Opération Nova Ils sont treize à avoir été arrêtés le vendredi 29 octobre par la police espagnole. C'est la suite de l'opération Nova commencée le lundi 19 octobre quand le Juge Garzon a déjoué une tentative d'attentat contre le siège de l'Audience nationale espagnole. Les juges Juan Del Olmo et Baltazar Garzon sont devenus d'un coup les deux cibles mobiles des islamistes radicaux d'Europe. Déjà un total de 30 détenus en une semaine dont la moitié est issue des prisons espagnoles où ils ont été écroués pour délit de terrorisme. Quatre nouveaux Marocains qui s'ajoutent aux trois de la semaine dernière. Un total de sept islamistes radicaux, tous connus des services de police pour avoir fréquenté des groupes suspects ou purgé des peines de prison pour trafic de drogue. L'opération a eu lieu vendredi matin 29 octobre à Madrid. Cinq islamistes écroués ont déjà fréquenté les prisons espagnoles pour des délits liés au trafic de drogue. L'un des cinq est un Marocain qui avait célébré au lendemain des attentats de Madrid le 11 mars 2004, la tuerie d'Atocha en invitant tous ses compagnons de cellule à un café. Il s'agit de Mostapha Zniber. Les différents suspects ont tous fait au moins un passage par des prisons comme A Lama, Nanclares de Oca et la Gaditana de Puerto de Santa Maria. En une semaine, c'est un total de 7 Marocains tous issus des prisons et qui avaient déjà été pistés par le juge Garzon. Le cas Mostapha Zniber Mostapha Zniber est un sacré numéro, très connu des services de police et de la direction des prisons en Espagne. Pour ce Marocain, très violent et enclin aux dérapages, le passage par la prison de Nanclares de Oca avant son transfert au pénitencier d'Alavés, a été émaillé de plusieurs événements désormais inoubliables pour ses codétenus. Non seulement c'est un fomenteur de grabuges et autres mutineries, mais il est aussi crédité d'un tempérament de leader-né. Sa radicalisation a suivi un chemin des plus habituels: fréquentation d'islamistes, soutien inconditionnel à ses “frères musulmans”, proposition de ligne de conduite et endoctrinement en douce eu égard à son caractère belliqueux. On lui connaît au moins une dizaine d'anicroches avec les gardiens de prison sans compter les multiples bagarres où il a été l'un des prisonniers les plus turbulents, les moins contrôlables et les plus agressifs. Il en voulait à tout le monde “ pour des raisons qui étaient évidentes pour lui. Son passage au radicalisme a été renforcé par ses points de vue déjà très inflexibles”, souligne un responsable de la prison où il a passé quelque temps. L'un des épisodes les plus forts reste une émeute manigancée par ses soins où il a poussé certains détenus à en découdre avec les fonctionnaires. Aujourd'hui, son cheminement correspond parfaitement à ceux de tous les autres détenus qui se sont d'abord fait la main en vendant de la drogue avant de réussir le grand virage islamiste. La piste GIA Sur treize arrêtés, neuf sont d'origine algérienne. Avec les quatre de la semaine dernière, cela porte le nombre à 13 activistes d'obédience GIA qui sont les piliers d'une mouvance en groupes et groupuscules actifs en Espagne depuis au moins dix ans. Selon une source policière, les groupes liés au GIA ont été formés à partir de 1995. La même date du passage au premier plan d'Imad Eddine Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah, chef de la cellule espagnole d'Al Qaïda. Inculpés tous pour liens directs avec la cellule qui avait planifié l'explosion du siège de l'Audience nationale espagnole, ils seront interrogés mardi 2 novembre par le juge Baltazar Garzon, qui a déjà à son actif une grande première opération, nommée Dàtil. L'actuelle Nova est déjà perçue en Espagne par les milieux policiers comme une suite logique : “sauf que cette fois, ce sont les Algériens qui sont les plus en vue. Alors que pour Dàtil c'étaient surtout des Syriens et des Marocains”. Mais durant cette opération Nova, ce sont tout de même sept Marocains qui sont impliqués directement dans cette préparation de vengeance comme l'appellent déjà certains policiers proches de l'affaire : “on savait que les deux juges antiterroristes allaient faire l'objet d'un tel plan de vengeance. C'est normal tout comme on sait aujourd'hui que le 11 mars a été en quelque sorte une vengeance pour tous les radicaux arrêtés par le juge Garzon. En éliminant Garzon et Del Olmo, ce sont deux symboles forts qui seront écartés. Cela ne peut servir que des terroristes”. Pour la police antiterroriste, le cas Mohamed Achraf, l'Algérien leader du groupe et son extradition de Suisse restent les points importants de toute cette opération. Puisque, selon les mêmes sources, Achraf est une clé qui détient beaucoup d'informations sur d'éventuels groupes dormants. Lors des arrestations, plusieurs saisies ont été faites. Pour la plupart ce sont des documents qui attestent des desseins prévus par le groupe d'Achraf sans oublier une grande quantité de bandes enregistrées sur le jihad et autres variantes sur le thème de la guerre sainte. L'ombre de Allekema Lamari L'un des Algériens arrêté a été le compagnon de cellule du chef du groupe de Leganès Allekema Lamari. Il s'agit de Shoubi Khouni qui a fait un séjour à la prison d'A Lama. Il a été arrêté et condamné en 2001 par le même tribunal qui avait jugé l'émir du groupe du 11 mars. D'autres figures du GIA sont aussi présentes dans ce groupe : Abdelkrim Bensmaïl, Mohamed Amine Akli et Bachir Belhakem. Les quatre noms cités ont fait l'objet de recherche depuis 1999 par le juge Garzon et ont été condamnés en 2001 pour appartenance au GIA. Seul Lamari a été libéré en 2002 suite à une erreur judiciaire et est resté en liberté jusqu'à son suicide à Leganès. Ce qui est atypique dans cette nouvelle opération du juge Garzon c'est que la majorité des prisonniers sont déjà incarcérés. Sur les 17 arrêtés le 19 octobre, 10 étaient des pensionnaires des prisons espagnoles. Un fait rare dans les annales de la lutte anti-terroriste qui fait dire à plus d'un que l'Espagne ne doit pas seulement faire face aux éventuels terroristes en liberté sur son sol ou de passage par l'Espagne, mais aussi contrôler le flux islamiste dans ses prisons. Comment expliquer que de toute l'Europe, c'est le seul pays où les prisons accouchent de terroristes et où des actions criminelles sont planifiées à l'intérieur des cellules par des groupes formés presque intégralement derrière les barreaux ? Le juge Baltazar Garzon qui a déjà mis sous les verrous plus de 63 activistes de la cellule madrilène d'Al Qaïda se voit du coup obligé de gérer ce groupement de radicaux dont le nombre est déjà supérieur à cent. 100 leaders sont autant de chefs spirituels qui forment des novices et préparent des générations pour le futur. Surtout que dans le tas, les milieux de la drogue qui sont pour la majorité condamnés à des périodes courtes, sortent pour prendre la place sur le terrain et font office de relais entre la prison, la mosquée et les cellules dormantes.