte pour les valeurs humanistes universelles, nous préférons encore être exécutés par des extrémistes au lieu que ces extrémistes le soient par les imposteurs du faux sécularisme et de la fausse laïcité. C'est ainsi que triomphera la raison sur l'intégrisme et le fanatisme. Abderrahime Elaalam Traduction Rida Benotmane