Carences en micronutriments Même lorsqu'ils ont le ventre plein, une proportion inquiétante d'enfants marocains souffre de ce que le Ministère de la santé décrit comme “faim cachée“. À cause d'une alimentation peu variée, ou de l'absence de certaines composantes nutritionnelles fondamentales, ce sont non seulement les enfants, mais toute la population qui s'exposent à des complications médicales dont la plupart est facilement évitable. Les micronutriments, des composantes alimentaires retrouv-ées naturellement dans la nourriture, sont des éléments essentiels à la croissance et au développement harmonieux de l'organisme. Or - et ce malgré les efforts déployés par le ministère de la Santé au cours des dernières années - la population marocaine souffre encore aujourd'hui de carences considérables au niveau de plusieurs de ces éléments dont l'importance n'est plus à prouver. Les micronutriments qui font le plus défaut chez les Marocains, comme dans la plupart des pays en développement, sont le fer, l'iode ainsi que les vitamines A et D. “Il n'y a pas que cela, mais ceux qui occasionnent le plus de problèmes sont ces quatre [éléments]“, explique le Dr. Hamid Chekli, chef du service de santé de l'enfant à la direction de la population, au ministère de la santé. Epidémie silencieuse Les carences touchent davantage les enfants, ainsi que les femmes enceintes ou allaitantes, mais des manques importants ont été observés dans toutes les catégories d'âge. Des études ont été menées par le ministère de la Santé depuis 1992 dans le but d'évaluer l'ampleur du problème. Les résultats sont accablants. L'anémie par carence en fer, par exemple, touche 45,5 % des femmes enceintes et environ un tiers des femmes en âge de procréer et des enfants âgés de 6 mois à 5 ans. Les carences en vitamine A affectent 40,9 % des enfants de 6 à 72 mois. Selon les critères fixés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une telle prévalence suffit à placer le Maroc sur la liste des pays où la carence en vitamine A représente un problème de santé publique. “Le Marocain mange peu d'aliments naturellement riches en micronutriments“, explique le Dr. Chekli. “Le repas du Marocain, disons qu'il n'est pas bien équilibré“. À la lumière d'un tel constat, le ministère de la Santé a adopté en 2000 une stratégie globale visant à prévenir ou guérir les problèmes de santé reliés aux carences en micronutriments. Stratégie intégrée Au Maroc on procède déjà, et ce depuis quelques années, à l'administration sous forme médicamenteuse - comprimés, gélules, ampoules - de suppléments de micronutriments aux populations les plus vulnérables. Les suppléments sont donnés selon un calendrier préétabli dans le but de prévenir les complications avant qu'elles ne surviennent. La stratégie du ministère de la Santé implique aussi un volet d'éducation nutritionnelle, visant à minimiser les comportements alimentaires néfastes, et à faire auprès des populations la promotion d'une alimentation variée et de la consommation d'aliments enrichis. Ces aliments sont des produits de consommation courante (farine, huile, lait, sel, etc.) auxquels on a ajouté un ou plusieurs micronutriments. Le ministère de la Santé, en collaboration avec divers organes gouvernementaux et plusieurs membres de l'industrie alimentaire, travaille à rendre disponible sur le marché de plus en plus de produits enrichis. Le problème des carences en micronutriments n'est malheureusement pas simple à solutionner puisque ses implications sont multiples et dépendent souvent des moyens financiers limités et des mauvaises conditions d'hygiène auxquelles les familles sont confrontées. L'alimentation de la famille marocaine moyenne comporte relativement peu de viande et de poisson, explique le Dr. Chekli qui ajoute : “parce que ça coûte cher, tout simplement. Il y a un problème au niveau du pouvoir d'achat pour une grande partie de la population“. Même avec toute la volonté et les connaissances nécessaires, les familles sont souvent incapables d'avoir une alimentation suffisamment variée pour éviter toutes les carences. Carence alimentaire : frein pour l'économie? Les carences en iode réduisent les facultés mentales, alors que les carences en fer réduisent la productivité. Le ministère marocain de la Santé soutient qu'en réduisant les carences en micronutriments chez la population, un gain économique considérable serait obtenu. Des études ont démontré qu'à chaque fois qu'on augmente le taux d'hémoglobine (substance qui fixe l'oxygène et donne au sang sa couleur rouge), on obtient une amélioration de la productivité chez les travailleurs anémiques. La valeur économique des résultats de la lutte contre les carences en micronutriments dépasserait le coût des mesures requises. Selon la Banque mondiale, les pertes économiques engendrées par les carences en micronutriments pourraient attendre jusqu'à 5% du produit intérieur brut (PIB) dans les pays en voie de développement. Au Maroc, on estime que la carence en fer à elle seule engendre un manque à gagner annuel de 2 milliards de dirhams.