Quelques centaines d'hommes, de femmes et d'enfants d'Aïn Chebik sont descendus dans la rue pour rendre hommage au policier mort durant l'assaut dimanche 25 janvier dernier, dénoncer le terrorisme et rappeler que leur quartier a toujours été calme et tolérant. Ce n'était pas un jour normal, ni une manifestation banale que l'on voyait poindre spontanément dans le quartier défavorisé de Meknès, et c'est en grand nombre que les habitants de hay Aïn Chebik de Borj Moulay Omar sont descendus dans la rue en fin de journée, mercredi 28 janvier dernier. D'abord deux centaines de manifestants qui deviendront trois fois plus nombreux à la fin de leur déambulation dans les grandes avenues du quartier. Vers 17 heures, les premiers rangs de la manif se sont formés à l'endroit même où la fusillade avait eu lieu entre les policiers et gendarmes venus en renfort et les quatre terroristes qui essayaient de fuir. C'était un point de départ symbolique, sur la place où le policier Khalid Mansouri est tombé après avoir reçu une balle au ventre, sur l'esplanade où les rêts de l'assaut s'étaient refermés autour des terroristes, une ultime fois. Et c'est bien là que tout avait commencé : “nous sommes à quelques mètres de la maison où ont vécu ces dernières semaines Bouarfa et Hanouichi. Nous, habitants de hay Aïn Chebik, voulons récupérer notre espace, notre quartier, l'esprit de tolérance qui y règne depuis toujours et nous le faisons aujourd'hui à travers un geste simple, nous manifestons”, déclare ce jeune garçon qui marche avec détermination avec les autres habitants du quartier. Car l'une des choses que veulent aussi dénoncer les manifestants, c'est la fausse idée qui s'est répandue sur le quartier d'Aïn Chebik après le démantèlement du groupe de Abdelwahab Rebae. “C'est faux que notre quartier soit intégriste, dit ce père de famille. Il n'y a pas de terroristes chez nous, mais des familles honnêtes qui cherchent à gagner dignement leur vie… Les membres de la Salafiya qui ont été arrêtés ici avaient loué une maison depuis une vingtaine de jours. Personne ne les connaissait et je peux vous jurer qu'on ne les voyait jamais… On a appris par la suite qu'il y avait des gens recherchés qui habitaient chez Lalla Fatma Kaser. C'est une vieille femme aveugle qui ne sait rien de rien. C'est son fils, Khamar ben Mohamed Bahlouli, qui a loué la maison aux amis de Abdelwahab Rebae”. Khamar ben Mohamed Bahlouli a aussi été arrêté dans la foulée par la police. Il doit répondre aujourd'hui devant la justice de ses supposés liens avec ces hommes. Un autre gars laisse entendre : “ces terroristes n'étaient pas des ouled derb. Personne ne se doutait de leur présence avant la fameuse nuit du dimanche. Bouarfa et Hanouichi ont grandi à hay Atlas, de l'autre côté de la ville. Il ne faut pas associer ces gens aux jeunes d'Aïn Chebik”. D'un autre côté, les habitants du quartier ont tenu à rendre hommage au policier tombé pendant l'exercice de ses fonctions lors de la fusillade. Les slogans portés par les manifestants n'ont pas oublié la mémoire de ce jeune homme sacrifié sur l'autel de la criminalité. Et c'est un vibrant témoignage que lui ont rendu les habitants en scandant son nom pour se rappeler son image : “je l'ai vu tomber, à l'aube. Il a porté ses mains sur son ventre, a fait quelques mètres et s'est effondré devant l'entrée d'une maison. Je ne l'oublierai jamais car je sais que c'est dur d'être policier. C'est dur de risquer chaque jour sa vie…”, dit un voisin de la place. Le sentiment chez les confrères de Khalid Mansouri est plus poignant. Cet officier gradé qui accompagne la manifestation nous déclare que “la police est fière d'avoir donné un de ses enfants pour la cause nationale”.