L'agriculture dans la quadrature du cercle Le parti de Ismaïl Alaoui, le PPS, met un point d'honneur à éclairer d'une lumière crue son programme ainsi que les alternatives qu'il conçoit pour venir en aide au secteur agricole. Le débat sur l'état de santé de notre agriculture n'en finit pas de revenir sur le tapis tel un leitmotiv. Il n'y a pas longtemps encore ce débat a atteint son point d'orgue lors d'une réunion organisée par le PPS, où son secrétaire général et ministre de l'agriculture, Ismaïl Alaoui, a déballé sans ambages tout ce qu'il avait sur le coeur. Porte-voix de son parti, les inquiétudes prenaient dans sa bouche une tonalité alarmiste d'autant plus que l'ordre du jour était de se projeter dans l'avenir : “L'agriculture au Maroc : réalités et perspectives”. D'entrée de jeu, une sérénade de questions laissent planer le spectre de la précarité, du gap d'accumulation du capital en milieu rural, de la saignée du marché intérieur dont l'étroitesse se dresse en barrière contre le développement du pays : “Que peut-il se passer si la situation du monde rural ne s'améliore pas, si les écarts avec la moitié urbaine de la population, si la pauvreté des ruraux, leur retard social, le déficit de leur éducation, la pression sur les ressources naturelles et tant d'autres déséquilibres continuent à s'aggraver?», tient-il à marteler du haut de la tribune. La tentation est grande de mettre un bémol du côté des structures foncières dominées par la petite exploitation, de la survivance des techniques traditionnelles, du vieillissemment des agriculteurs. Mais alors comment sortir de la quadrature du cercle? Le parti, qui met un point d'honneur à éclairer d'une lumière crue son programme ainsi que les alternatives qu'il affectionne, veut se ménager une porte de sortie en s'arc-boutant sur l'irrigation. Celle-ci permet en clair l'implantation d'une industrie agroalimentaire créatrice d'emplois et de valeur ajoutée. La cause est donc entendue, il faut se mettre en ordre de marche pour poursuivre l'aménagement hydro-agricole à l'investissement privé dans le cadre d'un partenariat public-privé. Au palmarès des réjouissances, on peut d'ores et déjà citer un partenariat lancé pour l'aménagement et la gestion des équipements hydro-agricoles concernant les projets de sauvegarde de la zone agrumicole de Sebt El Guerdane dans le Souss (10.000 ha) et la zone de la troisième tranche d'irrigation (TTI) du Gharb (26.300 ha). Un partenariat qui sera réalisé avec le concours du montage financier du Fonds Hassan II pour un montant d'un milliard de dirhams. De grosses difficultés en vertu de l'arrimage à l'Europe Le ministre semble accorder beaucoup de crédit à la petite et moyenne hydraulique pour ses vertus d'aménagement de l'espace : “L'importance socio-économique du secteur de la petite et moyenne hydraulique réside dans sa répartition dans toutes les régions du pays et sa situation géographique intermédiaire entre montagnes et plaines et entre grands périmètres irrigués et zones bour”. Côté investissements, rompre avec les étiages n'est peut-être pas pour demain. Le surendettement des agriculteurs, la faible rentabilité du secteur et la précarité de la propriété agricole sévissent comme une épée de Damoclès et échaudent toutes les intentions d'affaires. Ismaïl Alaoui se montre rassurant et à ses yeux les réformes vont bon train pour venir à bout des difficultés. Avec le changement imminent du statut du Crédit agricole en société anonyme, l'agriculteur peut s'accorder un regain de vigueur. Le projet de loi en question, en cours d'examen par le Parlement, prévoit des conventions pour le financement de la petite et moyenne exploitation. Du reste, si les réformes font leur bonhomme de chemin, les retombées de la zone de libre-échange avec l'Europe, elles courent à grandes enjambées. En vertu de l'arrimage à l'Europe via la zone de libre-échange, les produits comme les céréales, la viande ou l'agroalimentaire de base connaîtraient de très grosses difficultés. Cette projection n'est pas une vue de l'esprit tant et si bien que les négociations sur le volet agricole ne voient toujours pas le bout du tunnel. Le département de Ismaïl Alaoui et les gouvernements qui succèderont n'auront d'autres choix que de se décarcasser pour une politique agricole qui absorberait les chocs externes.