Pour quelles raisons Abdelaziz Bouteflika a-t-il franchi la ligne jaune en comparant la colonisation française en Algérie à l'Allemagne hitlérienne ? Pour quels motifs est-il allé aussi loin en affirmant que les fours de la honte installés à Guelma par l'occupant- sous entendu français-, étaient identiques aux fours crématoires des Nazis ? Ce sont des "déclarations de guerre" estiment ceux qui ont été contactés au Quai d'Orsay par La Gazette du Maroc, jeudi dernier. Ceux-ci affirment qu'ils ont été surpris par ce virage au sommet du pouvoir en Algérie, n'arrivant pas, pour l'instant, à lui trouver une explication. Surtout, lorsqu'on sait que les comités mixtes chargés de préparer le canevas du traité d'amitié entre les deux pays ont beaucoup avancé dans leurs travaux ce, afin que la signature de cet accord s'effectue avant la fin de l'année en cours. Si les Français ne possèdent ou ne veulent donner aucune réponse convaincante, des milieux algériens proches de l'ambassade américaine à Alger, laissent entendre que Bouteflika a été très contrarié d'apprendre qu' "une partie de la France est revenue aux anciennes pratiques depuis quelques mois". En d'autres termes, s'ingérer dans les affaires internes de son pays. Ce qui pourrait expliquer la nature du récent remaniement ministériel qui a été suivi- c'est le plus important- par de nouvelles nominations et changements de postes au niveau de l'armée. Ces mêmes milieux affirment que le président algérien, qui était apparemment au courant des détails de cette présumée ingérence, a préféré choisir le moment opportun pour riposter à sa manière, rappelant ainsi le style de vengeance de Houari Boumédiène. L'actuel chef de l'Etat algérien a ainsi décidé de remettre sur le tapis les massacres du 8 mai 1945. Ce qui rendra, le cas échéant, les déclarations du chef de la diplomatie française, Michel Barnier, à notre confrère algérien, Al-Watan, sans grande importance. En effet, les Algériens ne veulent pas de "réponses mesurées", souligne en privé le nouveau ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Ils ne veulent plus entendre, dit-il, de déclarations mitigées qui mettent le bourreau et la victime à pied d'égalité, en utilisant des termes comme le "respect mutuel" dans le travail de mémoire. Au cas où la France, notamment son président, Jacques Chirac, ne prendrait pas rapidement une initiative pour calmer le jeu, les relations risquent alors de se dégrader. Ce qui inquiète d'ores et déjà les milieux économiques français ; plus particulièrement ceux qui misent sur les gros contrats tels que la construction du métro d'Alger, des nouveaux aéroports et ports, la participation au projet de construction d'un million de logements ou encore, la vente d'Airbus, des avions militaires Rafales de Dassault.