9ème édition du Festival du printemps de la chanson marocaine La 9ème édition du Festival du printemps de la chanson marocaine, organisée par le Syndicat libre des musiciens marocains sous le nom du regretté Ismaïl Ahmed, a eu lieu les 27 et 28 mai à Marrakech. Elle a rendu un vibrant hommage à l'un de ses fils, Mohamed Ali qui a reçu à l'occasion le prix du "luth d'or". Portrait. "Ould moulay Ali" a ouvert ses yeux et ses oreilles au fin fond de la médina de Marrakech. Grandi au quartier "qaat bennahid" où il avait comme voisin de palier Ahmed Tayeb Lâalej, il psalmodiait au Msid le Coran et les chants patriotiques à l'école El Abdallaouia. Fou de mélodies, il passait des heures en face de l'échoppe du mâallem Lahsika, épicier mélomane et interprète du Melhoun qui possédait – rare privilège à l'époque – un gramophone et une riche collection de 78 tours. C'est ainsi, à l'instar d'un Abdessalam Amer, qu'il apprit les Sayed Darouich, Abdelouahab, Oum Keltoum, Farid al Atrache... qu'il chantait ensuite en famille ou dans les mariages de voisins et amis. Dans le temps, pour réussir une fête, on louait un gramophone, les disques et les services d'un "technicien", sorte de DJ de la Voix de son maître, sachant manipuler la satanique machine ! Ne fut-elle condamnée par les Fatwas des rigoristes tel un Ibn al Mouakkit , auteur de la fameuse "Arrihla al Mourrakouchia" ? Rares étaient les cafés qui en possédaient tels Al Masraf, situé du côté de la Mamounia et fréquenté par l'intelligentsia de la rouge dont le poète Mohamed Ben Brahim, chez Lamine et le café de Moulay Abdessalam de Jamâa el Fna, niché à l'ombre du minaret de la mosquée Kharbouche… De retour de Fès où il avait assisté au mariage de l'un des fils Ghallab, Mohamed, son père Moulay Ali Lâatabi et un ami de la famille faisaient escale à Casablanca. Ils s'attablèrent un après-midi au fameux Riad du côté de Bab el Kébir- propriété de Driss Touimi- pour siroter un verre de thé à la menthe et admirer Ahmed Zniber et son Takht (orchestre de chambre) avec les Smires, Akif, Tantaoui et autre Mustapha Hariri. Profitant d'une pause, l'ami de la famille et beau-père plus tard de notre artiste, proposa au maestro d'écouter le jeune Marrakchi. Et ce fut la première fois que Mohamed Ali se produisit dans un lieu public. Il charma l'assistance en interprétant avec sa voix suave et enfantine "mali foutintou". Séduit, Zniber proposa à son père de le garder. Il passa quelques années au Riad chantant les classiques de la musique arabe ainsi qu'une composition du maître, "Ana lilmajdi khouliktou". " Zniber ne m'a rien appris . Il interdisait aux membres de l'équipe de m'initier aux instruments de peur de le quitter une fois formé". Avec les événements des années cinquante, les attentats nationalistes et la répression colonialiste, il rejoignit Marrakech pour suivre des études qu'il avait délaissées à la Medersa de Ben Youssef. A l'indépendance, il intègre le corps de la police qu'il quitte trois ans plus tard pour se consacrer à la musique. Débarqué à Rabat, il rejoint la radio comme choriste et chanteur tout en suivant les cours du conservatoire de la place Pietri, dirigé par Abdelwahab Agoumi. C'est là qu'Ahmed El Bidaoui l'initia au luth. El Gharbaoui lui compose "dikrayat", sa première chanson dont les paroles sont signées Ahmed Nadim, auteur de la mémorable "Molhimati". Suivent des compositions d ‘Ahmed El Bidaoui, Mohamed Benbrahim (al firdaws al mafqoud), Abdenbi Jirari (Rafiqati)… "J'ai aussi chanté des navets que je regrette aujourd'hui. Je n'avais pas le choix." Il jure de ne plus chanter pour les autres, s'initie à la composition et crée les "Hrouf Zine", "Kadoukh allia" d'Abdelmalek Bennouna, qui a établi et édité "kunnach al haiq, bible des noubats de la musique andalouse,"El walf", ainsi que l'inoubliable "Lamkhantar", écrite par le regretté Jamal alWazzani.Le 45 tours est sorti chez Philips avec l'aide de l'ami Abdelwahab Doukkali qui l'a cautionné auprès de la société de production internationale. Il se souvient aussi de l'aide inestimable de Khadija Bennouna, fervente amie d'Oum Keltoum et épouse de Mehdi Bennouna, fondateur de la MAP et grand mélomane devant l'éternel. Mohamed Ali compose aussi pour Aïcha Alaoui, Ismaïl Ahmed, Bahija Idriss, Imad Abdelkbir. Il se rappelle d'une pétillante adolescente lui apportant, en scooter les cheveux au vent, un poème d'Omar Abou Richa. Interprété par Samira Bensaid, " rabbi al adim " est un chef d'œuvre du répertoire spirituel national… En retraité zen, Mohamed Ali continue d'assouvir sa passion. Il vient d'enregistrer pour la radio "Nour ala nour", poème de Moulay Ali Skalli et "Addalal attaih", texte emprunté à "Rawd zitoun", diwan de Mohamed Ben Brahim, réuni et présenté par l'ami Chawki Binbine, tout en épaulant la nouvelle génération. Houda Amenna lui interprète "Nabiou al Birr" d'Ahmed Chawki ainsi que le Mouwachah "Kad Zara". Loin des projecteurs et du fracas des tendances actuelles, en virtuose du luth et inégalable interprète des classiquiates, Mohamed Ali fait le bonheur des mélomanes du Tarab al assil au Maroc et ailleurs. Ce fut le cas au cours de ses dernières apparitions en public. A Paris, à l'Institut du Monde Arabe, il rendait hommage à Mohamed Idrissi. A Marrakech, le théâtre royal a vibré sous le charme de son inimitable voix...