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Mariage, le pack promotionnel: comment tomber amoureux et se marier en 30 jours…
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 07 - 2004


MRE et vacances au Maroc
Les mariages mixtes se font de plus en plus rares au sein de la communauté des Marocains Résidents à l'Etranger. Les jeunes se rabattent de plus en plus sur le Maroc pour trouver celle qui partagera leur vie. Nous avons accompagné une famille d'immigrés pour en savoir plus. Déroutant. Désopilant. Reportage...
En cette journée infernale d'été, ce n'était pas très clair dans sa tête mais il y tenait beaucoup. Il regardait droit devant lui la mer azurée de l'Atlantique, fumait sa cigarette un coup puis laissait tomber : "Je viens d'Aubervilliers. Voyez-vous, à trente ans, il faut que je me décide. Le mariage, c'est sérieux, non ?" Nous sommes à Larache, accompagnant une famille d'immigrés arrivée une semaine auparavant au bled, avec Ahmed et ses parents, sa jeune sœur Nadia ainsi qu'un cousin à eux, Mehdi (dit Médi), un joyeux gaillard qui se révélera n'en manquer pas une pour jouer le trouble-fête. Le visage bouffi et bronzé comme une carpe, les yeux noirs et profonds, Ahmed Laroussi en a fait un cas de conscience. Il sait qu'il est ici cette année pour se marier. Mais peut-être a-t-il raison d'être préoccupé. Il n'a jamais pu choisir dans sa vie. Il le sait aussi: "Mes parents sont venus cette année avec une seule idée : me caser. Ils ne veulent plus entendre parler de Florence, ma copine française, alors je me suis fait une raison…" Les dés sont jetés. Lalla Rahma, sa mère, saute sur l'occasion et parle d'authenticité et d'amour vrai. Son mari, si Mohamed, acquiesce. Elle "préfère l'odeur du pays, une femme ancrée dans nos traditions". A l'évocation de Florence, elle se lève de la table où nous prenons un thé avec les Laroussi et riposte : "Ce qu'il faut à mon fils, c'est le sang qui coule dans nos veines. C'est la pureté des traditions. C'est la tendresse d'une femme marocaine qui a été moulée dans les meilleurs canon des bonnes vieilles familles…". Son mari acquiesce encore de la tête. Le principal intéressé dans cette affaire, Ahmed, se tait aussi et file doux comme si une montagne de culpabilité l'écrasait de tout son poids. Malgré ses airs débonnaires et ses assurances, ses "j'ai fait mon choix" et "je suis sûr de moi cette année", on a vite remarqué qu'il en pinçait toujours pour Florence. Ses yeux s'étaient illuminés et son regard avait plané un instant, emporté dans de secrets souvenirs… La discussion tourne court et les Laroussi ont maintenant envie d'aller déjeuner. Nous les accompagnons jusqu'au centre-ville bruyant et anormalement empli cette saison en donnant rendez-vous à Ahmed dans l'après-midi.
Les vraies et les fausses Marocaines
L'après-midi, sous une chaleur torride qui dépasse les quarante degrés, Ahmed apparaît en short et t-shirt de plage, épaisses lunettes noires, cheveux gominés, sandales Tati. Le don Juan local est prêt pour sauter sur les gazelles du coin. Il est avec Médi qui trimbale le même arsenal avec en plus un disc-man qui le fait remuer et balancer sa tête à tout bout de champ pendant qu'il fredonne des phrases inaudibles dans une langue mystérieuse. Ahmed nous prévient : "il est souvent dans les étoiles". En faisant le tour de la ville en bagnole, une Toyota grise, le jeune beur revient de lui-même sur la discussion de tantôt. Il veut excuser sa mère pour ne pas lui en vouloir davantage. Il a déjà trouvé un compromis interne, fait de concessions louches et de fausses convictions avec sa propre image, de déclarations d'honneur tièdes vis-à-vis de sa culture et de reniement trop spontané pour être sincère d'une grande partie de soi construite en France. Pour mieux se convaincre de son destin et de l'issue amoureuse que lui concocte sa mère, lalla Rahma, suivie religieusement par son père, si Mohamed, il argumente sur la thèse maternelle. Il évoque ses potes de France qui pensent comme lui et qui ont le même problème existentiel. "Oui, mes frères, c'est un cas existentiel que nous vivons. Une femme, c'est important pour l'équilibre d'un homme, pour la stabilité dans la vie (et patati patata)" Il va jusqu'à affirmer que sa vie et sa mort dépendent aujourd'hui de cette femme qu'il ne connaît pas et n'a jamais vu, et dont il n'est même pas sûr au fond si elle sera brune ou blanche de peau et si les enfants qu'elle lui donnera feront la prière en direction de l'Est ou s'ils se signeront un jour en évoquant Jésus. Oui, son drame est là, un drame personnel répercuté en culture d'immigration par des centaines et des centaines de milliers de jeunes beurs en mal d'être. Qui ne savent pas qui ils sont, ni ce qu'ils sont venus faire dans l'imperturbable histoire des brassages des peuples en France et d'ailleurs. Qui font les frais d'un aveuglement collectif partagé et d'une digestion pesante des générations et des transmissions des modèles sociologiques. Ces enfants finissent par confondre les géographies, les mythologies avec l'histoire en fantasmant un Maroc qui n'existe pas et n'a jamais existé… Avec un certain bon sens qui étonne chez ce jeune homme cassé à l'immigration, qui confond les saints du Maroc et d'Algérie, déteste Aubervilliers où il a grandi, Ahmed prend la défense de sa mère et s'aligne rapidement contre ses propres sentiments et ses convictions profondes. Il essaie de justifier la raison culturelle au détriment du libre choix humain : "Les choses ont changé. Fini le temps où l'on parlait de mariage mixte et de double culture. La plupart de mes amis à Aubervilliers vous diront la même chose. C'est un leurre tout ça. En général c'est le Maghrébin qui efface son identité. Ce qu'il nous faut, c'est un mariage avec une vraie Marocaine." Voilà, on passera l'après-midi au bord de la plage avec Ahmed et Médi à chercher à comprendre ce que voulait dire, pour ces jeunes, une vraie Marocaine. L'expression ayant été répétée à plusieurs reprises par notre interlocuteur, nous lui demandâmes d'éclairer nos lanternes. Choqués, outrés, nous étions les seuls à l'être. Car tout semblait couler de source dans le flot de paroles de l'immigré. Selon lui, chez ses amis des Courtilières, on parle aujourd'hui, dans le groupe, de vraies et de fausses Marocaines. Il existerait donc les vraies filles labellisées fabriquées au Maroc et celles qui sont postiches, des brouillons culturelles mal abouties, des monstres hybrides qui font dans la falsification et le détournement d'identité. Quand nous demandons à Ahmed de nous décrire les fausses Marocaines, que nous peinons à comprendre, il dit : "Les fausses… (rires) ce sont d'une part celles qui sciemment font semblant de ne pas être Marocaines et adoptent tous azimuts le style de la Française. On en trouve chez nous en France et même ici dans le bled. Elles n'ont plus aucune personnalité. Ce sont les filles qui acceptent sans ciller les relations avec les étrangers et oublient complètement d'où elles viennent" Ahmed continue : "D'autre part, les fausses, ce sont aussi les Marocaines d'Aubervilliers qui renient la culture moderne et sont incapables de s'adapter. Elles sont souvent extrémistes et ne veulent pas non plus d'un mariage et d'un retour au Maroc." Et les vraies Marocaines, alors ? Comment les dénicher ? A quoi ressemblent-elles ? Qu'ont-elles de plus et où se cachent-elles ? Ahmed regarde le ciel derrière ses grosses lunettes qui le protègent du soleil et du mauvais œil. Il ne sait pas très bien comment nous répondre. Il doute un peu, cherche ses pensées, parle comme sa mère d'authenticité et de valeur familiale. Il décide d'aller piquer une tête dans l'eau froide de l'Atlantique. Il revient, puis, tranchant, nous dit : "La vraie Marocaine, c'est très facile à comprendre. C'est 70% tradition et 30% occident… Selon lui, sa future fiancée qu'il compte bien rencontrer au cours des jours qui viennent, devra contenir ce pourcentage de biculturalisme pour le convaincre définitivement. Les beurs cherchent désormais un nouveau style de vie qui contraste avec celui des années 80 et 90. Ils coïncident désormais avec la pensée de leurs parents et n'opposent plus de thèses révolutionnaires sur l'ouverture des peuples et l'entrelacs des races. Ils veulent de préférence une Marocaine moderne très à l'aise dans ses traditions et en même temps ouverte sur celles des Européens.
