Conseil de l'Union européenne “Très choqués par les attaques terroristes à Madrid”, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne réunis les 25 et 26 mars courant à Bruxelles ont pris l'engagement de remédier aux principales lacunes de la coopération antiterroriste au niveau européen, à savoir le manque d'échanges entre les services de renseignement, de police et de justice de l'UE, et les retards dans la concrétisation des instruments existants depuis le 11 septembre 2001. Deux nouvelles structures de coordination seront par ailleurs mises en place. Depuis les attentats de Madrid, je me sens différent, je ressens avec davantage de force la nécessité d'être unis face à la menace terroriste…”, a lancé le président de la Commission européenne Romano Prodi appelant les Etats de l'UE à utiliser toutes les ressources “techniques et humaines” pour atteindre l'objectif final de “l'éradication complète du terrorisme, ni plus ni moins”. Il a insisté sur la nécessité de cultiver de meilleures relations avec les pays partenaires de la Méditerranée : “nous souhaitons collaborer avec les pays méditerranéens, il n'est pas question de les forcer ou de leur faire pression. La coopération que nous souhaitons ne sera en aucun cas contraignante (…) nous n'allons d'ailleurs que mettre en réseau des rapports déjà existants”. Un sursaut d'intérêt exprimé notamment par Bertie Ahern, premier ministre irlandais et président en exercice du Conseil de l'Union européenne : “Nous disons à nos partenaires : l'UE vous aidera à mettre sur pied toutes les mesures nécessaires pour combattre le terrorisme. Ceci est un engagement politique de notre part”. En réponse à une question de la presse sur le risque d'amalgame entre terrorisme islamiste et citoyens de confession musulmane, le président du Conseil a assuré : “il ne peut y avoir aucune forme de discrimination à l'égard des citoyens musulmans dans notre lutte. Celle-ci se fera dans le respect total des droits de l'Homme”. Dans un esprit de solidarité, la déclaration finale adoptée par le Conseil européen des 25 et 26 mars précise : “les Etats membres et les pays adhérents agiront conjointement dans un esprit de solidarité si un Etat membre est victime d'une attaque terroriste. Ils mobiliseront tous les instruments à leur disposition, y compris les moyens militaires”. La réalité est que la volonté politique de coopération au niveau européen se heurte à de fortes réticences des services secrets de la plupart des pays membres à sortir du cadre de la coopération bilatérale pour passer au multilatéral. “Nous devons mettre fin à la culture du secret qui entrave notre action… Celle-ci ne peut être justifiée en ce moment” s'est indigné Romano Prodi, à l'instar du ministre espagnol de l'Intérieur Angel Acebes, qui avait déclaré lors du conseil JAI (justice et affaires intérieures) qu'“il n'est pas possible que les terroristes n'aient pas de frontières, mais que les services de police, de justice et de renseignements en aient à l'intérieur même de l'Union européenne”. Utiliser les instruments déjà existants Une autre lacune de la coopération antiterroriste consiste dans les importants retards de la mise en œuvre par tous les Etats des instruments déjà existants depuis les attentats du 11 septembre 2001, mais qui sont restés quasi-gelés. Il s'agit entre autres d'Eurojust et Europol (offices européens de justice et de police) censés être des centres d'échanges d'informations entre les services de la justice et de la police de tous les Etats membres. Il sera également question de passer à l'acte concernant les décisions sur le gel des avoirs des terroristes. Dans ce sens, le Conseil devra arrêter des mesures pour identifier les détenteurs et bénéficiaires des comptes en banque en Europe. Le Conseil européen va aussi adopter une base de données des personnes condamnées pour terrorisme (une liste à laquelle s'ajouteront d'ailleurs les noms des Marocains impliqués dans les attentats de Madrid, a précisé un porte-parole de la commission européenne), de même qu'une base de conservation des données que les opérateurs de téléphone et d'Internet seront dorénavant dans l'obligation de conserver. Ces deux propositions devront être adoptées par les 25 (les 15 pays de l'UE actuelle plus les 10 pays adhérents) d'ici juin 2005. Pour sa part, le commissaire chargé de la justice et des affaires intérieures, Antonio Vitorino, a envisagé que le fichier Eurodac (qui rassemble les empreintes digitales des demandeurs d'asile au niveau européen) puisse être consulté par les services de police. Chose qui n'était pas envisagée au moment de sa création en 1999. Le Conseil JAI s'était auparavant exprimé pour l'introduction anticipée des données biométriques dans les passeports et les visas des citoyens provenant des pays tiers, qui serait adoptée en juin. Mais avant le mois de mai, l'UE à 25 déciderait de la création de l'Agence européenne des frontières. Celle-ci fonctionnerait à partir du 1er janvier 2005 en collaboration avec les voisins méditerranéens de l'UE, notamment le Maroc. Par ailleurs, les Etats membres se sont engagés à approuver d'ici le 1er mai la proposition de directive sur l'indemnisation des victimes du terrorisme, dont les fonds parviendront du budget communautaire. En annexe, la déclaration finale du Conseil européen réaffirme sept objectifs du plan d'action européen de lutte contre le terrorisme. On retiendra la coopération internationale, la lutte contre le financement du terrorisme, sécurité du transport international, lutte contre les racines du terrorisme et la coopération avec quelques pays prioritaires. Le Maroc en fait incontestablement partie. Bruxelles, Conseil européen Lamia Bouzbouz