Voila maintenant un an que Mehdi Boukillou, 20 ans, est en prison. Il a été reconnu coupable d'association de malfaiteurs dans le but de commettre des actions terroristes, et condamné à 10 ans de réclusion. Comment ce jeune homme en première année de licence de droit à l'Université de Salé El Jadida a pu être condamné pour terrorisme ? Voici une histoire qui en rappelle d'autres. Rabat, Mardi 23 février 2010. Il n'est pas encore 8h du matin quand Mehdi, en chemin pour l'Université, passe devant le café « Jour et Nuit ». Une Hyundai bleu s'arrête à sa hauteur. Parmi les quatre hommes, il connait Hicham, étudiant fonctionnaire à la même faculté que lui. L'un des hommes lui demande de monter. Il dit avoir des choses importantes à discuter. Mehdi refuse, on l'embarque de force, menotté et les yeux bandés. Pendant près de deux semaines, Mehdi est battu, déshabillé, menacé de viol et d'exécution. Alors que ses parents le cherchent en vain dans les hôpitaux, les commissariats et les morgues, il est détenu à Témara, puis à Casablanca avant d'être ramené de nouveau à Salé. Il y est condamné le 11 mars 2010, sans avocat, dans la foulée de la condamnation de la cellule terroriste de Taza. Que lui a-t-on reproché au juste ? Mehdi Boukillou serait un apprenti terroriste salafiste qui aurait fabriqué des bombes au C4 pour le compte des accusés de Taza, en échangeant des informations avec eux à travers le site www.exact.com. Seulement voila, plusieurs éléments contredisent cette version. D'abord, tous les accusés de Taza ont déclaré ne pas connaitre Mehdi. Son ordinateur, logiquement pièce à conviction pour la police, n'a pas été analysé par elle, ni sa chambre fouillée. En réalité, la police n'est même jamais venue chez lui. Présenté comme un salafiste, sa mère Fatima El Moujahid tombe des nues « il ne sait même pas faire sa prière ! ». D'après ses amis de la faculté, il est d'avantage préoccupé par ses vêtements que par le Coran. Ses six professeurs de la faculté lui ont tous apporté leur soutien. N'étant proche d'aucun mouvement politique ou associatif, Mehdi Boukillou est selon eux un étudiant modèle. C'est ce qu'ils reconnaissent collectivement dans une attestation dont Lakome a obtenu copie. Quant au site en question, il s'agit de celui d'une entreprise de vente de logiciels de système d'information. Depuis cette affaire, elle a envisagé de porter plainte contre la justice marocaine, pour avoir ainsi ternie son image. Enfin, le procès verbal des déclarations de Mehdi est la seule preuve connue à ce jour par la défense. Alors celui-ci a été signé dans une nuit vers 4h du matin, après plusieurs jours de violences et de privation de sommeil. Il lui a été présenté comme « un document de sortie ». Pour son avocat Maitre Khalil El Idrissi, son dossier est tout simplement vide. Cette affaire est selon lui typiquement celle d'une disparition forcée suivie d'une condamnation injuste. N'ayant pu assister aux premières audiences, ce dernier a relevé tant d'irrégularités que la seule issue véritablement juste est la nullité de la procédure entière. Pourtant, Mehdi est encore en prison. Sa première condamnation aura été étonnement rapide, comparée au temps que prendra le réexamen de son dossier. Pourtant, il n'y a que son prénom qui figure dans l'acte d'accusation de l'affaire de Taza : on y cite un « Mehdi » de 45 ans, marié avec deux enfants, ami et correspondant d'un certain « Azzouz », 57 ans membre de la cellule. Manifestement, il y a erreur sur la personne.