Petites annonces, traitées de séduction et dragues en tous genres
L'image de la femme, dans cette nouvelle génération de MRE, s'est renversée. Il aura fallu fournir très peu d'efforts avant de tomber sur des MRE qui, à l'instar d'Ahmed, cherchent à se marier. Des garçons qui rentrent au pays pour dénicher l'épouse parfaite, des filles qui rentrent cet été pour conclure avec le cousin ou l'ami rencontré l'été précédent. La majorité d'entre eux préfèrent se marier au Maroc, avec des Marocain(e)s pure souche, pour mieux retrouver l'odeur du pays, de ses femmes et ses hommes, une certaine éducation à donner à leurs enfants, une culture de leurs propres parents qui, par ricochet, se perpétuent à travers la bru ou le gendre. On croirait que les listes des candidats au mariage sont très tôt ouvertes de l'autre côté de la rive, avec des bonus, des majorations en cas de tergiversations et des packs promotionnels qui laissent les jeunes songeurs. Pourtant, ces jeunes pensent au mariage dès l'adolescence, les rêves se font et se défont au fil des rencontres, des regards et des simples sourires de la rue. C'est ce que nous confie Ahmed pendant que nous nous promenons le soir en sa compagnie, dans la fraîcheur d'une esplanade maritime. A Aubervilliers, dans la cité des Courtellières, Ahmed nous résume sa vie amoureuse : "Je ne compte plus les fois où je suis tombé amoureux. Cela va de notre voisine qui était congolaise à mon professeur d'éducation civique, une Bretonne charnue, en passant par la boulangère lyonnaise, les caissières chez Ed l'épicier qui étaient parfois d'origine maghrébines, les copines de classe et des filles de ma famille au Maroc." Et il en passe. Une quinzaine d'années, la moitié de la vie de ce paumé sentimental qui voit désormais le sein de sa mère lalla Rahma en Mathilde laiteuse et tonitruante. Avant de rencontrer Florence, qu'il décrit comme "l'amour de sa vie" et la "seule liaison qui ait tenu", Ahmed avoue qu'il a tout essayé: "Comme je voyais que ça ne marchait pas trop avec les filles de Paris, je me suis rabattu sur le quartier. J'en avais marre d'être seul. J'ai demandé conseil aux aînés qui ont, dit-on, plus d'expérience, tous m'ont dit des choses contradictoires. Je ne savais quoi faire." A vingt-sept ans, Ahmed s'en est même remis à une agence de rencontre, spécialisée dans les Maghrébins. "Je venais de travailler dans le bâtiment. Il me fallait trouver quelqu'un sinon je disjonctais. J'avais rédigé une annonce du fond de mon cœur qui disait : Ahmed 27 ans situation stable cherche âme sœur marocaine 18-23 ans pour relation sérieuse en vue mariage. Vie traditionnelle et retour au Maroc un jour ". C'était clair et reprenait assez fidèlement l'attente du jeune homme. Il a, après cette annonce, reçu du courrier, mais n'a jamais pu concrétiser son désir de stabilité. "C'étaient des filles qui ne me plaisaient pas ou qui étaient trop bcbg pour accepter une main-d'œuvre de chantier. Rien n'a collé cette année-là. J'étais dégoûté et je voyais la vie en noir. C'est terrible, frangins. Puis j'ai rencontré Florence." De trois ans son aînée, Florence était caissière dans une épicerie d'Aulnay-Sous-Bois. Simple et sans préjugés, elle avait craqué en le rencontrant le premier jour lorsqu'elle est venue vivre à Aubervilliers. Les deux amoureux s'étaient revus et avaient tissé une relation assez suivie. Il y eut des promesses, des craintes, des pleurs et des joies, dans la seule histoire authentique que nous ayons dénichée à Larache. Au bout de quelques mois, les doutes s'installèrent dans l'existence d'Ahmed.
Comment tomber amoureux et se marier en quelques jours… ?
