Le Royaume-Uni ouvre la voie aux investissements dans le Sahara marocain en attendant des avancées politiques    Coupe du Trône: Le Wydad de Casablanca bat le FUS de Rabat et passe en huitième de finale    Coupe du Trône: Résultats des 16ès de finale    Bayern Munich : Adam Aznou de retour plus tôt que prévu?    Affaire de viol présumé : l'avocate française innoncente les accusés    Après les Etats-Unis, l'Algérie offre un important cadeau au Royaume-Uni    Espagne : La Marche verte intègre les manuels scolaires    Addis-Abeba: Le président de la CUA reçoit l'Ambassadeur Représentant Permanent du Maroc auprès de l'UA    Etats-Unis : Trump insiste sur les Accords d'Abraham    Berrada : La mise en œuvre d'un nouveau modèle pédagogique passe par la mise en place graduelle du projet "Ecoles pionnières"    Al Hoceima : Mise en échec d'une tentative d'immigration illégale    Le Conseil de gouvernement adopte un décret relatif au secteur de la communication    Le Maroc reçoit ses premiers drones de combat "Akinci" dans une version spécialement développée pour son armée    L'Algérie interdit à ses diplomates de se rendre en France alors que les tensions s'intensifient    Diaspora : les transferts atteignent 17,86 milliards de dirhams à fin février    Le crédit bancaire au secteur non financier en légère hausse en février    Le Maroc aux premières loges pour l'éclipse partielle de Soleil ce samedi    Un Hub de Médecine de Précision prévu à Rabat, annonce la FM6SS    Managem. Ambitions renforcées pour 2030    CDM féminine 2035: Un projet de candidature commune ''Maroc-Espagne-Portugal'' est sur la table, d'après le président de la Fédération espagnole de football    Amina Bouayach reconduite à la tête du CNDH (Biographie)    Diplomatie Marocaine VS Diplomatie Algérienne : Vision Stratégique contre Réactions Impulsives    Ministère de l'Intérieur : « 239.402 kg de produits non conformes saisis »    Industrie manufacturière : légère baisse de 0,1% des prix à la production en février (HCP)    Société Générale Maroc. L'ère Saham commence bien    Rahma Bourqia, une sociologue respectée à la tête du CSEFRS    Casablanca : après le Bloc Bouazza, quelles seront les prochaines démolitions ?    L'Humeur : Les séries télévisées séduisent la MAP    Les acteurs américains Matt Damon et Zendaya en tournage au Maroc    Rugby : Abdelatif Benazzi, premier Franco-Marocain à la tête du Tournoi des Six Nations    Coupe du Trône: La RSB en huitièmes de finale    FRMBB: Une AGE le samedi 6 avril    L'Association d'Amitié Maroco-Azerbaïdjanaise se félicite des résultats de la visite de la délégation du Comité de la diaspora azerbaïdjanaise    La mosquée Al Haram accueille des millions de fidèles pour la nuit du 29 Ramadan    Débat à l'Assemblée : L'islamophobie, une fracture française    Soudan : Première baisse du nombre de déplacés internes malgré la persistance de la crise humanitaire (OIM)    Coupe du Monde 2030 : une émission d'euro-obligations réussie pour le Maroc    Trump demande à Elise Stefanik de retirer sa candidature pour le poste d'ambassadrice à l'Onu    Incendie maîtrisé dans la zone de fret de la RAM à l'aéroport Mohammed-V de Casablanca    Western Sahara : Ahead of Mistura's visit, Polisario reiterates its demands    Hervé Omva : "Il y a des exemples de réussites africaines dans l'agroalimentaire"    Un député français dénonce l'emprisonnement de Boualem Sansal et attaque le régime algérien : Un jugement rendu par un Etat voyou    Farhat Mehenni écrit : Sous la dictature algérienne, toutes les libertés démocratiques sont traitées comme des crimes    Nuit du Destin à El Jadida : Une Symphonie de Traditions et de Foi    Candlelight s'invite pour la première fois à Marrakech    Deux Marocains remportent les première et troisième places du prix Katara pour la récitation du Saint Coran    Salim Lahsini : "Le patrimoine culturel sous-marin doit être une priorité égale à celle de la biodiversité marine"    Marseille : La musique marocaine rayonne à Babel Music XP 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un cocktail explosif
Publié dans La Gazette du Maroc le 21 - 03 - 2005


Ordures ménagères et industrielles
Le rapport élaboré par un cabinet d'experts en déchets pointe du doigt les décharges les plus explosives, relève leur danger pour la santé et la nature et met enfin en cause les insuffisances d'une législation obsolète.
