Loi sur les partis La session parlementaire est appelée à étudier le nouveau code sur les partis politiques. Un code marqué, on s'en doute fort, par le contexte issu de l'après-16 mai. Les mesures de régulation que le nouveau projet apporte tiennent à la fois aux notions consacrées par la constitution, sur la liberté, et aux nécessaires réglages pour un bon fonctionnement du champ politique national. Dans son discours d'ouverture de la session parlementaire, S.M le Roi a appelé à l'étude de la nouvelle loi sur les partis politiques. Une loi qui est appelée à réguler un champ politique en pleine effervescence, en pleine période de remises en cause. L'effet du 16 mai n'a pas encore été correctement digéré et les retombées des attentats sont toujours en gestation. De quelle loi s'agit-il au fait ? Le gouvernement d'alternance mené par Abderrahman Youssoufi avait ouvert le chantier de réforme dans ce domaine. Deux projets avaient été soumis à l'appréciation et à l'approbation du Cabinet d'alors, l'un émanait du département de l'Intérieur et l'autre de celui des Droits de l'Homme. Ils datent tous deux de l'été 2001. Ce chantier n'a pu arriver à terme et ce pour plusieurs raisons, dont notamment la recherche de compromis, voire de consensus entre les diverses formations et sensibilités politiques. La donne a tellement changé aujourd'hui. Et l'après-16 mai pèse de tout son poids. D'autant plus que le scrutin de liste au plus fort reste, adopté pour les dernières élections communales, a montré une fois de plus que le champ politique doit être régulé et ce, de façon rationnelle à même de mettre un terme à un libéralisme qui rime avec émiettement. Aussi, est-il urgent aujourd'hui de procéder à un recadrage global qui mette en valeur les notions de liberté reconnues par la constitution et celles d'efficacité et de bonne conduite que sous-tendent les textes réglementaires auxquels la constitution fait allusion. En d'autres termes, la nouvelle législation sur les partis doit mettre en place les conditions nécessaires qui garantissent un meilleur usage des principes de droit à l'organisation et à la création de partis politiques. Des conditions qui ne sont pas fatalement restrictives. Mais ce sont les restrictions que peut comporter le nouveau code qui font jaser aujourd'hui. Peut-on légiférer de manière démocratique, sans atteinte aux droits en période de crise ? C'est que les observateurs relèvent de manière récurrente que la législation en gestation mettra un frein à l'avancée du PJD notamment et surtout après ses scores lors des dernières élections législatives et communales. C'est ce qui ressort d'ailleurs d'un article publié dans le journal Attajdid, proche du parti islamique, du 20 octobre qui insiste sur les mesures restrictives qui risquent de bloquer la marche démocratique du pays. Au fait c'est tout le statut de la mouvance islamiste qui est mis en cause. Ils s'agit en effet de normaliser la vie politique nationale en mettant pratiquement hors-la-loi la propagation de la culture de la haine, du désordre, du racisme: elle doit être combattue parce qu'elle n'est qu'une idéologie déstabilisatrice, se couvrant du manteau de l'Islam. Le projet interdit la création de toute formation politique sur la base de différences religieuses, régionales ou ethniques. Pour le politologue Mustapha Shimi "la réforme du statut des partis politiques est nécessaire et elle n'a que trop tardé d'ailleurs. Elle doit légiférer pour renforcer ces institutions et consolider dans leurs rangs une nouvelle culture fondée sur la démocratie et la légalité. Mais pour autant, elle doit sans doute se garder de prendre la forme d'une législation d'exception répondant aux exigences d'une conjoncture particulière. Ce que l'on sait c'est que l'expérience comparative devrait inciter à mieux évaluer le risque des effets pervers d'une législation par trop "sécuritaire", pleine de bonnes intentions démocratiques et civiques, de foi réformiste ou même d'ardeur moderniste et démocratique…". Jusque là, le statut des partis relevait du régime du code des associations de 1958, les pouvoirs publics entendent séparer le volet sur les partis du reste et ce sur la base d'un certain nombre de principes. "Le premier d'entre eux a trait au respect d'un socle fondamental de référence incluant le bloc de légitimité constitutionnelle (Islam, monarchie) mais aussi des valeurs constitutives de la société (intégrité territoriale, langue officielle, droits de l'Homme et libertés) et des formes d'action (interdiction de la violence, de la discrimination raciale et de l'exclusion sous toutes ses formes)". Quelles innovations apporte le projet en discussion actuellement ? D'abord, la nouvelle loi institue des règles pour minimiser la formation de nouveaux partis qui font généralement suite aux scissions et aux divergences à l'intérieur des partis existants. En effet, la déclaration de constitution d'un parti doit être dûment signée par 1.000 membres fondateurs répartis dans la moitié au moins des 16 régions du Royaume. De plus, les assises du congrès constitutif doivent réunir au moins 3.000 personnes de l'ensemble des régions. La loi veut donc instiller une nouvelle culture partisane qui tourne le dos aux pratiques bien connues du clientélisme et de la cooptation -familiale ou autre- qui marquent un certain mode de fonctionnement. Pour ce qui est de la suspension ou de la dissolution des partis, de nouvelles règles sont proposées. Le projet prévoit que la demande de constitution d'un parti doit être désormais déposée non plus auprès du Procureur du Roi territorialement compétent mais au siège du ministère de l'Intérieur. "Cette formalité n'a qu'un caractère déclaratoire; elle ne vaut pas reconnaissance juridique du parti. Celle-ci n'est en effet établie que sous certaines conditions : la justification de la tenue du congrès constitutif dans un délai d'un an : le dépôt des documents officiels dudit congrès, le ministère de l'Intérieur disposant de 30 jours pour signifier l'officialisation de cette constitution.", relève-t-on. L'autre grande nouveauté concerne le financement. Il s'agit d'instaurer la transparence. Le projet prévoit que toutes les sommes reçues d'un montant supérieur à 20.000 dh soient versées par chèque. Il fallait trouver une solution à la question de la "traçabilité" de l'argent. Voilà qui fut fait alors que la subvention de l'Etat sera publique, sur la base des voix recueillies par les partis politiques lors des élections. La nouveauté d'ordre politique qui a été instituée par le nouveau projet concerne la démocratie interne. Celle-ci doit être assurée tant au niveau des instances nationales que régionales et locales, elle impose que la désignation des candidats du parti aux différentes élections soit faite conformément aux règles et aux principes démocratiques. La question qui se pose est de savoir comment va-t-on procéder pour ce respect de ces règles de la démocratie sans qu'il y ait plainte de membres lésés? Autrement dit, si les membres du parti ne font pas mention d'irrégularités. La saisine est ouverte au parquet lorsque les dispositions des articles 3 et 4 n'auront pas été respectées (atteinte aux institutions et aux valeurs sacrées ou à l'unité du corps social), mais elle l'est également à tous ceux qui feront la preuve de leur intérêt à agir. Dans les cas d'extrême urgence dictés par d'impérieuses et légitimes nécessités de préservation de l'ordre public, le ministre de l'Intérieur peut prendre des mesures restrictives (interdiction de toute activité ou de toute réunion voire suspension provisoire) d'une durée d'un mois. Avec le nouveau code, le paysage politique marocain saura-t-il pour autant se mettre à niveau ? Parce que la véritable question qui se pose est justement de savoir si nos formations politiques sont à même de répondre aux exigences d'une situation où ce ne sont plus uniquement les facteurs internes qui sont déterminants mais aussi et parfois surtout les réglages internationaux qui prédominent. La lutte contre le terrorisme transcende les clivages internes et impose des ajustements au niveau des lois locales. Celle sur les partis en fait partie.