Rentrée économique Dans un contexte économique assez difficile, le gouvernement de Driss Jettou à d'importants défis à relever. La rentrée ne sera pas de tout repos. Que de gros chantiers pointent leur nez: INDH, Ramed, politique énergétique, retraite, chômage… Avec toutes les volontés du monde, aura-t-il les moyens financiers de les faire aboutir sachant que les recettes de privatisation sont en baisse, que les cours du baril de pétrole flambent, que le déficit commercial s'aggrave…? Les rumeurs allaient bon train quant à un nouveau remaniement ministériel qui allait avoir lieu au cours de cette rentrée. Des noms de ministres ou de secrétaires d'Etat «partants» même circulaient. Il était même question de supprimer certains départements. Lorsque SM le roi à reçu le Premier ministre, Driss Jettou, il y a quelques semaines, ces «racontars» se sont vite dissipés. Le Roi a réitéré sa confiance en le gouvernement actuel et Driss Jettou s'est vu confier la tâche de poursuivre les chantiers déjà entamés ou ceux qui sont prévus. C'est dans un contexte économique difficile qu'il devra diriger ces travaux. Le train de vie de l'administration est encore élevé, la croissance économique n'est pas au rendez-vous, le problème du chômage subsiste, le cours du baril du pétrole atteint des limites impressionnantes… Bref, les pouvoirs publics ont la lourde tâche de composer avec toutes ces contraintes pour tenter de sortir le pays de sa léthargie. Pour cela, le Premier ministre n'a pas hésité, entre autres, de donner ses directives pour que les administrations coupent dans leurs budgets de fonctionnement. Elles ont été priées de revoir à la baisse leurs consommations de téléphone, eau, électricité, indemnités de déplacement…Les économies sont évaluées à 30% pour l'électricité, 10% pour le téléphone et Internet et de 5% pour l'eau et le matériel de bureau. La politique des départs volontaires et la mise en place de l'horaire continu contribueront également à réduire le train de vie de l'administration. L'économie qui pourrait en découler avoisine les 250 millions de dirhams annuellement. Une pareille somme équivaudrait environ au financement de la première tranche de l'Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) qui s'étale sur le deuxième semestre de l'année en cours. Il est indéniable à présent que cette Initiative va occuper une importante place dans le programme gouvernemental. SM le roi a donné le ton : la lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale est la priorité des priorités. Cette rentrée sera alors marquée par la poursuite des travaux de concrétisation de l'Initiative, c'est-à-dire la création des comités locaux, des comités régionaux, d'un observatoire... Sur ce même volet social, différentes administrations auront à se pencher sur des dossiers sur lesquels ils se sont engagés. Elles devront notamment continuer à contribuer à la mise en place de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Au mois de septembre, le démarrage de l'AMO sera effectif. La population éligible d'office à ce régime comprend les employeurs affiliés à la CNSS pour l'ensemble de leurs salariés. Elle inclut également toute l'administration publique qu'elle soit affiliée ou non à des organismes de prévoyance sociale. A cette population s'ajoutent les organismes gérant les régimes de pensions de base -CNSS, CMR, RCAR- et les caisses internes d'entreprises. La prochaine étape, souligne un responsable d'un département ministériel, portera sur l'intégration dans le système, des personnes à faible revenu comme les artisans, les petits commerçants…Le Ramed ( système en faveur des économiquement démunis), qui devrait être mis sur pied en 2006, n'est pas en reste. Le gouvernement se consacrera très sérieusement à ce dossier pour boucler ses grandes lignes : population éligible, panier des soins, taux de remboursement… Le chantier de la retraite va également occuper une place importante dans les priorités du gouvernement. Auparavant, il s'était engagé à boucler l'externalisation des caisses de retraites. Maintenant, il faut passer à la vitesse supérieure. Autre dossier à l'étude : celui relatif aux très petites entreprises (TPE). Le gouvernement va s'atteler à instaurer des mesures facilitant leur accès au système bancaire par exemple ou au régime de retraite, à créer des mesures incitatives en leur faveur… Sur le plan purement économique, l'épine dorsale des chantiers du gouvernement sera l'élaboration de la loi de Finances 2006. Les tractations ont d'ores et déjà commencé pour faire baisser le rythme de vie des ministères. Il restera ensuite à définir le niveau du cours du baril du pétrole sur lequel la loi de Finances se basera. Sachant qu'il avoisine aujourd'hui les 70 dollars, il est difficile de concevoir un niveau pareil dans une loi de Finances. Jusqu'où l'Etat pourra-t-il alors supporter ce fardeau ? En prenant en considération cette donne internationale, le gouvernement sera tenu d'entamer sérieusement un débat sur la politique énergétique au Maroc. C'est un autre chantier sur lequel il compte se pencher. La ressource pétrolière étant ce qu'elle est aujourd'hui, les pouvoirs publics devraient s'attarder à élaborer une vision claire et définir d'une politique énergétique basée sur de nouvelles ressources. Les énergies renouvelables (éolienne, solaire…), le nucléaire ou d'autres sources devraient êtres pris au sérieux à l'avenir. Elles pourraient, pourquoi pas, contribuer à faire baisser notre dépendance énergétique à l'or noir. Lafarge Ciments, pour ne prendre en exemple que cette société, a construit un parc d'éoliennes au Nord du pays pour se suffire à elle-même. L'énergie dégagée servira à alimenter son usine. C'est dire que les opportunités existent. Il suffirait de les étudier avec minutie. Pour le moment, les pouvoirs publics semblent vouloir aller dans ce sens. D'ailleurs, des réflexions sont en cours pour d'une part, étudier les opportunités de multiplication des sources d'approvisionnement et d'autre part, encourager la prospection minière et pétrolière. Il s'agira alors de doter l'ONHYM (Office nationale des hydrocarbures et des mines) de moyens conséquents. Ce sont là autant de chantiers lourds que doit attaquer le gouvernement lors de cette rentrée. Il y en a bien d'autres : préparation des assises de l'emploi, peaufinage des projets éligibles au financement du «Millenium Challenge Account», négociation avec des associations professionnelles, autres que l'Amith (Association marocaine de l'industrie du textile et de l'habillement) et l'Apebi (Association professionnelle des entreprises en bureautique et informatique), pour les aider à supporter les effets de la concurrence. Concernant l'emploi, des concertations ont à présent lieu entre les différentes parties concernées (ministères, organisations non gouvernementales…) pour établir les plates-formes de travail. A propos du deuxième chantier, des projets socio-économiques ont été soumis aux Américains. Les étapes suivantes sont sur la bonne voie. A noter que ce programme est doté d'une enveloppe de 5 milliards de dollars sur six ans. Une manne non négligeable. Le gouvernement a du pain sur la planche. La volonté politique est bel et bien présente pour que normalement ces chantiers soient bien avancés. Il faudra désormais trouver les ressources financières pour la concrétisation de projets aussi budgétivores que ceux qui sont annoncés.