Trois questions à Abderrahmane El Yazidi, Secrétaire général du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière LGM : le plan d'aménagement des pêcheries poulpières soulève des remous chez les professionnels. Qu'est-ce qui explique cette montée de tension ? Abderrahmane El Yazidi : le plan en question a vu le jour sous le mandat de Rhafès. C'était en avril 2004. Ce ministre voulait coûte que coûte un plan pour soigner son image écornée par une série de maladresses dans la gestion des affaires de son département. Un programme a été donc préparé dans la précipitation, sans l'implication de certaines composantes essentielles du secteur, notamment les marins hauturiers représentés par le SNOMPH. Le plan tel que publié, n'énonce pas ses objectifs et ne se donne pas de durée. Il se contente de dicter des mesures sans se soucier des moyens de leurs applications. C'est un programme partial. En témoigne la transférabilité des quotas entre les navires hauturiers. Lors de sa mise en application, l'ex-ministre a autorisé, contrairement aux dispositions du plan, les bateaux côtiers à pêcher dans la zone Sud par rotation de groupes de 100 navires. Dans ce contexte, Rhafès devait faire mentionner sur les licences de pêche que la zone autorisée d'exploitation va de Boujdour à Lagouira. Cette mesure les aurait obligés à amarrer leurs navires durant les arrêts biologiques. Quelle est la part de l'Etat dans la mauvaise passe que vit le secteur de la pêche aujourd'hui ? L'Etat n'a jamais géré les richesses halieutiques avec le bon sens et le souci de la pérennité de la ressource. Pour lui, la pêche est un secteur de rente comme les carrières ou le transport.. Il est utilisé pour résoudre des problèmes autres que les considérations relatives à la préservation des ressources. L'Etat est à incriminer. Si on était dans une vraie démocratie, chaque ministre qui a été à la tête de ce secteur devrait être jugé au moins politiquement pour sa gestion calamiteuse. Rares sont ceux qui réussiraient à l'épreuve. Le Parlement est aussi responsable parce qu'absent et indifférent aux transformations que vit le pays. Des tirs de balles réelles a Ntiret, au nord de Dakhla ont été enregistrés sans qu'aucune question ne soit posée au Parlement ! N'est-il pas temps de revoir la façon dont les licences de pêche sont attribuées au Maroc ? Je pense qu'on ne doit plus nommer à la tête du ministère de la Pêche des hommes qui n'ont pas un programme précis et préétabli avant les élections. Seuls des porteurs de projets doublés d'une vraie stratégie peuvent faire changer la donne. Aussi, la pêche doit-elle retrouver son ministère. Et celui-ci a besoin de ses prérogatives qui lui ont été amputées au milieu des années 70. Le Roi doit intervenir dans l'orientation du secteur à l'instar du tourisme, faute d'hommes politiques capables de le faire. De plus, il est temps de rompre avec la logique de la rente pour faire de la pêche un levier pour le développement durable. Cela passe par la culture des cahiers des charges et des appels d'offres publics. C'est la seule issue, si nous voulons que les ressources et les outils de production soient encore au rendez-vous dans les années à venir.