Isolé diplomatiquement sur le continent, le royaume cultive son « pré-carré » africain. Sans oublier le business royal... Le roi Mohammed VI est arrivé lundi après-midi à Libreville, capitale du Gabon, accompagné par une délégation officielle marocaine comprenant des conseillers royaux (Fouad Ali El Himma et Zoulikha Nasri), des membres de la famille royale et plusieurs ministres. Cette visite de Mohammed VI à son ami Ali Bongo Odimba s'inscrit dans le cadre de la tournée africaine du roi, entamée le 15 mars dernier au Sénégal, mais elle revêt moins d'importance stratégique pour l'Etat marocain. Plusieurs ministres présents à Dakar et/ou à Abidjan n'ont pas continué le voyage jusqu'à Libreville. Saâd Eddine El Othmani par exemple a dû partir à Doha pour assister à un sommet de la Ligue arabe. Nizar Baraka, Aziz Rebbah, Lahcen Haddad et Fouad Diouri sont eux rentrés au Maroc. Par ailleurs, contrairement à la tournée royale de 2009, aucun homme d'affaire marocain n'a fait partie de la délégation. Intérêts royaux au Gabon Les entrepreneurs du royaume sont peu nombreux dans ce petit pays d'Afrique centrale pourtant riche en ressources naturelles. Un accord de libre-échange entre le Maroc et la CEMAC (Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale) est en cours de discussions depuis plusieurs années mais n'a pas encore aboutit. Si Maroc Télecom est présent sur le marché gabonais (en contrôlant 51% de Gabon Télécom), le principal acteur économique marocain au Gabon est...Mohammed VI, à travers sa holding privée SNI. Attijariwafa Bank contrôle ainsi l'Union gabonaise de banque (UGB), alors que Managem exploite une mine d'or à Bakoudou. La filiale minière de la SNI a également un deuxième projet dans le pipe, la mine d'or d'Etéké, en cours de négociation avec les autorités gabonaises. Mohammed VI compte-il profiter de sa visite pour faire avancer le dossier ? Si oui, avec quelle casquette ? Les liens d'amitié entre Mohammed VI et Ali Bongo remontent à plusieurs années, lorsque leurs pères respectifs, Hassan II et Omar Bongo, étaient encore aux manettes de « leurs » pays. En se rendant aujourd'hui à Libreville, le souverain alaouite apporte aussi son soutien au chef d'Etat gabonais, dont les relations avec Paris, l'ancienne puissance coloniale, se sont détériorées suite à l'enquête lancée par la justice française contre Ali Bongo dans l'affaire des « biens mal acquis ». Les juges se penchent sur les biens mobiliers et immobiliers achetés en France par son défunt père Omar Bongo et d'autres autocrates africains comme les présidents du Congo et de Guinée-Equatoriale, Sassou-Nguesso et Obiang Nguema. Un rapport de la police française a indiqué en février dernier que ces acquisitions se sont poursuivies par les familles et proches des présidents au moins jusqu'à fin 2011. Sénégal et Côte d'Ivoire Avant cette dernière étape gabonaise, Mohammed VI et la délégation marocaine s'étaient rendus à Abidjan, en Côte d'Ivoire, où plusieurs accords de coopération ministérielle ont été signés. L'économie ivoirienne est l'une des plus prometteuses d'Afrique de l'Ouest et sur le plan politique, le Maroc entend bien continuer à jouer un rôle d'influence dans ce pays allié qui accueille par ailleurs une large communauté marocaine. Au Sénégal, dont les relations avec le Maroc sont encore plus profondément ancrées dans l'Histoire, Mohammed VI a d'abord tenu à rencontrer pour la première fois le président Macky Sall. Elu en 2011, ce dernier avait en effet brisé la loi non-écrite qui veut que tout nouveau président sénégalais se rende à Rabat dans les mois qui suivent son élection. Installé dans sa résidence royale de Dakar, Mohammed VI était un peu comme chez lui. Il « a reçu » le premier ministre sénégalais Abdoul Mbaye ainsi que les principaux dignitaires religieux du pays, qui reconnaissent son statut de « Commandeur des croyants ». Au-delà des images surannées de foules en liesse, cette tournée royale a donc permis au Maroc de renforcer les liens bilatéraux avec ses plus fidèles alliés sur le continent et de démontrer son influence dans une région frappée par la crise au Mali. Certains observateurs regrettent toutefois que cette tournée se soit cantonnée aux anciennes colonies françaises, déjà acquises à la cause marocaine, alors que beaucoup reste à faire pour surmonter l'isolation diplomatique du royaume sur le continent, notamment vis-à-vis des pays anglophones et des grandes puissances continentales comme l'Afrique du sud et le Nigéria, qui soutiennent toujours le polisario sur la question du Sahara. L'Afrique du Sud accueille d'ailleurs ce mardi à Durban le 5e Sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) axé sur l'Afrique et le développement de la coopération sud-sud.