La déclaration gouvernementale de Driss Jettou a surpris par la force des projets chiffrés et des délais d'exécution. Le ton et la précision du programme ont été appréciés par plus d'un, mais ils ont, aussi, jeté la suspicion sur certains aspects du programme. Comme financer ces projets colossaux ? La déclaration gouvernementale de Driss Jettou prononcée devant le Parlement a suscité et suscitera pour longtemps des commentaires contradictoires. Il existe ceux qui croient profondément à la concrétisation de ce programme au sein des politiques patronat, mais en face on trouve des sceptiques qui doutent de la réalisation de ses projets. Il est vrai que cette déclaration s'est distinguée par rapport à ses précédentes par une série de projet bien définis, dont le coût est chiffré et les délais d'exécution délimités. Mais la déclaration cite d'autres grands chantiers sans toutefois spécifier les montants prévisionnels de leur réalisation et encore moins le planning de leur mise en oeuvre. Quand on sait que ces projets s'articulent sur des volets aussi sensibles que l'emploi, productif de surcroît, le développement économique, l'enseignement et le logement décent, on imagine l'extrême complexité du programme. C'est un programme très ambitieux qui se donne comme priorité la réalisation des grandes infrastructures routières, autoroutières, portuaires et en voie ferrées. Mais tout au long de sa déclaration le Premier ministre n'a à aucun moment donné des précisions sur les sources de financement de ses grands chantiers. D'autant plus que pour la réalisation de la plupart de ces projets, le gouvernement compte avancer de plusieurs années l'achèvement des travaux. Un avancement qui entraîne nécessairement des surcoûts par l'augmentation du volume du travail et par l'accélération des crédits bancaires. La réalisation du port méditerranéenne de Tanger nécessite une enveloppe budgétaire de près de 11 milliards de dirhams dont les officiels affirment que le montage financier a été pratiquement ficelé. Mais pour des projets colossaux de ce genre qui sont financés par des fonds marocains et surtout étrangers, il existe toujours des surprises dans le timing et la disponibilité de l'argent. La priorité primordiale du gouvernement Jettou étant, bien sûr, le développement économique à même de renflouer tous les autres problèmes. La mise à niveau de l'économie nécessite des ressources financières importantes quand on sait l'état de délabrement de nos entreprises. Le gouvernement a réservé pour la première, un montant de 400 millions de dirhams à cet effet. Mais cette somme reste en deçà des besoins des entreprises et l'Etat qui ont eu du mal à mener la mise à niveau des entreprises à bon terme. Comme il n'y a pas de solution magique pour le problème endémique de l'emploi, à part celle très alambiquée de la croissance par l'investissement, le gouvernement espère résorber le chômage par la mise en retraite anticipée. C'est une bonne idée qui nécessite, elle aussi, de lourdes charges financières pour inciter les 120 000 employés du public et du privé à partir. Tout comme l'investissement dans l'enseignement et la formation-insertion, un domaine qui exige un financement énorme. La politique du logement décent, qui rentre dans les priorités, de l'Etat a toujours buté sur l'échec de la disponibilité de l'argent de la complexité des procédures foncières. Le gouvernement Jettou a indirectement enterré le programme des 200000 logements, en plaidant pour la construction de 100000 logements par an. Comment gagner ce pari quand on sait que l'ancien programme s'est étalé sur plusieurs années sans que l'Etat atteigne le dixième de cet objectif ?Devant les déficits de l'Etat, tout le monde se demande comment le gouvernement va financer ce programme colossal ?Quand on sait que l'euphorie de la privatisation s'est estompée face à la crise des grandes sociétés mondiales, il sera difficile de tabler sur ces rentrées. La troisième licence GSM, la licence fixe et la Régie des tabacs n'attirent pas beaucoup de monde. Il y a eu même de surprenants désistements de la part de certains investisseurs, d'autres comme Vivendi Universal ne cessent pas d'affirmer qu'ils veulent se retirer de Maroc Telecom. Le gouvernement sortant qui tablait sur une recette de privatisation de 12 milliards de dirhams n'a réalisé que le dixième de ce montant. Autant dire que le gouvernement de Driss Jettou devra se déployer énergiquement pour trouver les ressources financières à la réalisation de cet ambitieux projet national.