Le sujet n'était même pas à l'ordre du jour. La commission de communication, de marketing et des relations extérieures du Comité National Olympique Marocain recevait le mercredi 29 mars au Centre « Al-Abtal » et à la salle de conférences du siège de la fédération marocaine d'athlétisme trois présidents de commissions du CNOM venus présenter les grandes lignes de leur programme d'action devant un parterre réunissant l'élite des journalistes sportifs de la presse marocaine : Hicham El Guerrouj, président de la commission des « Athlètes et de l'action sociale », Abelmoumen El Jawhari, le secrétaire général adjoint en charge de la commission des affaires “juridiques, de l'arbitrage, de l'éthique et du fair-play”, et Noureddine Benabdenbi, le trésorier général et président de la commission des “Sports Fédéraux, Sports pour Tous et de la vulgarisation”. Mais les faits vont vite s'éclipser devant la “question-piège”. La toute dernière question signée Mohamed Benâabia du quotidien « Sawt Ennas » et à laquelle le double champion olympique ne pouvait que s'attendre, comme il l'avouera tout de suite avant de livrer, le plus sincèrement du monde, sa réponse. Allait-il raccrocher, mettre fin à une brillante carrière qui aura duré une bonne décennie, comme il l'avait lui même annoncé, juste après son sacre olympique historique d'Athènes 2004 ? Allait –il, au contraire, poursuivre sa course et ses conquêtes des titres et des records du monde, comme il l'a laissé entendre tout au long des derniers mois ? Au risque de défier de jeunes athlètes éthiopiens comme Békélé et ses challengers kenyans sur le 5000 mètres ou encore le Bahreïni d'origine marocaine qui survole le 1500 m. Quand on est le meilleur champion olympique de tous les temps, lorsqu'on représente dans le livre d'or de l'athlétisme mondial et de l'histoire olympique le même poids, la même stature et la même dimension qu'un certain Pavo Nurmi, l'athlète finlandais qui était le seul à remporter les médailles olympiques du 1500 et du 5000 mètres il y a déjà plus de 80 ans, qu'est-ce qu'on aura encore à prouver à 30 ans ? C'est la question que se pose aujourd'hui Hicham El Guerrouj, et c'est la cause de son stress et du sommeil qui le fuit depuis de longues semaines. Certes, il s'entraîne tous les jours. Il est en super forme. Mais il ne se sent pas suffisamment soutenu, par sa petite famille, par sa grande famille marocaine et tout l'espace arabo-afro-muslman qu'il est censé représenter. Une victoire, une nouvelle victoire olympique sera bien sûr la bienvenue pour tous les Marocains, tous les Maghrébins, tous les Arabes, tous les Africains et tous les Musulmans, qui font de Hicham El Guerrouj leur symbole en ce début laborieux du XXIème siècle. Mais une deuxième place d'argent, une troisième de bronze, une déroute ? Serait-elle pour autant pardonnée, facilement digérée et acceptée par une population qui représente plus de 50% des habitants de notre planète ? C'est justement la question que s'est posé El Guerrouj. Devant des journalistes et des responsables émus au point de faire dire à Kamal Lahlou qui animait cette rencontre : “Le plus important, tu l'a déjà fait Hicham. Si le fait d'arrêter en si bon chemin te rendra plus heureux, alors n'hésite pas. Nous sommes tous avec toi !”. Meilleure façon d'oublier les traumatismes endurés par un certain Dustin Hoffman, dans son mémorable film, “La solitude du coureur de fond.” Une situation que notre Hicham El Guerrouj semble revivre, mais cette fois dans la réalité.