Début du procès de Youssef Fikri et de ses acolytes Dans une atmosphère lourde et en présence d'un impressionnant dispositif de sécurité, la chambre criminelle de la Cour d'appel de Casablanca a décidé, vendredi 4 juillet 2003, d'instruire le dossier 744 se rapportant à 31 accusés formant le groupe communément appelé groupe de Youssef Fikri. Compte rendu de la séance. La première séance du procès débuta à dix heures du matin et se termina à midi et quart. Elle consista à répertorier les demandes des avocats de la défense qui ont insisté auprès de la Cour pour dissocier les dossiers de leurs clients, convoquer les témoins, présenter les pièces à conviction et exercer une expertise médicale de Youssef Fikri. Mais après délibération, la Cour a rejeté les doléances de la défense et décidé d'inclure l'expertise au fond du dossier. Cette décision allait être contestée par Youssef Fikri lui même qui interpella son avocat en ces termes : "Je suis en pleine possession de mes capacités mentales". Vers seize heures, la deuxième séance débuta et l'on constata l'absence des familles des accusés. Le premier à avoir été entendu par le juge est Youssef Fikri. Celui-ci a nié en bloc l'accusation portant sur le meurtre de son oncle. Mais pour les autres meurtres, Youssef Fikri reconnut les avoir perpétrés dans le cadre “d'Al Amr Bil Mâarouf ….". L'accusé tenta en vain d'orienter le débat vers la dimension religieuse, alors que le juge, impassible, s'en tenait exclusivement aux crimes. Lassé par l'attitude du magistrat, Fikri dut demander une pause. Appelé, à son tour, à la barre, Mandour rejeta en bloc avoir participé au meurtre d'Abdelaziz Fikri signalant que ses liens avec Youssef se limitaient à des discussions portant sur l'abandon des boissons alcoolisées et la cessation de fréquenter les prostitués. Puis c'était au tour de Damir de répondre aux questions du juge et lui aussi nia toute implication dans les attentats du 16 mai. Pour les autres chefs d'accusation, Damir les reconnut insistant lui aussi sur "Al Amr Bil Maârouf". Vers vingt-trois heures, le président suspendit la séance et renvoya le procès au lundi 7 juillet. Récapitulatif L'arrestation de Youssef Fikri a été pour le moins rocambolesque. En effet, en date du 1er juillet 2002, un chauffeur de taxi de Tanger fut sollicité par trois personnes qui voulaient se rendre au quartier Al Baranis. En cours de route et au niveau d'un espace isolé, les passagers demandèrent au taxi-driver de s'arrêter. L'un d'eux sortit du véhicule et se jeta sur le chauffeur pour l'immobiliser alors que les autres le menaçaient à l'arme blanche. Blessé au niveau de la cuisse, le pauvre chauffeur ne put opposer aucune résistance et se vit jeter dans le coffre de la voiture qui se lança à toute allure vers une destination inconnue. Au bout de quelques kilomètres, les trois assaillants abandonnèrent le véhicule et disparurent dans la nature. Entre temps, le chauffeur réussit à se défaire de la corde qui l'attachait, sortit du coffre et alla demander du secours. Accourant sur les lieux, les brigades de la police judiciaire ont pu déceler le fil qui devait les conduire à arrêter les coupables contre lesquels un avis de recherche national a été lancé. Parmi ceux-ci se trouvait Youssef Fikri qui s'avéra être un militant intégriste qui préparait des opérations terroristes de grande envergure visant des installations économiques et des institutions politiques. L'enquête allait ensuite conduire à débroussailler plusieurs chemins menant à élucider des crimes commis en différents endroits. Décès d'Abdelaziz Fikri En date du 26 octobre 1998, Youssef Fikri a tué son propre oncle Abdelaziz Fikri à Douar Lahnichat dans la province de Youssoufia. Youssef Fikri a bénéficié de l'assistance de son complice Mandour qui a été recruté par l'organisation. Leur cible a été jugée coupable d'adultère et d'autres maux suffisants à leurs yeux pour justifier sa mort. Profitant de l'obscurité et après avoir été assurés du profond sommeil de Abdelaziz Fikri, les deux hommes s'introduisirent au domicile de ce dernier, cagoulés et armés de coutelas. Mais au moment de leur intrusion dans la chambre à