Hotel Rwanda Retour sur l'histoire et l'engagement d'un homme, à Kigali, aux pires heures du génocide. Un film acide sur l'horreur et le repli de l'humain. Poignant. Rwanda. Le génocide est mis sur pied. L'enfer sur terre a pris corps. Et le monde entier se fait le spectateur impuissant de la fin d'une époque et le début d'un cycle qui marque le dernier degré de l'inhumain. Nous sommes au printemps 1994. Au milieu d'un champ de morts, entourés des ruines, noyés dans le désespoir. Le Rwanda agonise alors qu'un homme, Paul Rusesabagina, qui travaille comme manager de l'hôtel le plus select de Kigali, décide de transformer son palace en camp de réfugiés. Le film démarre quand cet homme décide que la mort avait fait assez de dégâts et qu'il était temps que quelqu'un lui dise non. L'hôtel devient bunker et Paul y cache sa famille, ses voisins, les pensionnaires d'un orphelinat et d'autres candidats à la mort certaine. Il sauvera plus d'un millier de personnes en jouant avec la gueuse. Très vite, on saisit le message du film: ce cri d'espoir grâce à la volonté d'un seul homme d'arrêter l'inéluctable. Mais cette belle histoire d'espoir au milieu d'un tumulus de cadavres pêche par sa gentillesse, sa clarté première, cet énoncé qui en fait un film sans surprise. Avec de temps en temps des clins d'oeil qui nous rappellent Salvador d'Oliver Stone avec James Woods et John Savage ou alors l'année de tous les dangers de Peter Weir avec Mel Gibson. Humanitaire version L. A Hotel Rwanda est la première fiction sur le génocide rwandais. Un essai qui nous plonge dix ans en arrière pour raconter une histoire marginalisée. Mais le film glisse petit à petit dans une espèce de légère parodie de la mort. On ne la voit pas, elle est suggérée, ce qui est déjà un pied de nez au voyeurisme plat hollywoodien. Aussi, le décalage de la langue gêne considérablement. Une colonie francophone belge où l'on parle anglais sonne faux, mais on peut se consoler en pensant que cette histoire pouvait être racontée par n'importe quel citoyen du monde. Par moments, le film reprend un procédé utilisé par Spielberg dans la Liste de Schindler pour jouer sur le suspense mort/survie. Reste le mérite du réalisateur, Terry George, qui prend ici un sentier non encore balisé pour en faire le porte-étendard d'un nouvel épisode humain à traiter sans compromis. Déjà scénariste de Jim Sheridan sur le merveilleux In the Name of the Father, il tente ici de porter sa fibre engagée jusqu'au confins du possible pour sauver le monde ou du moins en dévoiler l'horreur pour qu'elle cesse. Le Darfour n'est pas très loin Ce Rwanda pourrait étrangement n'être qu'une image projetée d'un Darfour qui se joue devant nous. Le réalisateur tente plus d'attirer le regard sur un crime humanitaire qui se trame devant nos yeux au jour le jour que sur un passé de génocide consommé et dont la communauté internationale s'est lavé les mains. Il réussit son projet puisqu'au delà des discours grandiloquents, il laisse l'histoire de ces femmes et ces hommes se nouer et se dénouer dans un engrenage des plus simple. La lutte pour la vie devient un leitmotiv avec une constante qui va plus loin que la parole : les images du silence. La question est de savoir ce que le film laissera derrière lui après avoir étalé la terreur telle qu'elle a été vécue par des millions de personnes? Est-ce que le monde gardera le même silence face à ce qui se joue au Soudan? Malgré l'espoir distillé à la fin et le sauvetage de milliers d'âmes, le réalisateur ne tombe pas dans la platitude du bonheur béat. Il reste subtile et surtout nuancé laissant planer cette menace secrète qui peut tout faire éclater demain. C'est là la force d'une réalisation en filigrane où les visages humains peuplent l'espace. Don Cheadle est ici au summum de son art, aussi sobre qu'efficace avec une réelle mise en bière de tous les clichés que l'on pourrait voir de la part d'un acteur afro-américain jouant un Africain des grands lacs. Il n'y a dans ce film rien d'extraordinaire à prendre en ligne de compte. Terry George n'a pas inventé le fil à couper le beurre pas plus qu'il n'ait trouvé de nouvelles voies pour nous dire le mal que l'homme recèle en lui. Il a surtout livré un film honnête, une oeuvre de cœur, un cri poussé par un œil qui voit et un cœur qui saigne.