Maroc-Corée du Sud Les relations entre le Maroc et la Corée du Sud gagneraient à être renforcées. C'est ce qu'estime l'ambassadeur coréen qui dresse dans cette interview le bilan diplomatique et économique d'un partenariat qui se voudrait stratégique. La Gazette du Maroc : Comment évaluez-vous les relations bilatérales entre Rabat et Séoul? Jayson Park : Je tiens tout d'abord à remercier la Gazette du Maroc pour son intérêt porté aux relations bilatérales entre la Corée du Sud et votre pays. Comme vous le savez, le Maroc et la Corée ont établi des relations diplomatiques depuis 1962. Elles n'ont cessé de se développer dans tous les domaines, si bien que ces liens constituent aujourd'hui une tradition. Notre coopération se manifeste d'abord sur le plan politique. Dans les grandes instances internationales, le Maroc nous a constamment soutenus par le débat. La Corée a également toujours soutenu positivement le peuple marocain pour moderniser le pays. Ensuite, la Corée et le Maroc ont développé leurs relations de coopération sur tous les plans. Le commerce extérieur atteint un volume de 150 millions de dollars, ce qui nous paraît insuffisant. La Corée a déjà réussi plusieurs phases de décollage économique au cours des années 1960, 1970, 1980 et 1990. Durant ces dernières années, nous avons fait de l'expérience coréenne un modèle qui puisse être adapté réellement aux pays alliés comme le Maroc. Aujourd'hui, il existe trois grandes entreprises coréennes installées au Maroc, Daewoo, LG et SamSung qui représentent des investissements directs ou sous forme des sociétés mixtes. Mais jusqu'à présent, elles n'ont pas atteint leur objectif qui est de faire marcher dans la réciprocité les relations économiques avec le pays de résidence. Pour l'instant, l'ensemble des liens qui nous unissent reste très positif mais il faut encore concerter nos efforts et franchir une nouvelle étape. Depuis mon arrivée au Maroc en mars dernier, j'ai eu le plaisir de participer aux efforts humanitaires pour contribuer au secours de la région d'Al Hoceima ravagée par le tremblement de terre. C'est une contribution qui reflète la volonté, ainsi que l'amitié, que porte le peuple coréen au peuple marocain. Deuxièment, la Corée du Sud a également participé à la lutte marocaine contre le fléau de criquets qui a frappé la région du sud. Cette contribution s'est présentée sous forme de 43 véhicules d'une valeur d'un million de dollars. Cela aussi, c'est un geste amical. Enfin, depuis dix ans, mon pays invite les jeunes cadres marocains à suivre un stage professionnel de courte et de moyenne durée dans le domaine de l'informatique. Ce programme va s'accroître au niveau des effectifs. Il existe même une association qui rassemble les anciens stagiaires qui ont profité de l'expérience coréenne. Quelle est votre stratégie pour développer le volume d'échange commercial entre les deux pays? Nous pensons, effectivement, à une formule de coopération au niveau des petites et moyennes entreprises de même que le transfert de technologie que nous avons développé dans le passé en modifiant quelque peu la technologie du monde occidental et en l'adaptant aux pays en voie de développement. Le Maroc vient de lancer récemment une politique économique qui donne la priorité au secteur privé, c'est une très bonne politique pour le partenaire coréen. Y a-t-il des projets communs dans le cadre de la commission mixte ? La commission mixte ne s'est pas encore réunie. Elle sera organisée prochainement. On doit définir les nouvelles modalités de notre coopération bilatérale. Quelles sont les perspectives des relations bilatérales entre le Maroc et la Corée ? Vous savez, le Maroc est un ami très ancien de la Corée, avec lequel nous partageons les mêmes sentiments sur tous les plans. Cela explique que les perspectives de nos relations resteront toujours positives, d'abord parce que c'est un pays ami et ensuite par le biais de multiplication des échanges de visites des personnalités de haut niveau, cela peut nous aider à accéder à une nouvelle dimension dans les relations bilatérales. Est-ce qu'il y a des projets d'investissement coréens en cours d'exécution ? Je crois