Témoignage d'une jeune victime Dans un hôpital à Goulmim, une jeune femme de 18 ans vient de mettre au monde un bébé. Un accouchement réussi, aucune complication. La fillette, qui aura bientôt un mois, est en bonne santé. La maman aussi. Une histoire banale jusqu'à ce qu'on découvre l'identité du père, qui n'est autre... que le grand père du bébé ! Une sordide histoire d'inceste... Leila (appelons-la ainsi), a de l'amertume dans la voix. Voilà moins d'un mois qu'elle a accouché d'une fillette qui se trouve être en même temps sa fille et sa sœur. Leila, âgée d'à peine 18 ans a subi depuis l'âge de 14 ans l'abus sexuel de son père, Saïd.A, un militaire de 63 ans. «J'avais 14 ans lorsqu'il a abusé de moi pour la première fois» se rappelle leila. En racontant son histoire, la jeune fille a du mal à l'appeler «mon père», se contentant d'un «il» qu'elle utilise au minimum. «Je faisais encore mes études au Centre de formation professionnelle de Guelmim. Un après-midi alors que je n'avais pas cours, il m'a demandé de l'accompagner à la maison d'un ami à lui pour la nettoyer. Je l'ai naturellement suivi sans me poser la moindre question, c'était tout de même mon père. En arrivant là-bas, il m'a enfermée et m'a violée». De la pédophilie doublée d'un inceste, c'est la pire violence que l'on puisse faire subir à un enfant de 14 ans. L'aînée d'une famille de 13 membres. En rentrant chez elle, Leila ne se renferme pas. Elle raconte tout, dans les détails, d'abord à sa mère, puis au reste de la famille… Mais en vain. La famille de la jeune fille préférera la prendre pour une adolescente au bord de la folie, plutôt que de croire à une aussi impensable violence et y faire face. «Evidemment, personne ne m'a crue, et je suis passée pour être une adolescente révoltée, menteuse et qui souffre de troubles psychologiques… Il faut dire aussi que je n'avais aucune preuve de ce que je disais. J'ai même insisté pour aller voir un médecin et on m'a fait passer des examens médicaux. J'étais encore vierge !». A 14 ans, j'ai fugué Tant pis si on refuse de la croire, il n'était plus question pour Leila de rester sous le même toit avec «cet homme». Car depuis le jour où il a abusé d'elle sexuellement, elle dit avoir arrêté de voir en lui un père. «Je ne supportais plus de rester à la maison. Je n'ai pas hésité à fuguer abandonnant mes études». Sa panique la conduira chez son oncle à Agadir qui l'a accueillie pendant un mois, «mais sans vraiment croire, comme tout le monde, à ce que je lui ai raconté», précise la jeune fille qui est partie ensuite se réfugier chez son grand-père à Guersif. «Après 3 mois passés chez mon grand père. Il (son père) est venu me récupérer de force. Lorsqu'on m'a ramenée à la maison, j'ai tout de suite sombré dans une grande déprime. J'ai piqué plusieurs crises de nerfs, j'étais devenue complètement dépressive… Mon état l'arrangeait puisqu'il confirmait que j'étais «folle» et que j'ai tout inventé dès le début», raconte t-elle. Dans les faits, les crises de la jeune fille étaient tout à fait normales : «Je vivais avec la peur constante de le voir abuser de moi de nouveau» dit-elle. C'est à cette période là que Leila a commencé à prendre des médicaments, somnifères, antidépresseur et autres… «Mais je vivais dans une angoisse terrible qui ne me permettait aucun repos ni rétablissement». L'enfer de Leila durera trois longues années. «Pendant trois ans, j'ai vécu un véritable enfer. Je refusais de me séparer de ma mère, surtout pendant la nuit. Je ne supportais plus d'être dans une pièce obscure, je dormais toujours avec la lumière allumée», se rappelle t-elle. Pendant ce temps, Leila sera heureusement protégée par sa maman qui, sans véritablement croire à ses «histoires», lui assure un soutien psychologique. L'inceste reprend le dessus Saïd.A, lui, n'aura pas pour autant perdu goût à l'inceste et à la violence. Début 2005, sa femme tombe enceinte de jumelles, il la bat et la chasse de la maison. «Ma mère, avec son gros ventre, ira vivre seule avec mon frère jumeaux dans une autre maison» signale Leila qui reste désormais face à son père qui a refusé qu'elle rejoigne sa mère. C'est désormais elle qui s'occupe de la maison, de ses petits frères et sœurs… et de son père ! «Il a commencé à me faire ingurgiter lui-même mes médicaments. Il m'en augmentait à chaque fois la dose. J'étais constamment fatiguée, et ce que je prenais comme somnifères le soir faisait que je sombrais dans un sommeil très profond», raconte leila. «C'est justement quand j'étais dans le pire de mes états qu'il a commencé à abuser de moi de nouveau…». Et l'inceste donne son fruit. Leila tombe enceinte ! «A une certaine période, je commençais à me sentir encore plus mal. J'avais tout le temps des nausées, je vomissais à longueur de journée, j'étais dégoûtée de certains aliments, j'avais plus d'envie pour d'autres… J'étais enceinte, mais à 17 ans, j'étais trop jeune pour le comprendre du premier coup». Le père refusait de laisser sa fille aller consulter un médecin en la faisant croire qu'autant de malaise était tout à fait normal sous l'effet de son traitement… «Mon ventre était trop petit pendant toute la durée de la grossesse, ce n'est que vers le 5ème mois que j'ai commencé à y sentir du mouvement. C'est là que j'en ai parlé à une voisine, vu que je n'avais pas le droit de voir ma mère. C'est elle qui m'a emmenée en cachette chez un médecin qui m'a confirmé ma grossesse. J'étais dégoûtée, mais à ce stade de la grossesse, il n'y avait plus moyen d'avorter», précise-elle. A sa sortie du centre de santé, Leila prend avec sa voisine directement le chemin du premier Commissariat de police. «Je voulais le voir jeté en prison. Puisque je passais pour une folle en en parlant à ma famille, j'ai décidé de m'en occuper toute seule. N'est ce pas qu'ils voulaient une preuve ? Et bien je l'avais la preuve : je portais ma propre sœur dans mon ventre !», s'indigne t-elle révoltée. Après avoir porté plainte, Leila a eu le réflexe de s'adresser à l'Association «Touche pas à mon enfant» qu'on lui aurait conseillée. «Ce sont les gens de l'association qui ont intervenu pour qu'il (son père) soit retenu dans la caserne militaire en attendant le verdict». La jeune femme reçoit pourtant la visite, indésirable, de son père le jour de son accouchement à l'hôpital : «Je ne sais sous quel miracle il est venu me demander pardon, devant ma mère. Chose qui n'a absolument rien changé à la haine que je lui porte désormais. Il n'est pas question que je lui pardonne», insiste Leila. Elle aurait vu juste. Une semaine plus tard, il est revenu à la maison (où est revenu s'installer sa femme), «cette fois, il est venu me demander de retirer ma plainte, quand j'ai refusé il nous a frappé ma mère et moi». A présent, l'affaire est entre les mains du tribunal militaire, une fois le jugement de ce dernier soumis, Saïd.A passera devant le tribunal civil. En attendant, le bébé de Leila ne porte pas encore un prénom officiel : «Elle ne dispose encore d'aucun papier. A la maison, chacun l'appelle comme il veut. Pour le moment, je n'ai aucune envie de lui trouver un prénom. Je n'arrive même pas à assimiler le fait qu'elle soit ma fille. C'est ma mère qui s'en occupe, je la vois comme une petite sœur…bizarre !».