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Lahriki et ses 59 victimes
Publié dans La Gazette du Maroc le 30 - 01 - 2006


prison centrale de KENITRA
Plus de 59 victimes ont assisté au tribunal lors du procès de Lahriki condamné à la peine de mort pour vol, meurtre, constitution d'une bande de criminels, attaque à main armée et autres délits graves. Lui, assure jusqu'à ce jour qu'il est innocent. Et quand on lui pose la question sur les multiples victimes qui l'ont confondu devant les juges, il se dit innocent et le répète inlassablement comme un leitmotiv. Pourtant, selon ses copains d'infortune dans la prison centrale de Kénitra, son histoire pourrait révéler d'autres pans cachés qui pourraient faire tomber plus d'une tête. Et pour l'instant, la règle d'or est le silence.
Je me suis toujours senti seul et amoindri par rapport aux autres enfants qui avaient une maman à la maison en train de les attendre à leur retour de l'école. Moi, je n'ai pas eu ce privilège de pouvoir embrasser la main de ma mère et de lui dire combien j'avais besoin de sa présence. J'ai dû grandir sans cela, un peu seul malgré la présence de toute une famille qui était réellement là pour moi. Mais rien ne vaut la mère. Croyez-moi, si elle était là, ma vie aurait été autre chose ". Belle entame d'une vie amère qui a conduit son homme au Pavillon B, celui de l'oubli. Le gosse n'aura jamais la chance de connaître le visage de sa mère. Il ne l'a jamais vue ou peut-être une fois, mais ne s'en souvient pas. Jamais. Lahriki voit le jour en 1978 à Derb Ben Debbab à Zouagha Moulay Yakoub à Fès. C'était une autre époque, dit-il l'air songeur de celui qui a une profonde nostalgie pour un monde perdu. Il se souvient de son petit corps d'enfant sillonnant les ruelles étroites de la vieille ville à la recherche d'un bon copain pour partager un moment de bonheur. La bonne bouille de l'enfant qu'il devait être à six ans refait surface. Il est désemparé, semble inquiet, pris dans un ouragan de sentiments contradictoires. Le visage bruni, les yeux illuminés par une forte vague de larmes ravalées, il enchaîne : " C'est mieux ainsi. Si elle avait été là, elle aurait été meurtrie par ce qui m'arrive. Elle n'aurait jamais supporté que son fils soit jeté en prison et condamné à mort pour un crime qu'il n'a jamais commis ". Le bonhomme étouffe un sanglot et se laisse aller à une longue rêverie où il se revoit gamin parmi tant d'autres jouant à cache-cache avec la vie et esquivant déjà les mauvais coups dont il garde un profond souvenir. C'est à cette période que l'image du père Touhami grandit dans sa tête. Mais le père n'était pas tout à fait là et avait d'autres enfants qui demandaient tous autant que ce petit corps rondelet : de l'intérêt, de l'amour, de la patience et surtout beaucoup de chaleur à la maison pour contrebalancer l'absence de la mère. Dans ce tumulte de visages du passé, surgit celui tant aimé d'une sœur. Celle-ci était toujours là, mais elle ne pouvait remplir ce rôle de mère qui lui paraissait si dur surtout qu'elle-même avait besoin d'une épaule réconfortante durant les moments difficiles. Le père ne pouvant rester seul, épouse une autre femme qui lui donne d'autres enfants. Voilà que le petit môme n'est plus seul et l'attention du père est encore mise à rude épreuve. Entrent en scène Mohamed, Fouad et Mourad, les demi-frères qu'il faudra maîtriser, à qui il faudra montrer que la place est déjà prise. Le petit entre à l'école la tête lourde de toutes ses histoires de famille. "Evidemment, j'étais très en deçà de ce que l'on pourrait attendre d'un gamin qui doit aller à l'école pour faire des études, apprendre à se surpasser et surtout briller. Moi, malgré de bonnes dispositions, je n'avais pas la tête pour l'école. J'ai senti comme une trahison le jour où je me suis retrouvé tout seul dans la cour de récréation de l'école Fqih Menbour ".
L'âge cassant
Les cinq années du primaire s'annoncent longues et périlleuses. Le petit a d'amers souvenirs d'une époque qu'il déteste au-delà de tout. Quand il finira par décrocher son certificat d'études pour aller au collège Lissan Eddine Ibnou Al Khatib, il est dégoûté de toute cette histoire. Il se voit déjà ailleurs, dans la rue à faire un métier qui rapporte un peu d'argent. Il tiendra deux ans, redouble deux fois et se fait éjecter du collège. Le gosse est soulagé, heureux même : "J'étais enfin libre. La vérité, je ne regrette rien parce que je n'étais pas dans le coup, voilà tout. Quand j'ai quitté l'école, je savais déjà que c'était ce qu'il fallait faire." L'air libre de la rue et la débrouille font de lui un nouveau personnage. C'est une autre philosophie de la vie qui se forge. Et le gamin entre de plain-pied dans le monde des affaires, le monde des hommes. Il devenait un petit bonhomme grassouillet, avait un bon coup de fourchette et une dégaine très drôle. " Oui, on se moquait de moi, mais moi je gagnais ma vie comme ça, je n'avais vraiment aucune honte à traîner sale et puant dans le quartier. Au moins, j'avais un boulot et de l'argent en poche ". Mais quoi qu'il en dise aujourd'hui, il ne peut retenir cette amertume dans le regard quand il parle du regard des autres, de leurs railleries et des commentaires que suscitaient son apparence physique et vestimentaire. Il en voulait à tout le monde, à cette époque où il n'avait pas encore compris qu'il y avait d'autres moyens de gagner sa vie sans se laisser humilier par des besognes de bas étage.
