Dialogue social : accords du 30 avril Alors que la plupart des revendications des différentes catégories de fonctionnaires ont été satisfaites, le dossier épineux des administrateurs bloque l'application intégrale des accords du 30 avril. Quelle logique prévaudra-t-elle face aux contraintes budgétaires et aux autres urgences sociales dans le pays ? Fin d'année plutôt décevante pour Driss Jettou qui pensait avoir fait le maximum pour satisfaire les demandes des différentes catégories de fonctionnaires mais qui n'a pu boucler le cycle des négociations avec les syndicats face aux exigences jugées “excessives” de ces derniers. Pour le gouvernement, les “surenchères” des différentes centrales syndicales entravent le dialogue social et ne tiennent pas compte des limites budgétaires et des priorités sociales d'autres catégories sociales plus nécessiteuses. Tout semblait cependant aller pour le mieux. Prenant la suite du dialogue entamé sous le gouvernement Youssoufi, les négociations relancées par Jettou visaient à “apurer” les revendications du plus grand nombre de catégories de fonctionnaires. Au cours de réunions-marathon les 23 et 26 décembre dernier, la plupart des dossiers relevant des accords tripartites du 30 avril 2003 ont été bouclés. Un dossier très épineux est resté en suspens, constituant une pomme de discorde, provoquant l'irritation des uns et le raidissement des autres. Il s'agit, essentiellement, de la question de l'alignement des salaires des administrateurs (et assimilés) sur ceux des ingénieurs. On sait que cette revendication avait fait l'objet de mouvements de grève et de sit-in ainsi que d'âpres discussions entre le gouvernement et les syndicats sans qu'une issue soit trouvée. Dialogue de sourds ? Les syndicats protestent contre “l'inégalité de traitement entre fonctionnaires” et réfutent “la logique d'une rémunération différente pour une même échelle”. Plus globalement, c'est l'ensemble du régime des salaires dans la fonction publique qui se trouve mis en cause. Limites budgétaires Pour le gouvernement, il n'est ni logique ni juste de vouloir assimiler les administrateurs aux ingénieurs. Il veut lever le malentendu concernant les diplômes, puisque, selon lui, le diplôme à lui seul ne crée pas un droit à occuper tel poste ou telle catégorie. Comme c'et le cas pour les enseignants, la promotion grâce aux diplômes obtenus en cours de carrière est supprimée au profit de la promotion par ancienneté ou suite à un examen d'aptitude professionnelle. Le gouvernement a proposé d'aligner les indemnités des administrateurs sur celles des enseignants, suite au nouveau statut accordé à ces derniers par le gouvernement d'alternance et qui est entré en vigueur en février 2003. Cette homologation avec le corps enseignant est, pour le gouvernement, plus plausible et plus objective. Sinon il faudrait aligner les enseignants aussi sur le corps des ingénieurs. Ce qui se traduirait alors par un véritable cataclysme budgétaire. En fait, ce sont les considérations budgétaires qui constituent le principal obstacle. L'augmentation proposée par le gouvernement aux 41.000 administrateurs serait de l'ordre de 22 à 26 %, soit un montant brut mensuel variant de 1.050 à 3.400 dirhams (entre 805 et 1.019 dirhams net). Les syndicats réclament avec l'alignement sur les ingénieurs une augmentation de 60 %, soit un montant brut mensuel variant de 1.200 à 5.900 dirhams (916 à 3.500 dirhams net). L'enveloppe budgétaire de l'augmentation proposée s'élève à 800 millions de dirhams alors que celle demandée par les syndicats atteindrait 1,5 milliard de dirhams. Si on devait l'étendre aux enseignants, il faudrait alors la porter à 3,5 milliards de dirhams. Apparemment peu sensibles à ces arguments d'ordre logique et budgétaire, les administrateurs ont estimé que la proposition visant leur alignement sur le corps enseignant est “discriminatoire”. Le mardi 30 décembre dernier, les quatre centrales syndicales (UMT, CDT, FDT, UGTM) et la Fédération des associations des administrateurs de la fonction publique (FAADAP) ont, dans un communiqué conjoint, rejeté la proposition gouvernementale. Ils maintiennent la revendication d'une égalité de traitement avec la catégorie des ingénieurs. Ils demandent aussi la prolongation au 31 décembre 2003 du délai fixé pour “la promotion exceptionnelle” (au lieu de juillet 2003) ainsi que l'institution d'un grade “d'administrateur général” au lieu de considérer celui-ci seulement comme une fonction, comme le prévoit le gouvernement. Propositions objectives Toutefois selon le ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la solidarité, “la proposition du gouvernement est objective et laisse la porte ouverte aux négociations”. L'accent est mis sur la nécessité d'opter pour un “compromis” qui tienne compte d'une perception réaliste des moyens et des contraintes de l'Etat. On rappelle à cet effet que le coût des augmentations accordées aux différentes catégories est déjà très élevé. En effet, les augmentations des bas salaires (échelle 1 à 6), des salaires des catégories moyennes (échelle 7 à 9), ainsi que celles des rénumérations des enseignants et enseignants-chercheurs, des techniciens, des informatistes, des informaticiens, des administrateurs, des personnels de sécurité, des magistrats ainsi que les promotions exceptionnelles atteindraient un total dépassant les 4,5 milliards de dirhams. Ce montant est très élevé si on devait le comparer au milliard de dirhams à peine qui a pu être dégagé pour financer les programmes d'habitat social. Les augmentations accordées aux fonctionnaires vont, de plus, surtout alimenter le déficit budgétaire puisque la loi de Finances a déjà été votée. Face aux “exigences inconsidérées” des corporations de fonctionnaires, on rappelle que le gouvernement est aussi celui des autres catégories sociales qui ont des besoins très pressants et sont loin de bénéficier des mêmes conditions. La nécessité d'une plus grande conscience des priorités sociales et de la solidarité avec les couches les plus défavorisées est rappelée avec insistance. Alors que la masse salariale de la fonction publique atteint 54 milliards de dirhams, le budget d'investissement est à peine de 18 milliards de dirhams, ce qui, en réalité, est au détriment des autres catégories. Au moment où la réforme de l'administration reste lettre morte et où la contrepartie attendue des fonctionnaires et des enseignants concernant la qualité de leurs prestations reste problématique, on ne peut rester indifférent face aux limites budgétaires et à la nécessité d'une plus juste répartition des ressources publiques dans le pays.Le dialogue social gagnerait à être plus transparent et mieux connu et évalué par l'opinion publique.