En voulant voyager vers le Maroc, voilà ce qu'un touriste peut apprendre: “C'est fou ce que les paysages marocains peuvent être pollués. La négligence et le manque d'informations en sont la cause. Les Marocains ont pris l'habitude de jeter n'importe où tout ce qui les embarrasse. Le résultat est consternant : les décharges publiques sont des dépotoirs écœurants à proximité des localités, les plages en cours de saison sont pour la plupart très sales…”. L' auteur de ce pamphlet n'est autre que le guide du Routard. Les adeptes de cette publication, malgré ses approximations, se comptent par millions dans le monde ce qui la positionne comme une référence en la matière.
Avant de venir donc, les touristes apprennent qu'il faut se méfier de nos décharges publiques. Et s'ils font fi de cette mise en garde, au premier virage de l'aéroport Mohammed V, ils seront pris à la gorge par une odeur pestilentielle. A quelques encablures de l'aéroport, la décharge géante de Médiouna pointe du nez. Elle dégage tout ce que recèle cette poubelle géante comme désagréments pour les yeux, les poumons, la santé et d'une manière générale l'environnement. Aujourd'hui, le dossier particulièrement explosif des décharges publiques donne des cheveux blancs à tous les intervenants du secteur : communes, ministères de l'Environnement et de l'Intérieur. Le cabinet d'experts en déchets, Ségu, qui travaille dans le secteur avec des opérateurs marocains et étrangers, a été chargé d'élaborer un rapport. Mieux, il a été sommé de rendre sa copie au plus vite, de manière à permettre aux collectivités locales et à la communauté urbaine de Casablanca de mettre fin à l'anarchie qui prévaut dans la gestion des déchets. Mustapha Brakez, l'expert en déchets qui dirige le cabinet Segu, auteur du rapport, pense qu'aujourd'hui, “il est plus qu'impératif de considérer la gestion des déchets comme une urgence du moment qu'on ne peut fermer les yeux sur l'impact des grandes décharges sur l'environnement et la santé des populations”.
Le rapport qui passe au crible toute la chaîne de la pollution montre que celle-ci est jonchée d'anomalies. En amont, la liste des irresponsables est longue : le législateur a oublié de légiférer, les autorités observent le silence, les élus sont mal informés et le citoyen fait preuve d'un manque de civisme patent. Le ratio quantité de déchets produite par citoyen avoisine les 2% par an. Le rapport dresse un état des lieux plus qu'alarmant. Ainsi, “tous les grands centres urbains et les zones industrielles souffrent d'un ramassage incomplet (le taux n'atteint jamais 100% des déchets produits), d'un matériel de collecte et de réception des déchets inadapté et en très mauvais état, d'un personnel peu formé, trop nombreux, non motivé et mal encadré, des sites de traitement mal situés, mal conçus, sous-équipés et mal exploités”. Conséquence : les villes sont sales et polluées par de nombreux dépôts sauvages quand il ne s'agit pas de décharges situées en plein centre; les zones industrielles sont polluantes et échappe à tout contrôle. D'un point de vue écologique, les sites de traitement se révèlent des zones de concentration de la pollution avant de la rediffuser dans le sol (infiltration de lixiviats) et dans l'air (incendie, brûlages permanents de matières plus ou moins toxiques) voire même auprès des humains et des animaux (accès non contrôlés). A tout cela il faut ajouter la part de coût non visible et la plus importante, à savoir: la dégradation constante de l'environnement, la pollution urbaine, la création de germes pathogènes, la pollution générale de l'eau et de l'air, et les maladies qui en découlent. Toutes ces nuisances ont un coût qui forme la part sociale et environnementale du coût global induit par le traitement inadéquat de la masse des déchets.
S'il est vrai qu'il reste difficile de mesurer les interactions, entre les polluants dégagés par les décharges et un certain nombre d'indicateurs de mortalité et de morbidité, il n'en reste pas moins que la plupart des spécialistes interrogés s'accordent à dire que les gaz comme les particules fines en suspension ou la dioxine sont responsables entre autres d'une grande partie des consultations pour infections respiratoires, conjonctivites et autres allergies. Le méthane est produit par la décomposition de la matière organique dans des conditions d'anaérobiose. Du CO2 est également produit en grande quantité dans les décharges. Entrent en jeu également les émissions de N2O sans compter l'effet hautement cancérigène de la dioxine.
En fait, très peu de décharges publiques sont équipées de système d'étanchéité et de récupération des eaux de pluie (lixiviats) qui, s'écoulant à travers ces déchets, polluent les nappes phréatiques. De même, pratiquement aucune de ces décharges ne dispose de collecteurs de biogaz. Ceci à l'exception de trois cas, Berkane, Essaouira et Fès qui ont déjà une décharge moderne traitant le lixiviat. Les déchets en décomposition produisent aussi deux gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone ainsi que le méthane, gaz invisible, inodore et hautement inflammable. Ainsi, l'air est rempli de matières cancérigènes, traînées par les vents et arrosant les résidents dans un rayon qui peut aller au-delà de 50 kilomètres autour de la décharge. Les effets sur l'homme et la nature sont donc bien plus dangereux que toutes les industries polluantes réunies.
