L'annonce, mardi 3 octobre, par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), qu'elle allait procéder à un essai nucléaire - à une date non précisée - a provoqué des mises en garde de la communauté internationale. Dans un communiqué du ministère des affaires étrangères, la Corée du Nord a annoncé qu'elle "procéderait dans le futur à un essai nucléaire dans des conditions de sécurité entières". "La menace d'une guerre nucléaire de la part des Etats-Unis et les sanctions à l'encontre de la RPDC nous contraignent à procéder à un essai, étape essentielle pour renforcer notre dissuasion nucléaire", poursuit le texte. C'est la première fois que la Corée du Nord, qui a déclaré en février 2005 s'être dotée de l'arme atomique, annonce son intention de procéder à un essai qui confirmerait qu'elle est bien une nouvelle puissance nucléaire après les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France, la Chine, l'Inde et le Pakistan. A Washington, le département d'Etat a déclaré qu'un tel essai "constituerait une menace inacceptable pour la paix et la stabilité de l'Asie et du monde". Les Etats-Unis ont annoncé qu'ils y répondraient de "manière appropriée" et ont demandé au Conseil de sécurité d'agir pour empêcher la RPDC de passer à l'acte. A Tokyo, le premier ministre, Shinzo Abe, a appelé, mercredi, à un front uni rassemblant le Japon et ses voisins chinois et sud-coréen afin de faire pression sur Pyongyang. "Je prendrai les mesures appropriées en coopération avec la Chine et la Corée du Sud", a déclaré M. Abe devant le Parlement nippon. "L'annonce de la Corée du Nord est extrêmement regrettable. Si elle ose le faire, cela ne lui sera jamais pardonné", a-t-il poursuivi. Pour la Corée du Sud, un essai constituerait "une grave menace pour la paix dans la péninsule et aurait un impact négatif sur les relations entre les deux pays". L'Union européenne a jugé l'annonce de Pyongyang "irresponsable". Tout en appelant la RPDC à la retenue, la Russie a invité les Etats-Unis à entamer un dialogue direct avec Pyongyang. La Chine, qui s'est déclarée "préoccupée", préconise une reprise des pourparlers à six (deux Corées, Chine, Etats-Unis, Japon et Russie), suspendus depuis novembre 2005. Pyongyang refuse de revenir à la table de négociation tant que Washington n'aura pas levé les sanctions financières à son encontre. Pour les Etats-Unis, la RPDC doit renoncer d'abord à son programme nucléaire. Dans son communiqué, Pyongyang rappelle que "son objectif final est de mettre fin aux relations hostiles avec les Etats-Unis". Selon des experts des questions nord-coréennes à Séoul, Pyongyang peut estimer qu'elle n'a pas d'autre choix que l'escalade pour contraindre les Etats-Unis à reprendre le dialogue et à desserrer l'étranglement dont elle est l'objet. La menace de la RPDC n'est pas un simple "moulinet" : le régime dispose de suffisamment de plutonium pour procéder à un essai nucléaire. "La question n'est pas technique mais politique", estime Kenneth Quinones, ancien haut fonctionnaire du département d'Etat qui a négocié avec Pyongyang du temps de l'administration Clinton. "La seule inconnue est le moment où le régime jugera opportun de le faire", a-t-il déclaré au Monde. Les tirs d'essai de missiles par la RPDC, le 5 juillet, ont été l'objet d'une condamnation par Conseil de sécurité à laquelle se sont associées la Chine et la Russie, suivie d'un durcissement des sanctions économiques de la part de l'Australie, des Etats-Unis et du Japon. Le régime juge-t-il que le moment est venu de jouer sa "carte maîtresse" alors que, à la veille des élections de mi-mandat, M. Bush est critiqué pour sa gestion de la crise ouverte par les attentats du 11-Septembre ? La menace brandie par la RPDC est en fait la démonstration de l'échec de la politique américaine menée depuis cinq ans visant à l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire : le résultat est l'inverse de l'objectif recherché. Pyongyang prendrait cependant de gros risques en procédant à un essai qui, par son impact, contraindrait la Chine, qui l'approvisionne en énergie, et la Corée du Sud, qui lui apporte son aide sous diverses formes, à s'associer aux sanctions qui seraient prises à son encontre.