Premiers pas en prison
Dans son entourage d'enfant, on se souvient d'un jeune homme sans problèmes qui faisait son commerce sans trop de vagues autour de lui, mais qui avait tout de même un penchant pour les coups de gueule, la colère facile et les accrochages pour un rien. "C'était un type bien, mais après son arrestation, il était devenu un autre. Très coléreux, il se bagarrait avec tout le monde. Et puis comme les gens disaient de lui qu'il était voleur parce qu'il avait fait de la prison pour vol, ça le mettait en rogne. Sinon, c'était un gentil garçon, mais, bon, le destin est comme ça ". C'est l'âge où le gamin multiplie les rencontres, frayait avec des individus pas " très propres " et se trouvait souvent à deux doigts de passer à la trappe. "Déjà avant son arrestation, on entendait dire qu'il participait à des vols. Mais on n'a jamais rien vu et puis, comme il avait son commerce de viande, il était vraiment difficile de savoir. Toujours est-il que les gens racontaient des histoires sur lui et sur ses multiples voyages. On a même dit qu'il voyageait pour se faire oublier ou camoufler ses affaires louches. Pour ma part, je n'ai jamais rien vu jusqu'au jour où on l'a pris pour cette histoire de vol”. Cette ancienne connaissance nous raconte sa version des faits qui n'est pas du tout celle de locataire du pavillon B, mais le résultat est le même. Le jeune homme se fait prendre un beau jour pour une histoire de vol qualifié. Il dévalise une famille chez elle, emporte le butin et se fait écrouer. Motif lourd et peine plus ou moins clémente pour une première condamnation. Il s'en sort avec un verdict de deux années de prison qu'il purge intégralement.
Retour à la vie
Le petit bonhomme sort de prison, reprend son business du mieux qu'il peut. Pourtant sa réputation est détruite. Plus personne ne croit en la bonhomie d'un visage bouffi et qui respirait la sympathie. Les gens savent, lui sait que les gens savent et tout le monde s'esquive, fait semblant, laisse couler, comme il aime à répéter. Il avoue avoir participé à ce vol " J'étais très jeune et je ne savais pas tout à fait où j'allais. Mais une fois pris, j'avais mesuré la gravité de la chose et j'avais décidé de ne plus jamais me laisser avoir ". Le gosse tombe sur un type qu'il a connu lors de son passage en prison. Une histoire sombre se noue et les deux décident de frapper un bon coup. Pour lui, c'était cela la règle du jeu. Cela il le savait et là les souvenirs remontent à la surface. "J'étais parti pour un mois ailleurs. J'avais profité de ce voyage pour faire un peu de contrebande puisque les affaires n'allaient plus pour moi après mon séjour en prison. Tout se passait bien, mais un soir j'avais décidé d'aller faire un saut chez moi, histoire de voir ma famille. C'est là que mon père m'a dit que la police me recherchait. Je ne savais rien, mais j'avais très peur”. Nous sommes donc en 2001. Lahriki a à peine 23 ans. La fleur de l'âge. Le temps où d'autres volent de leurs propres ailes, fondent des familles, donnent naissance à des enfants, se rangent et font la paix avec la vie. Pour lui, les grands ennuis ne font que commencer. Le petit prend ses précautions. Il savait, lui, que l'affaire qui semblait enterrée ne l'était pas. La police est sur le coup. Alors, c'est la fin ou alors le début de la fin. Pas d'équivoque. Avec son acolyte, ils avaient repéré un vieux bonhomme " riche " pour le voler. Les deux potes s'associent et décident de passer à l'acte comme dans un dernier baroud d'honneur avant de changer de vie.
Bref, la nuit du crime est somme toute banale. Quand les deux assaillants sont entrés, le vieillard était incapable de crier. Il s'est laissé faire, avait reçu les coups, s'était effondré et les deux gaillards continuaient leur besogne. Ils mettent la main sur une quantité importante de bijoux que la police n'a jamais retrouvée. Après l'arrestation du petit, d'autres cambrioleurs qui étaient à leurs premiers forfaits sont aussi accusés dans le même dossier. La thèse du gang de malfaiteurs prend corps surtout que 59 victimes seront là le jour du verdict, au tribunal, pour confondre les criminels. Le complice, lui, avoue avoir effectué sept cambriolages avec coups et blessures en compagnie de Lahriki. Pour les autres crimes, il parle d'autres complices qui seront aussi présentés devant le juge.
L'étau se resserre autour du gang qui doit répondre de plusieurs chefs d'inculpation : meurtre avec préméditation sur la personne d'un vieillard, vol à main armée, association de malfaiteurs, coups et blessures, et 59 affaires de vol où les prévenus ont été reconnus coupables.
L'affaire est close et le petit bonhomme rondelet ne se souvient même pas du verdict. Il pensait dans la confusion des sentiments qu'il allait écoper de quelques années à l'ombre et ressortir se refaire une santé. Rien n'y fait, ni les rêves ni la volonté d'entendre ce que la peur dicte. Il sera condamné à mort avec son acolyte. Et les deux sont acheminés vers la prison centrale de Kénitra. Le gamin charge son complice. Le complice avoue tout et semble sans états d'âme. Qui croire ? L'homme qui crie son innocence à en perdre la voix ? Ou un autre voleur de haut calibre qui dit ce qu'il fait comme d'autres racontent une ballade amoureuse au bord d'un lac ?


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