Révision du prix du pain Le ramadan se passera sans hausse du prix du pain. Mais les boulangers ne comptent pas revenir sur leur décision et dès la première semaine, une augmentation de 9% sera opérée. Lahoussine Azaz, qui préside le syndicat, explique les raisons de la grogne. Depuis plusieurs années,les boulangeries vendent en perdant 12 centimes sur la baguette de 200 g. La hausse était prévisible. Elle était même dans toutes les conversations des professionnels boulangers et pâtissiers. Sur recommandations du Souverain lors du Conseil des ministres qu'il a présidé juste avant de s'envoler pour l'Indonésie, il n'y aura aucune variation de prix durant le mois sacré de Ramadan. Cependant, les boulangers affirment ne plus pouvoir vendre à perte et confirment qu'ils ne reviendront pas sur leur décision. Donc, dans la dernière semaine de novembre, les ménages devront débourser respectivement 10 et 20 centimes supplémentaires pour l'achat de la baguette de pain de 200 g et 400 g, aujourd'hui vendus à 1,10 DH et 1,70 DH. Ensuite tous les trois mois, 10 centimes s'ajouteront sur le prix du trimestre précédent jusqu'à atteindre un prix de 1,50 DH pour la fameuse parisienne de 200 g. Le syndicat national unifié des patrons boulangers et pâtissiers (SNUPBP) s'est réuni mardi 14 octobre 2003 avec Abderrazak El Mossadeq, ministre des Affaires économiques et générales et de la mise à niveau pour débattre du sujet. Il semble que les autorités soient favorables à cette hausse. C'est Lahoussine Azaz, président du SNUPBP, qui l'affirme. Toutefois, dans le communiqué de la Primature, le Gouvernement a choisi d'user d'un langage qui ne l'engage pas dans cette hausse éventuelle. En lieu et place d'un consentement express, le communiqué parle d'un accord pour "surseoir à l'augmentation et de maintenir inchangé le prix du pain" sans donner de date précise à laquelle devrait intervenir la hausse. Il évoque simplement "une autre réunion devant se tenir sur le même sujet après le mois de Ramadan". Pourtant, le consentement du Gouvernement et plus précisément celui du ministère des Affaires économiques n'a jamais constitué une obligation pour les boulangers de procéder à une hausse des prix. Ces derniers sont liés par un accord de modération des prix du pain à base de farine autre que la farine nationale de blé tendre. Aux termes de cet accord "les boulangeries commerciales sont autorisées à réviser librement les prix de vente du pain à base de farine de luxe et ce, dès qu'une hausse du prix des intrants le justifient". Par ailleurs, les propositions de révision qui doivent être soumises au ministère chargé des Affaires économiques, en l'occurrence le département d'Abderrazak El Mossadeq, sont considérées comme acceptées si l'Administration ne répond pas dans le délai d'un mois. Or, selon Lahoussine Azaz, président du syndicat national unifié des patrons boulangers et pâtissiers, une correspondance avait été envoyée le 4 septembre au ministère des Affaires générales concernant ladite révision. Il convient de rappeler par ailleurs que les prix actuels du pain résultent de cet accord de modération qui date de juillet 1989. Quatorze ans durant, le prix du pain n'a pas augmenté d'un centime. Pourtant, toutes les raisons étaient réunies pour que les boulangers procèdent à la révision du prix du pain. Ces derniers ont commandé une étude auprès d'un cabinet d'expertise comptable, IGEFIS, basé à Rabat. Le calcul du prix de revient d'une baguette de pain de 200 g, en 2002, a abouti au coût unitaire de 1,226 DH, laquelle baguette était revendue à 1,10 DH seulement. Comment, dans ce cas, les boulangeries parviennent-elles à tenir ? Ce n'est un secret pour personne, certaines boulangeries n'hésitent pas à réduire le poids de la baguette de sorte à pouvoir dégager une marge bénéficiaire. Il va sans dire que les autorités ne peuvent que fermer les yeux sur cette pratique. En revanche, d'autres préfèrent rester honnêtes et se rabattent sur des produits complémentaires qui finissent par faire l'essentiel de leur chiffre d'affaires, le pain n'étant qu'un produit d'appel. «L'ensemble de mes confrères sont obligés de diversifier leur activité en couplant à la boulangerie une activité de pâtisserie, non encadrée et donc plus rentable, ou encore une activité de crêmerie». En d'autres termes, c'est l'activité secondaire qui finance la principale. Visiblement, on s'achemine vers une baisse de la tension sur le pain, lequel est étroitement lié au blé, notamment importé. Celui-ci, par contre, bute sur une libéralisation inachevée qui rend instable la structure des prix, malgré la baisse des droits de douane à partir du 16 octobre (voir ci-contre). Blé importé Les droits de douane baissent C'est décidé par les autorités gouvernementales. Les droits de douane grevant les prix du blé importé passent de 135 à 90%, soit une baisse de 33%. La mesure est entrée en vigueur depuis le 16 octobre dernier et devra permettre aux minotiers de prendre une bouffée d'oxygène. La décision conduira à un prix tournant autour de 275 DH le quintal importé, voire 280 DH, sur la base d'un taux de change du dollar se situant à 9,40 DH. Selon certains acteurs du marché, il n'y a pas eu d'importation depuis le mois de juin dernier. Si l'information est à prendre au conditionnel, il est cependant avéré que la décision n'est pas venue tôt. Elle aurait dû intervenir bien avant pour permettre au producteur de garder le cap de la qualité et faire tourner l'outil de production à un rythme qui optimise les coûts. Cela n'a malheureusement pas été le cas. Le blé Maroc est acheté à 268 DH le quintal et ce n'est donc pas assez, disent les producteurs de farine. Surtout que pour les villes enclavées, loin des ports, les frais de transport ne sont pas pour arranger les choses. Acheminé à Meknès par exemple, le blé coûterait facilement 290 DH le quintal. Pour le moment, les minotiers affirment qu'il n'y a pas encore de répercussion sur les prix de la farine et qu'ils parviennent, certes difficilement, à respecter l'accord de modération qui fixe un prix de vente de la farine à 363 DH le quintal. Par contre, certains boulangers affirment que le coût d'achat de la farine à 3,80 DH le kg représente un prix supérieur à celui que promet l'accord entre les minotiers et l'Etat. Par ailleurs, si le billet vert passait à 9,60 DH ou plus, la donne serait toute autre. Les professionnels de la minoterie surveillent avec beaucoup d'attention la cote des devises de l'Office des changes. Cependant, le problème n'est pas dans le seul aspect des droits de douane. Il s'agit en réalité de parfaire la législation concernant l'achèvement de la libéralisation du secteur, tout en garantissant des revenus corrects aux nobles agriculteurs. Il semblerait que des décisions dans ce sens doivent voir le jour à partir de janvier 2004. On reconnaît qu'il s'agit d'un jeu d'équilibriste relativement difficile pour le gouvernement. Mais en faisant les choses à moitié, ce dernier ne se facilite pas la tâche non plus.