Entre Aït Idder et Raïssouni Les guerres, les populations arabo-musulmanes en ont vues de toutes les couleurs. Avec leur corollaire de pleurs et de malheurs, à telle enseigne que les affres des hostilités sont devenues concomitantes aux civilisations qui se sont succédé dans cette vaste zone géographique, de l'Atlas à l'Himalaya. Les exemples sont légions, les appellations aussi. Aussi bien les populations que les circonstances ont excellé dans l'onomastique des dites guerres et hostilités. Résultat : nous sommes la seule civilisation, peut-être, qui a une guerre du “chameau”, une autre de “bassous” et une troisième des “deux rangs” et ainsi de suite. Jusqu'à la guerre des guerres : la mère de toutes les guerres. Là, au moins, on s'est départi de notre machisme. Il ne manquait qu'une guerre, celle des “ablutions”. Et elle vient d'avoir lieu. Instructif : la dernière des belligérances vient d'éclater, depuis à peine une semaine, opposant deux parties diamétralement opposées, comme il se doit d'ailleurs dans pareil cas, de notre vie nationale. Le premier des deux antagonistes se positionne à l'extrême de la scène locale. L'autre, le deuxième, est quant à lui à l'extrême du passé national. Vous l'avez remarqué et c'est bien vu : le duel gauche contre passé relève d'un antagonisme inapproprié et, surtout, illogique. Au lieu d'une gauche qui en découd avec la droite, le passé avec le présent, nous nous trouvons devant une équation qui fait table rase du présent. Et pour cause : la contradiction est ici anachronique. Donc, intemporelle. De quoi s'agit-il précisément ? Tout a commencé jeudi 6 mai. Ce jour-là, l'hebdomadaire “Al Ayyam” a publié une longue interview avec l'ex-secrétaire général de feu l'OADP (Organisation de l'action démocratique et populaire), puis président élu de la GSU (gauche socialiste unifiée). Mohamed Bensaïd Aït Idder, car c'est de lui qu'il s'agit, y a révélé le fond de sa pensée. A propos du Maroc d'aujourd'hui et à venir. Mal lui a pris d'appeler les “islamistes à entamer une révolution religieuse autonome et de plein gré, à l'instar, dit-il, du mouvement protestant”. Un Luther King musulman pour un Islam des lumières. Peut-être… Une idée qui, faut-il le rappeler, a effleuré pas mal d'esprits, y compris ceux des modérés parmi les chercheurs et les docteurs de foi. Rien de plus normal. Sauf que le secrétaire général, toujours spontané, y met une touche finale : “que les islamistes campent sur leurs positions, et restent donc indéfectiblement liés à ce qui les oblige à refaire leurs ablutions, là c'est un sous-développement”. Certes, Bensaïd en a eu d'autres bonnes à lancer, mais cette phrase-là a provoqué Ahmed Raïssouni. Piqué au vif, il ne tarda pas à réagir. L'occasion, sa chronique hebdo sur les colonnes d'“Attajdid” du 12 mai 2004. Indigné, le chef démis de la présidence du MUR (Mouvement de l'unification et de la réforme), dans les circonstances désormais connues, s'est demandé, non sans colère : “que veut dire : appeler ces gens-là (les islamistes s'entend) à ne plus rester toujours cramponnés aux ablutions et ce qui les “défait ?” “Est-ce un appel à l'abandon des ablutions ?”. S'ensuit alors une leçon, en bonne et due forme, sur le culte et les ablutions. Avec les “impuretés” qui obligent les fidèles à refaire les ablutions. Y compris bien évidemment ce que “le corps humain rejette” et, “est sale et pollué”, au… menu ! Quel enseignement tirer de ce cours (d'eau ?) élémentaire ? Il ne fait aucun doute que les Musulmans monsieur tout le monde, ceux qui vivent sereinement leur Islam, ont saisi l'ablution, sans pour autant apprécier sa perfidie. En clair, c'est la réponse du fqih au fqih. Message: “il faut revoir sa connaissance en matière d'ablutions et des-ablutions” ou encore : “il en a tant besoin. Sans oublier le mot de la fin : “les paroles (de Bensaïd) l'obligent à refaire ses ablutions”. A Mohamed Bensaïd d'en conclure ce qui lui sied. Quoi qu'il en soit, la conclusion ne saurait être “propre”. Une question, cependant, qui ne manquera pas de “tarauder” le lecteur moyen. A quoi sert une guerre, entre deux sages du pays, deux notables parmi les notables, où la pomme de discorde sont les ablutions ? Une chose est sûre : cette guerre ne saurait être que “sale”. Au propre : non au figuré. S'y “mettre”, éclaboussera tout le monde. C'est la bonne voie pour répondre aux attentes des simples et autres quidams ? Loin s'en faut. Deuxième certitude : l'histoire en rappellera sûrement une autre plus ancienne. C'était au temps pré-protestantiste. Résumé : Mohamed, dit le conquérant, assiégeait, pour la détruire, Constantinople : les hauts dignitaires religieux, les ecclésiastiques d'alors, se plaisaient, sans inquiétude aucune, à se poser les questions : quel est le sexe des anges ? Combien d'anges peuvent jouer les trapézistes sur une aiguille ? Sans oublier bien évidemment “les insanités et autres mauvaises odeurs” qui peuvent, ou non, émaner des êtres célestes ? On s'attendait à mieux, à plus profond. Les deux personnalités le pouvaient. Mais hélas ! C'est “Annawaqid” qui ont pris le… dessus. Pire, ce débat “indigent” a coïncidé avec l'anniversaire du 16 mai. (Tout un symbole… !). Il serait donc difficile, ou sinon très difficile, de convaincre les jeunes qu'il y a une corrélation quelconque entre les ablutions et… l'agenda politique du Maroc post-16 mai. Le Maroc du 3ème millénaire. Simple suggestion. Pourvu que les jeunes lui trouvent une réponse, pas tellement surannée. En fait, qui est celui qui a dit “si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ?”.