coucher, Abdelaziz et sa compagne se réveillèrent et commencèrent à crier. C'est alors que Youssef Fikri se jeta sur son oncle, alors que l'autre tentait d'immobiliser la femme. Abdelaziz reçut plusieurs coups de couteaux qui ont eu raison de sa résistance et perdit conscience. Simulant une simple affaire de vol, les assaillants ont ligoté leurs victimes et dérobé la somme de trois cents cinquante dirhams, un manteau et quelques bijoux avant de disparaître. Le lendemain et ayant appris le décès de son oncle, Youssef Fikri se rendit à son domicile et dut même recevoir les condoléances de la part de la famille et des amis du défunt. Décès de Omar El Ferrak Youssef Fikri et sa bande ont continué à semer la terreur à Youssoufia au nom de la lutte contre la dépravation des mœurs. Accompagné de son assistant Youssef Addad, dont le nom émergea après les attentats du 16 mai, Youssef Fikri se rendit à Casablanca où il fit connaissance de Abdelmalek Bouzekren. Ce dernier figure également parmi les auteurs des attentats de Casablanca. Les trois personnes ont convenu de retourner à Youssoufia pour liquider un jeune homme suspecté d'être homosexuel habitant avec un agent de l'OCP répondant au nom d'Omar El Ferrak. Après avoir inspecté l'entourage de la maison, Youssef Fikri et ses compagnons se présentèrent de nuit, cagoulés comme d'habitude et frappèrent à la porte de Omar. Ce dernier leur ouvrit la porte et les invita même à attendre l'arrivée de "Sabah". Mais, les bandits n'avaient, vraisemblablement pas le temps et se jetèrent sur leur proie qui reçut plusieurs coups mortels. Après leur forfait, ils se rendirent à la maison qu'ils avaient pris le soin de louer. Liquidation de Mohamed à Nador Les trois sinistres personnages durent quitter Youssoufia pour s'installer dans une maison de location à Casablanca où ils continuèrent à mener les raids nocturnes au nom du Jihad notamment au quartier populaire de Lissasfa. Par la suite, Youssef Fikri et Youssef Addad durent se rendre à Nador en vue d'acquérir des armes susceptibles de leur faciliter la tâche et surtout pour mener des braquages. A Nador, ils rencontrèrent un certain Mohamed, originaire de Mohammédia et candidat à l'émigration clandestine. Les trois hommes louèrent une chambre et y demeurèrent pendant une semaine. Un délai suffisant pour que Fikri constate que Mohamed bafoue les préceptes de l'Islam et qu'il était même communiste ! Décision fut donc prise de le liquider. Mais Mohamed devait opposer une forte résistance à ses "juges". Peine perdue, puisque les justiciers ont eu raison de lui en l'égorgeant et en le découpant en trois morceaux qui ont été enfouis dans différents lieux. Une fois leur forfait terminé, les deux criminels se réfugièrent dans une mosquée où ils résidèrent pendant sept mois. Liquidation du notaire Abdelaziz Asdi Youssef Fikri et Youssef Addad retournèrent à Casablanca où ils nouèrent les liens avec leurs compagnons Bouzekren et Rachid Behri. Les quatre bandits s'adonnèrent à leurs besognes de plus belle. Ils volèrent une voiture utilitaire de marque Citroën C15 à bord de laquelle ils sillonnèrent les boulevards et les rues de la ville pour intimider leurs cibles. Pendant leur prospection, ils constatèrent que deux filles s'apprêtaient à monter dans une voiture conduite par un homme. Ils poursuivirent le véhicule qui s'arrêta, plus tard, dans un quartier huppé de la ville. Fikri et ses complices se dirigèrent vers le conducteur se présentant comme des agents de police. Ils tabassèrent les deux filles avant de maîtriser leur accompagnateur qui a été littéralement jeté dans la C15. Espérant les dissuader, Abdelaziz Asdi leur signifia qu'il était procureur du Roi. C'est alors qu'ils ont décidé de le liquider, puisqu'il représentait à leurs yeux, un "gros poisson". C'est alors qu'ils ont tiré au sort celui qui devait exécuter "le jugement". Et bien entendu, c'est Youssef Fikri qui a eu ce "privilège". Ce dernier porta son choix sur la commune de Ouled Loghlam et plus particulièrement près d'un puits. Là, Asdi fut déshabillé, ligoté et égorgé. Son corps fut jeté dans le puits et les trois criminels retournèrent tranquillement à la maison.