Loi sur les partis Les partis politiques ont remis leurs copies. Amendements, révisions, suppressions… autant de réponses au projet de loi sur les partis qui touchent, aussi bien la forme que le fond. Lecture. Cette année sera décisive : l'adoption du projet de loi sur les partis, prévue pour 2005, arrêtera le cadre juridique et institutionnel, qui a longuement fait défaut à la pratique des partis. Les mémorandums remis au ministère de l'Intérieur ces dernières semaines, sont de ce point de vue, une nette avancée dans le processus global. Au niveau de la forme d'abord. Toutes les formations politiques ou presque, ont choisi de présenter des réponses communes qui constituent, par ailleurs un minimum vital, sinon un modus vivendi, cimentant leurs pôles respectifs . La polarité, l'un des objectifs déclarés de cette même loi, serait déjà en marche ? L'option ayant prévalu milite pour une réponse affirmative : les partis politiques s'étant librement, sur des affinités communes, constitués en des pôles ayant déjà fait leur bonhomme de chemin, le cas du pôle Haraki ou d'autres dont le mémorandum actuel à propos de ladite loi est leur première communion de taille. Le cas par exemple de l'Alliance nationale. En contre partie, le parti de la justice et du développement PJD, a choisi de faire cavalier seul. Et pour cause : pris entre une opposition très essoufflée à sa droite et une majorité des principales formations politiques du pays, sa marge de manœuvre est très réduite. Le moment actuel, sans rebondissement notoire ne se prête pas non plus à des alliances de circonstance. Ceci étant, l'une des convictions communes entre les différents partis serait, indéniablement l'unanimité presque sans faille sur le rôle prépondérant, sinon exclusif de la justice dans le contrôle, l'autorisation, le gel ou la dissolution des partis. Une manière pour rejeter la mainmise éventuelle du ministère de l'Intérieur sur la vie politique et la vie interne des partis. Que dit la loi, effectivement, à ce sujet ? L'article 8, stipule en clair : “les membres fondateurs du parti politique déposent auprès du ministère de l'Intérieur un dossier comprenant : 1/ une demande de constitution du parti 2/ une déclaration écrite portant les signatures légalisées d'au moins 1000 membres fondateurs”. Les autres articles, plus détaillés qu'explicites confèrent d'autres compétences audit ministère qui en font un ministère hégémonique. Du déjà vu… ! Plutôt conflictuelle, la relation entre les partis et l'Intérieur a toujours été au cœur de la tension politique qui a régné des décennies durant. Ce qui explique, en grande partie l'actuelle méfiance. Fait notoire : elle n'est pas exclusive à une entité plus qu'à d'autre. Pour le pôle Haraki, qu'on ne peut taxer d'hostilité inconditionnelle vis-à-vis de l'intérieur, “toute restriction dans la constitution des partis ou conditions à même de gêner cette constitution, serait une régression en matière d'acquis et de droits”. En d'autre termes ? Une loi sur les partis est à même de réformer le paysage politique, certes mais doit renforcer “le parcours démocratique du pays”. Selon le mémorandum commun, de l'USFP et du PI, le premier principe devant animer la juridiction en la matière ou “la norme en matière de constitution des partis est la liberté qui n'est limitée que par la constitution et les lois”. Ainsi, pour les partis de M. Elyazghi et A. Fassi, “les fondateurs d'un parti ne présentent pas des demandes, mais des déclarations de constitution”. L'intérieur ne doit pas, non plus, veiller sur les autres aspects de la vie des partis. Primo “c'est la justice qui est seule labilitée à prendre des décisions en ce qui concerne la création, la suspension ou la dissolution des partis. “ Le gel et la dissolution en particulier doivent être tributaires d'une décision de justice définitive”. Même son de cloche, d'ailleurs chez les autres pôles : L'Alliance socialiste, l'Alliance nationale, le PJD et la GSU. Autre pomme de discorde entre la majorité des partis et les initiateurs du projet, en est sans doute le nombre de membres requis pour fonder un parti. Selon l'avant projet la déclaration écrite de la constitution du parti doit porter “les signatures légalisées d'au moins 1000 membres fondateurs”. Réponse des partis, les petites formations à tout le moins : le nombre doit-être revu à la baisse. Idem pour le PJD, dont l'audience n'est pas à démontrer, le nombre exigé est “difficile, sinon impossible à atteindre”. 