Professionnalisation des managers Qui l'aurait cru ? Les boss et dirigeants sont convoqués sur les bancs de classe au motif de “professionnalisation des managers”. C'est devenu une obligation pour se remettre dans le bain et se voir épargner les foudres des sanctions. Ah, ils se mordraient les doigts, ces “détenteurs de la science innée” d'avoir rompu avec l'école depuis qu'ils l'ont quittée. C'est vrai, les pauvres, ils en arrivent à perdre leur latin avec tout ce qu'on leur demande de faire : benchmarking, coaching, engineering, analyse de la valeur, knowledge management, team building, Qualité totale, créativité et innovation... Le comble dans tout cela, c'est que plus ils en savent, moins ils en font. Et l'astuce face à cette montagne de nouvelles responsabilités et missions, c'est de s'en sortir à bon compte en faisant tout faire par les paliers inférieurs de la pyramide. Et notre manager a hérité du comble du chirurgien qui disait : “l'opération s'est bien passée mais le malade est mort!”. Quand on veut prendre la température du management dans le pays, les managers eux-mêmes, comble de l'ironie, n'hésitent pas à répondre : “le management au Maroc est à l'image du pays”. La crise du management marocain Une récente enquête européenne a fait ressortir que bon nombre des dirigeants d'entreprise consacrent le plus clair de leur temps à rechercher, par leurs propres soins, les informations dont ils ont besoin. Comme si la veille stratégique semble “dure à cuire”, que les compétences de l'entreprise ont disparu ou encore, merci, la confiance règne malgré tout. Le summum du ridicule, c'est que 60% de ces managers s'alimentent substantiellement auprès de la...presse !!! Qu'ils jugent comme source la plus fiable comme si c'était le “bordel” dans leur propre “banque de données”. C'est drôle tout de même, se fier à un canard réalisé par une poignée de bonshommes en reléguant derrière les “performances” des dizaines de dirigeants et des centaines de cadres, on court droit vers la banqueroute du...management. C'est fou aussi ces managers mordus de...journaux. Ils ne rechigneraient pas à s'improviser “chroniqueurs”, vu le temps passé au bureau à parcourir toutes sortes de publications. Pis encore, souvent ils confondent leur emploi de patron avec celui d'attaché de...presse. Si avec tout cela, ils cherchent une image de marque en externe, ils devront se réveiller de bonheur. La “psychose” de la stratégie Mais quelle mouche pique nos dirigeants pour saouler tout leur beau monde de concepts balancés à tort et à travers, à grands coups de “stratégies” ? Tout le monde veut faire de la stratégie. Tout le monde parle de stratégie. Sécurité routière ? Plan stratégique intégré d'urgence. Tourisme ? Vision stratégique à l'horizon 2010 ? Constructions d'habitats ? Un emplacement stratégique. Industrie et commerce ? Il faut une vision stratégique nationale. Une entreprise ? Nouvelle stratégie commerciale ou la veille stratégique. Même une cafétéria construite est qualifiée de “stratégique”... C'est la tyrannie des grandes envolées conceptuelles sans aucun rapport avec la dimension de l'activité ni les moyens disponibles pour atteindre des objectifs qualifiés eux-aussi de ....”stratégiques”. Les managers, également, sont des “stratèges”, des “modélisateurs” de la complexité, d'ailleurs Edgar Morin ne disait-il pas que “la complexité appelle la stratégie”. Pour suggérer, à la parade, la technique de “l'intelligence stratégique de la complexité” ??? Et que répliquent les champions mondiaux d'efficacité et du pragmatisme à la nord-américaine ? Tenez-vous bien, vous n'en reviendrez pas : “la stratégie, ce n'est que de... l'exécution”. Autrement dit, parlez moins et agissez plus. Le slogan de la modernité en vogue est traduit dans le couple “Agir et Réagir”. Et rien de plus ! Et la créativité, me rétorqueriez-vous ? Ce n'est ni plus ni moins que “1% d'inspiration et 99% de transpiration”. Le Maroc a le choix entre deux stratégies dominantes dans les modes de gouvernance des entreprises : celle de la “girafe” ou celle de “l'araignée”. Les managers de la première option, “narcissiques” jusqu'aux ongles et s'appuyant sur une bande de larbins et de pions “redevables” ont tendance à centrer les organisations et l'activité des collaborateurs sur leur propre personne, occupant abusivement le devant de la scène parce qu'ils laissent croire qu'ils savent tout faire, qu'ils dirigent tout, qu'ils sont les plus beaux, les plus forts... Les managers du second scénario, aux antipodes du précédent, tissent soigneusement et fidèlement les fils des réseaux de compétences en complétant le spectre de la toile “Entreprise”. Si la “girafe” met toujours l'accent sur la hiérarchie, “l'araignée” cherche à mettre en évidence l'ensemble des membres formant le vivier des potentiels de l'entreprise. Le premier, c'est toujours le refrain “c'est grâce à moi...”; le second, c'est la chanson “c'est grâce à nous...”, chefs et salariés embarqués dans le même ...train. Coaching, dites-vous ? C'est à la mode, le coaching des chefs d'entreprise. Les spécialistes ont relevé le constat que les carences de soutien des collaborateurs par leurs supérieurs entravent le passage à un “groupe solidaire” et à une “équipe performante”. Ce qui est un handicap dans un contexte marqué par une forte compétitivité et une exigence de résultats. La “réussite d'une entreprise dépend de plus en plus de la capacité de ses managers à mobiliser, accompagner et à enrichir les compétences de leurs collaborateurs”, font remarquer les spécialistes. Pour ce faire, le manager est appelé à un saut qualitatif pour évoluer du profil d'un manager-chef à un manager-coach “éveilleur et développeur de talents, apte à concilier les nécessités de la production et l'accompagnement des compétences”. Les théoriciens définissent le coaching comme “une réponse aux nouveaux enjeux de l'entreprise et une valeur ajoutée pour les managers”. Les avantages attendus du coaching se traduisent par “Déléguer plus”, “Superviser moins”, “Faire s'exprimer les potentialités”, “Impliquer les collaborateurs”, “Développer des attitudes positives”, “Augmenter la productivité” et, en dernier lieu, “Résoudre les conflits”. L'enquête menée a relevé des impressions contradictoires sur des attitudes que le coaching s'applique à neutraliser ou à encourager. Exemples de griefs formulés par des salariés ou transitaires interrogés : “mon patron direct ne m'est d'aucun secours. Il ne m'aide en rien et ne cesse de me charger. Souvent, je suis obligé de faire le travail à sa place” ou encore “Mon supérieur ne doit pas savoir que le mot déléguer existe”. Enfin, coachez-vous vite, si vous voulez reprendre… le train en marche. Alors, épargnez-vous tous ces amalgames et tracasseries au cerveau en vous emmêlant les pinceaux ou en prenant des vessies pour des lanternes. Les managers doivent retourner à l'école de la...professionnalisation du métier de dirigeant.