L'après collecte
L'analyse de la situation dans l'ensemble des villes marocaines a démonté que la grande majorité des collectivités locales se débarrasse de ses déchets sans se soucier de l'après collecte. Les usines de traitement des ordures ménagères (UTOM), réalisées dans 5 villes marocaines, entre 1964 et 1980, ont toutes été contraintes de mettre la clé sous le paillasson en raison de l'inadaptation de la technologie aux spécificités des déchets marocains et du manque d'intérêt des agriculteurs pour le compost produit par ces usines.
Plus grave encore, les décharges publiques qui sont installées sur des terrains communaux (souvent d'anciennes carrières désaffectées), présentent les caractéristiques de décharges sauvages (absence de clôture, de voies de circulation, de gardiennage, aucune précaution pour éviter la pollution des eaux souterraines par infiltration ; aucune étude d'impact sur l'environnement; aucune exploitation) d'où les conséquences nuisibles que l'on sait. Enfin, les procédés classiques d'incinération ne sont pas adaptés aux déchets marocains en raison de leur forte humidité (60 à 70 % : prédominance des matières organiques) et de leur faible pouvoir calorifique (900 à 1000 kcal/kg : faible teneur en matières combustibles et emballages).
Sur le plan politique, les experts ne voient pas d'autre alternative que l'éventuelle privatisation, ou plus exactement la délégation partielle et temporaire de la gestion des déchets au secteur privé.
Au vu de la situation actuelle, les résultats, des moyens et des besoins, le pragmatisme le plus élémentaire recommande effectivement de faire appel au secteur privé. Mais encore une fois, “il est urgent de créer le cadre juridique complet qui permette cette mise en place en modernisant la procédure relative aux appels d'offres et aux marchés passés avec des entreprises nationales ou étrangères pour s'adapter au mieux à ce type d'exécution du service”, plaide le rapport du Cabinet Ségu. S'il est essentiel pour résoudre rapidement l'ensemble des problèmes qui se posent et ne font que croître le besoin de se tourner vers l'initiative privée, il doit par contre impérativement rester à l'initiative publique : le pouvoir de décider et de déléguer le choix de l'opérateur sur des critères objectifs de moyens et de résultats, le contrôle régulier des prestations, l'application des sanctions et pénalités éventuelles et enfin l'administration contractuelle et financière.
L'expérience de Mohammedia et de Casablanca récente en la matière est intéressante à plus d'un égard puisque depuis que la gestion et la collecte des déchets a été confiée à des opérateurs privés, une nette amélioration du service et une propreté remarquable dans toutes les artères de la ville a été constatée. Contrairement à ce que proposent de nombreuses entreprises peu fiables, les solutions ne viennent pas de procédés techniques miracles importés clés en main, mais d'une organisation, d'une méthodologie rigoureuse et d'un financement adapté.
Le cabinet conseille aujourd'hui de se donner les moyens de créer, ville par ville, des systèmes complets de traitement des déchets, avec les budgets et les moyens de contrôle.
Au jour le jour, le Maroc devra faire face à de graves problèmes inhérents à la mauvaise gestion des déchets, dont une grosse partie se retrouve dans la nature. Conséquence d‘un taux d'urbanisation estimé à 55, 2% et une croissance démographique galopante dans les villes moyennes, la tendance est à la hausse. Le Maroc produit un peu plus de 20.000 tonnes de déchets par jour. Les ordures ménagères représentent 17.800 tonnes, dont 69% sont produites en milieu urbain et une grande partie est déversée dans la nature. Une situation qui cause un préjudice pour l'environnement. Au total, selon un rapport de la Banque mondiale, le prix de mauvaise gestion des déchets au Maroc a été estimé en 2000 à près de 1,7 milliard de dirhams, soit 0,5% du PIB.
Aujourd'hui, alors même que la préservation de l'environnement est intimement liée aux questions de la santé publique, alors même que le principe de précaution est souvent mis en avant pour justifier des décisions parfois radicales, les spécialistes s'accordent pour tirer la sonnette d'alarme. Le chemin qui sépare le Maroc d'une véritable prise de conscience des enjeux liés à une gestion raisonnable et durable de nos déchets est encore long. Les spécia-listes insistent sur l'urgence d'intervenir et de définir des priorités sur ce dossier pour préserver notre avenir. Ils préconisent entre autres, la création d'une législation spécifique permettant d'identifier, de traiter et de financer le secteur, la mise au point des règles de fonctionnement tant administratives que budgétaires et comptables au niveau des communes et communautés, spécifiques au service et enfin le regroupement d'entités administratives et les transferts de compétence pour une meilleure efficacité de gestion. Sinon, la facture risque d'être encore plus salée si le dossier hautement explosif des décharges publiques n'est pas l'objet d'une prise en charge politique, administrative et financière immédiate.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.