que le patronat marocain (CGEM) a l'intention d'inviter une délégation économique coréenne. Nos délégations économiques se sont déjà rendues à plusieurs reprises dans le passé au Maroc, mais jusqu'à présent elles ont rencontré un certain nombre de difficultés d'ordre juridique. Mais avec la politique du gouvernement marocain actuel, peut-être va-t-on faire face à ces difficultés ? Du moins je l'espère. Le Maroc est associé à l'Union européenne avec un statut particulier. Il constitue en quelque sorte une plate-forme pour le commerce triangulaire. Nous savons très bien qu'entre la Corée et le Maroc, il existe des barrières de distance et de transport. Pour l'instant, les compagnies coréennes demeurent un peu réticentes mais de plus en plus les avantages institutionnels, ainsi que la position du marché et les conditions de la main-d'œuvre leurs paraissent favorables pour l'investissement. Les deux pays partagent beaucoup de points de vue et d'intérêts sur le plan bilatéral et international. Comment la Corée réagit-elle devant la question de l'unité territoriale du Maroc ? Nous croyons que les efforts déployés d'abord par feu Hassan II et Sa Majesté Mohammed VI représentent la bonne voie. Nous espérons que le problème soit réglé par des moyens pacifiques. Nous soutenons toujours les efforts pacifiques du gouvernement marocain dans ce sens. Du confucianisme à la démocratie Que de chemin parcouru depuis la guerre de Corée (1950-53) qui a dévasté le pays : la Corée du Sud est aujourd'hui un partenaire majeur sur la scène internationale. En quelques années, elle est passée du tiers-monde au rang de pays industrialisé. Ce “miracle du fleuve Han” a permis au pays d'accueillir les Jeux olympiques à Séoul en 1988. Mais outre ce développement économique fulgurant, la Corée a bien d'autres choses à offrir : des paysages à couper le souffle, changeant à chaque saison, un riche héritage culturel et un artisanat exceptionnel, une population accueillante, fidèle à l'héritage du confucianisme et soucieuse de préserver l'harmonie sociale, attachée à l'esprit de famille, à l'éducation et à l'enrichissement personnel. La péninsule s'étend sur 222.154 kilomètres carrés, soit presque la taille du Royaume-Uni ou de la Roumanie. La surface administrative de la République de Corée s'étend sur 99.392 kilomètres carrés, un peu plus que la superficie du Portugal ou de la Hongrie et un peu moins que l'Islande. Les Coréens d'aujourd'hui seraient, d'après les démographes, des descendants des tribus mongoles qui ont pénétré dans la péninsule pendant le néolithique (5000-1000 av. J.-C.) et l'âge du bronze (1000-300 av. J.-C.). Depuis le début de l'ère chrétienne, les Coréens sont donc un peuple homogène, attaché à son identité culturelle. Au VIIe siècle, le royaume de Silla (57 av. J.-C.-935) a réalisé la première unification du pays. La Corée conserve la tradition confucianiste, que l'on retrouve exprimée dans la forte dévotion à la famille et le respect de la hiérarchie. Cette tradition combinée à la nature passionnée du peuple coréen expliquent l'esprit de camaraderie présent de l'école à l'entreprise. L'esprit de sacrifice des Coréens est, dit-on, incomparable, il s'accompagne d'un amour passionné de la nature et de l'amusement. La langue coréenne appartient au groupe ouralo-altaïque, auquel se rattache également le finnois, le hongrois, le mongol, le japonais et le turc. Tous les Coréens parlent la même langue avec différents dialectes suivant les régions. La République de Corée est une démocratie parlementaire basée sur la séparation et l'équilibre des pouvoirs. Adoptée en 1948 au moment de la création de la République, la Constitution a été révisée à neuf reprises à mesure que le pays luttait pour établir la démocratie. La dernière réforme constitutionnelle a établi l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, le mandat de cinq ans et un système d'autonomie locale pour la première fois depuis 30 ans. La révision a également permis de renforcer les pouvoirs de l'Assemblée nationale dans le contrôle des affaires de l'Etat et de l'Exécutif. Pour finir, le gouvernement s'est vu attribuer la mission de réunifier la nation.