Vous avez des institutions de sondages qui dépensent un argent fou pour vous donner une idée sur ce qui est la tendance des gens. Vous avez aussi des experts en audimat qui marient le dernier cri technologique au plus élémentaire geste empirique d'observation à l'œil nu afin de vous révéler le sens d'une émission, la cote d'un homme politique ou même l'impact d'une lessive. Vous avez, en fin de compte, des bureaux d'études qui mobilisent des dizaines d'éminences grises, des concepteurs-né et des génies de l'ingénierie sociale qui, après une multitude de réunions, de tonnes de paperasses et de longs questionnaires, s'estiment en mesure d'annoncer, au grand jour, les résultats de leurs travaux. Avant de les décliner, les responsables du pilotage de l'étude font appel à d'autres experts en matière de communication, qui, eux aussi recourent à des experts en psychologie de groupe itou, itou. En fin, on annonce les trouvailles. Et puis vous avez de l'autre côté la méthode Bouras. Elle est expéditive, simpliste et catégorique. Oui on dirait la description d'une guillotine. Penser en tant que tel, Abdelaziz Bouras, un militant amazigh ultra, le fait, avec une aisance déconcertante que seule sait en faire une guillotine. Je vous le répète, il a une logique tranchante qu'il ne serait pas inutile pour ses adversaires de sentir le métal froid au tour du cou à chaque fois qu'il ouvre la bouche ; qui plus est ne se remet jamais en cause. Jugez-en : “Personne, martèle-il, ne partage les opinions du parti de l'Istiqlal”. Vous êtes peut-être de ceux qui, comme moi, ne partagent pas les idées du vieux parti nationaliste sur la question linguistique du pays. Jamais, au grand jamais il ne vient à votre esprit qu'après vous, personne n'est de son côté. Un peu parano, Bouras ? D'autant plus que ceux qui ont commis l'imprudence de voir comme l'Istiqlal ne “sont que quelques énergumènes panarabistes, aliénés (sic !) éparpillés entre partis de la Koutla, de la gauche et de la mouvance islamiste”. Vous imaginez, déjà, la grande solitude d'Abbas Fassi ! Bouras vous le confirme, littéralement : “A. Fassi, à l'image de ses prédécesseurs qui ont été contre la constitutionalisation de l'amazigh, est seul et est rejeté par la société marocaine entière”. Personnellement, je suis pour une révision constitutionnelle en faveur de cette “officialisation” tant attendue, mais de là à faire de Abbas Fassi un “paria”, un “rebut” de la société, il me faut bien un esprit à la Robespierre. Et surtout un sondage en bonne et due forme. Trop tard ? La sentence est déjà tombée, comme ce fameux couperet. Bizarrement, c'est le juge, le temps d'une interview, qui doit caresser sa tête. Histoire de… réfléchir.