Pour la première fois, les pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe) disent non aux Etats-Unis. Ils ont refusé non seulement la demande officielle de Washington visant à prendre une position hostile à la République islamique d'Iran dont le programme nucléaire menace la région toute entière, mais ils ont fait comprendre qu'ils ne peuvent que soutenir Hamas. Tout le monde s'attendait à ce que les pays du Golfe s'exécutent sans même discuter. Mais à son étonnement, leurs dirigeants, chacun à sa manière, ont fait savoir au porteur des “commandements” de l'administration américaine, Condoleeza Rice, qu'il serait difficile voire impossible de prendre une position contre l'Iran, similaire à celle prise à l'égard de l'Irak de Saddam Hussein. Ni avoir le même comportement vis-à-vis du mouvement islamique palestinien, semblable à celui qui avait été adopté envers feu Yasser Arafat. Les pays du Golfe ont, en revanche, insisté sur la nécessité de trouver une solution pacifique à la crise du programme nucléaire iranien. Et, ont fait savoir à la Secrétaire d'Etat américaine qu'ils ne peuvent, en aucun cas, faire face à leurs populations qui voient dans la victoire démocratique du Hamas en Palestine leur propre victoire. Rice n'a pas ainsi réussi à convaincre l'Egypte, l'Arabie Saoudite ni les Emirats Arabes Unis d'arrêter leurs aides à Hamas ni choisir entre la “politique et le terrorisme”. Ces Etats qui sont tous des alliés potentiels des Etats-Unis dans la région ont apparemment fait leur choix, même si cela contrariera la première puissance mondiale. Ils sont désormais sans doute dans une situation assez critique. Car, d'une part, le soutien de Washington dans une éventuelle guerre contre l'Iran pourrait les rendre des cibles “privilégiées” de la vengeance militaire de Téhéran et de ses “prolongements” chiites. Et, de l'autre, s'attendre à la fermeture du détroit d'Hormuz qui leur interdira d'exporter 16 millions de barils/jour. Ce, sans évoquer les échanges commerciaux avec ce grand pays dont le nombre d'habitants avoisine les 70 millions. Il suffit de savoir que le volume de ses échanges entre l'Iran et Dubaï représente à lui seul 6,1 milliards de $ pour comprendre la réticence des pays visités par Mme Rice. La visite en grande pompe, le lendemain du départ de cette dernière de la région, du président Mahmoud Ahmadinejad au Koweït, accompagnée des déclarations «fraternelles» de part et d'autre, montrent que la tournée de la Secrétaire d'Etat américaine a été un fiasco total. Et, par là, les néo-conservateurs à la Maison-Blanche doivent dorénavant réviser leurs plans dans la région, notamment concernant la nouvelle aventure militaire contre la République islamique d'Iran. En tout état de cause, les Etats-Unis ne pardonneront jamais ce revers qu'ils viennent d'essuyer de ceux qui n'avaient pas l'habitude de leur dire non. Mais force est de souligner que ni le contexte géopolitique de mars 2003- date de l'invasion de l'Irak- est cette fois le même ni la «Haïba» de Washington est aussi la même. Encore, la situation interne dans chacun des pays du Golfe et de l'Egypte. Des logiques que les Américains ne peuvent admettre. Pour eux, la neutralité aura un prix très élevé. D'autant lorsqu'on sait que ces Etats ont tous signé des accords de Défense avec Washington après l'invasion du Koweït. De ce fait, ces accords ne peuvent être dans un sens unique. En dépit de cette situation critique, les pays du Golfe ont dit «poliment non». Ils sont prêts à payer le prix de cette «rébellion calculée», en accordant de gros contrats aux entreprises américaines. Mais ils ne sont apparemment pas prêts, comme à l'accoutumée, à financer toutes les guerres que les Etats-Unis comptent encore mener de par le monde. A Riyad comme à Doha, les langues se délient au sommet. On n'hésite plus à répéter qu'il n'est pas question de laisser les Américains pomper à nouveau nos excédents financiers. Une guerre contre l'Iran pourrait rendre nos balances déficitaires et faire plonger nos indices macroéconomiques dans le rouge. Des raisons suffisantes pour pousser nos populations à la révolution. L'administration Bush ne tardera pas à répondre. Elle est capable de tout, allant des pressions jusqu'aux déstabilisations même. Car sa théorie d'“anarchie préventive” au Moyen-Orient reste toujours de mise.