Le lendemain de cette journée à Larache, Ahmed Laroussi nous invite à déjeuner. Il nous prévient au téléphone qu'il a le cœur gros et que sa vie va être bouleversée. Quelque chose ne va pas dans la voix criarde du jeune beur. A sa rencontre, dans un restaurant populaire de poissons, nous remarquons à ses yeux exorbités que notre interlocuteur n'a pas fermé l'œil de la nuit. Il raconte alors la soirée de la veille : "Je n'ai pas tenu le coup. J'ai parlé à ma mère. Durant plus de trois heures on a fait le tour de la question. Un mariage, c'est important qu'on le veuille ou pas. De toute manière, je n'allais pas rester célibataire toute ma vie. J'imagine mon existence en France dans la solitude. C'est mortel, frangins. Je ne vous le souhaite pas… Bref, ma mère m'a dit que de toute manière elle voulait aussi me parler d'une chose importante. Elle m'a finalement convaincu et je crois même que j'ai fait mon choix." Il baisse les yeux, plonge ses mains dans le plat de calamars, de soles et de merlans frits avant de continuer : "Ma fiancée s'appelle Mouna, elle a dix-huit ans." C'est tout. Il se tait comme s'il venait de dévoiler aux yeux du monde un terrible secret qui torturait son cœur. Il attend ensuite que nous engagions la parole, faisant preuve d'une étrange réserve et un pesant silence s'est installé entre lui et nous, entre lui et lui-même… Nous cherchons à savoir si Mouna figurait parmi ses connaissances ou anciennes relations d'Aubervilliers. Ahmed répond que non et que de toute manière, il ne l'avait vue pour la première fois qu'hier soir sur une photographie. Il explique quelque peu l'histoire de ce sortilège : "Ma mère m'a expliqué qu'une femme, c'était pour servir l'homme… Elle n'a pas d'autres missions sur terre que d'éduquer ses enfants et tenir la maison de son mari. C'est ça, une vraie femme marocaine. Je ne veux plus de Florence et de toute façon mon père n'allait jamais accepter une Française." Une autre logorrhée trouva son point de fuite : "Ma mère n'aurait pas non plus voulu d'une Marocaine trop moderne. Elle est venue cette année avec cette idée de me marier avec Mouna, qui est une lointaine cousine dans la famille maternelle. Je crois l'avoir rencontrée il y a bien six ou sept ans lors d'une fête de famille. Et puis c'est tant mieux comme ça…" Evaporés les désirs profonds de ce jeune homme, les distorsions familiales ont eu le dessus. La Marocanité d'aujourd'hui ne se mesure plus qu'à des comportements, une façon de cuisiner et de dire "bonjour" au maître de la maison. De simples codes de société érigés malheureusement en une religion, une mémoire et des repères de civilisation. Ahmed, à coup sûr, se retrouvera au point de départ dans son Aubervilliers, avec une Mouna marocanisée à souhait qui saura, certes, faire le couscous du bled et jouer l'esclave dans le ménage, mais qui donnera à coup sûr des enfants disjonctés sacrifiés sur l'autel de l'immigration, aux personnalités dédoublées entre "l'ici" et le "là-bas" et qui ne s'inséreront que difficilement où qu'ils aillent. Une tragédie grecque ? Ou marocaine ?
Des noces qui sortent de l'ordinaire
Comble de malheur pour Ahmed, il n'a plus que trois semaines pour rencontrer au moins "cinq ou six fois" sa nouvelle fiancée, qui selon les dernières nouvelles, est "ravie de se marier" même si elle n'a qu'un vague souvenir de son lointain cousin de France… Mais, en trois semaines, Ahmed Laroussi, quelque peu débordé, devra aussi s'arranger avec son cœur et ses chagrins et tomber amoureux de la créature qui paraît pas mal sur la photographie qu'il trimbale dans sa poche et qui ne le quitte plus de jour comme de nuit. Enfin, dans ce pack marathonien digne des Dieux de l'Olympe, il devra demander officiellement la main de Mouna, avec ce que cela implique comme cérémonie, et surtout organiser la grande nuit des noces avant son départ prévu fin juillet. Ahmed veut "repartir la conscience tranquille pour préparer les papiers" de celle qu'il appelle déjà à tout bout de champ "ma femme" ou pour faire ancestral ma "horma". Dans sa tête brûlée par le soleil marocain un mystérieux volte-face, inexplicable, insolite, a commencé. Ahmed tend son torse désormais en marchant et se plaît à sortir maintenant des "chez nous à Paris" et "Là-bas, elle ne manquera de rien". Il parle de sa future épouse comme d'une chèvre. Lalla Rahma que nous revoyons les jours qui suivent toute souriante et radieuse de marier son fils aîné, lance des conseils à longueur de journée : "la femme c'est comme ci, la femme c'est comme ça…" Elle aurait pu s'improviser neguafa et ouvrir une agence à Aubervilliers spécialisée dans l'importation de vierges pure race à origine contrôlée. Elle regarde sa fille Nadia, treize ans, et la bénit d'être une enfant modèle. Elle se tourne ensuite vers Médi et le sermonne d'être aussi désinvolte et de flâner dans son existence sans but ni vocation précise: "Il faut te ranger mon fils. Il faut trouver du travail comme Ahmed et te marier avec une fille de bonne famille… Tu verras, je t'aiderai, je t'aiderai à être un homme… Regarde ton pauvre père, il a passé dix ans seul en France avant que vous ne veniez le rejoindre. Tu aimes ta mère, c'est une brave femme, alors ne le fais pas pour toi et fais le pour elle… etc." Médi, souvent en vadrouille dans la Toyota familiale, n'a pas pipé mot durant tout notre séjour à Larache. Mais il se fera remarquer admirablement en s'envoyant en l'air une voisine durant la nuit du mariage de Ahmed, et c'est lalla Rahma en personne qui a découvert le pot-aux-roses. En entrant sans frapper dans une chambre de la salle des fêtes…


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