200 membres fondateurs seraient suffisants. Surtout que “le seuil requis est à même de priver des sensibilités politiques réelles, émergentes ou limitées, de leur droit à l'organisation partisane”. Un clin d'œil solidaire à l'encontre de deux formations à sensibilité islamiste et dont les adhérents restent peu nombreux : Al Badil Al Hadari (l'alternative civilisationnelle) de Mustapha Moatassim et Al Haraka Min Ajli Al Oumma (le mouvement pour la nation) de Mohamed Al Marouani. L'argent, le nerf.. Si l'argent est le nerf de la guerre, il est aussi le prix de la démocratie. Et pas, seulement. Ce sont les critères sur lesquels sont alloués les subventions de l'Etat qui ont et auront manifestement la part de lion dans les discussions entre les partenaires politiques et les pouvoirs publics. Si le projet de loi prévoit la subvention annuelle sur la base du nombre des députés et conseillers de chaque formation, nombreux sont les partis qui demandent la révision de cette condition. Les raisons ne manquent pas. Le PJD appelle à une subvention sur “la base des voix obtenues”. Idem pour le PI et l'USFP : “la valeur de la subvention doit être calculée sur la base des nombres des voix obtenues aux élections législatives directes”. Les moins performants de nos partis, dont l'Alliance socialiste revendique une grille d'évaluation plus large : outre le nombre des élus, ou voix obtenues, la subvention doit être calculée également sur la base du nombre des adhérents, de locaux et présence sur le territoire nationale, entre autres. Réflexe de minorité ? Quoi qu'il en soit, on ne prête qu'au riche. Qu'en est-il du contrôle des financements des campagnes électorales et des subventions annuelles et des conditions de leurs suppressions ? Les deux grandes formations de la majorité et de la Koutla, le PI et l'USFP en l'occurrence, sont catégoriques : “Seule la cour des comptes est habilitée à contrôler les comptes " pour supprimer la subvention, la référence doit être la périodicité des congrès tels que définit par les statuts internes avec l'octroi d'un délai d'une année”. Fondement et sous-entendus La définition du parti, sa fonction et sa raison d'être, a été grosso-modo l'objet d'une remise en cause très subtile. Pour le PI et l'USFP, la loi manque de préambule “exposant les raisons d'être et les principes sur lesquels devra se baser la formulation des actes qui les constituent”. Le mémorandum en propose un. On en retient : “Les partis sont une part du patrimoine national”. Surtout : “l'objectif qui doit être assigné à cette loi est de permettre aux idées et programmes (…) d'obtenir une compétitivité libre et neutre”. Cet engagement implique l'interdiction de “toute intrusion de l'administration dans les affaires des partis et de leurs gestion”. Il va sans dire qu'au-delà de la condamnation du passif accumulé depuis les premières élections, les deux partenaires de la Koutla, en tirent les enseignements qui s'imposent: L'action libre est une partie constituante de l'ordre pluraliste. Plus : La concurrence des partis est le fondement politique des systèmes constitutionnels démocratiques modernes. Pour le PJD : la fonction d'un parti politique ne se résume pas à l'encadrement et la représentation. Force est de souligner que “les partis participent à l'élaboration de la politique du pays, à la gestion des affaires publiques et la mise en application de ses propres programmes”. Explication : en passant sous silence ce principe, les partis, même ayant la majorité requise, seraient incapables d'appliquer leurs programmes. En filigrane, il doit être explicitement reconnu que les partis coopèrent à la formation de la volonté politique du peuple. Une question qui, au fond, touche le cadre constitutionnel. Maintenant que la classe politique a choisi, aussi bien sur le fond que sur la forme, de travailler “en groupe”, le coup d'envoi pour l'enclenchement du processus habituel pour l'adoption des projets de lois sera donné, avec plus de visibilité. Un pari gagné ? Pour le moment, un pas est déjà franchi. L'essentiel : l'adoption.