Est-il nécessaire de décrire et de définir encore une fois le travail du journaliste, ce témoin public n° 1 qui appartient à un corps régi par un statut particulier ? Le Maroc moderne veut que sa presse devienne le quatrième pouvoir, mais des poches de résistance sont encore là pour mettre les bâtons dans les roues d'une machine qui peine à démarrer. Vendredi dernier, 9 décembre, à la salle d'audiences n° 8 du tribunal de Première instance de Casablanca, au cours de la séance de l'après-midi, le journaliste qui avait l'habitude de couvrir les procès depuis des mois prend place lorsqu'arrive un agent de police lui demandant, sur clin d'œil du substitut du procureur, son identité. Il présente sa carte professionnelle, dans le silence le plus total, et l'agent s'en va informer le représentant du ministère public qui lui ordonne de déloger le journaliste. L'agent lui demande alors de plonger dans le bain de foule des familles des accusés, sans motif ni raison. C'est à peine s'il n'a pas été invité à prendre place parmi... les accusés... En matière de presse, depuis la nuit des temps, existe une rubrique intitulée «Chronique judiciaire». La matière qui alimente les colonnes de cette spécialité ne peut être puisée dans les ragots populaires ou les discussions des salons feutrés. Sa principale source est et reste le tribunal, spécialement les salles d'audiences où l'examen des dossiers se fait par les magistrats et les avocats en séances plénières. Ce sont les minutes des procès qui constituent la base du travail du chroniqueur judiciaire. Pour que l'examen des dossiers se déroule dans les conditions appropriées, les magistrats ont leur chaire, les avocats leur pupitre et les accusés, comme l'assistance, leur banc. Le journaliste, au Maroc, a toujours pris place près des avocats pour mieux suivre le déroulement des procès, surtout dans une salle dépourvue de microphone. Dans le cas de ce vendredi-ci, le substitut a dû confondre entre deux polices. Celle dont il est le chef direct et celle du président de la salle d'audience. Car l'organisation des tribunaux au Maroc n'attribue l'exclusivité de la police des audiences qu'au président de la salle qui, comme le prouvent nos écrits, n'a jamais été contre la présence de la presse dans la salle.