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Azzou Mohamed, Alias Boulouhouch raconte son histoire
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 06 - 2003


Condamné à perpétuité en 1996
L'affaire Boulouhouch avait défrayé la chronique en 1996. Tout le monde se souvient de ce fugitif recherché pendant des mois dans la forêt dans la région d'Ifrane et d'Immouzzer, celui qui a mobilisé une véritable armada de gendarmes bouleversant le cours de la vie dans l'Atlas. Au bout de quelques mois passés à se nourrir de gibiers et d'animaux sauvages, Azzou Mohamed devient Boulouhouch, l'homme le plus recherché par la police et la gendarmerie marocaines. Il finira par se rendre après une longue cavale dans les montagnes et une psychose qui a marqué la région. Retour sur l'histoire d'un jeune fellah devenu un véritable "mangeur de fauves".
Quand on sait que l'on va rencontrer un détenu avec une telle histoire derrière lui, on ne sait pas comment se déroulera le premier contact, quelle attitude prendre avec un homme qui a, selon tout ce qui a été écrit dans la presse à l'époque de la fameuse traque, a pu dompter des fauves dans la forêt, supporter l'aprêté du froid et les mauvais jours dans les montagnes de l'Atlas. On ne sait pas non plus si ce n'est pas un peu hasardeux d'aller serrer la main à un homme que l'on a associé à un monstre "bouffeur de chair fumante et suceur de sang".Pas plus qu'on ne sait si ce fameux Boulouhouch n'est pas très enclin à la colère rouge, la violence fulgurante et les imprévus de l'humeur. Avant de le rencontrer, on s'imagine des choses incroyables, on se fait repasser son film, détail par détail, histoire de se dire que l'on a cerné le personnage et que l'on est paré à toute éventualité. Boulouhouch devient alors une espèce de vampire, un gaillard hors proportions humaines, une sorte de gladiateur, rompu aux crocs des bêtes et sûr de son pouvoir de guerrier. On arrive devant cet homme avec la tête pleine d'idées, un peu confuses, le corps prêt à faire face à l'imprévisible. C'est du moins ce que l'on croit, une fois les portes blindées ouvertes et que les gardiens vous disent d'attendre que "Boulouhouch arrive". Et ils ajoutent comme pour soulager leur conscience : "soyez tranquille, il est calme, ça va bien se passer ". Soit.
Le mythe Boulouhouch
Tout a donc pris corps et racine dans les montagnes et la verdure d'Immouzzer Kandar. L'Atlas a été le berceau de Azzou Mohamed, il y a de cela quarante ans. A Douar Aït Bouazza, il est l'aîné d'une fraterie de sept frères et sœurs, cinq garçons et deux filles qui vouent un amour et un respect sans pareil à leur aîné. Les parents sont ce qu'il y a de plus simple, une gentille famille berbère, originaire de Talsint dans le Sud du pays: "vous savez, je suis Sahraoui, je suis du Sud, je suis de la région de Figuig, je porte le sang de mes aïeux dans mes veines et je sui sûr que je mérite mieux que ce qui m'arrive". Le père est un fellah qui a une petite parcelle de terre qu'il laboure : "c'était tout notre monde, là où nous avons ouvert les yeux sur le village, avec mon père, les autres fellahs que j'ai vu travailler la terre et les enfants de mon âge qui voulaient tous ressembler à leurs pères". Azzou Mohamed est un enfant très calme qui accompagne son père aux champs, apprend les gestes répétés par cet homme qui "incarne pour moi tout ce qu'il y a de plus valeureux dans ce monde". Il grandit aux sons des pelles et autres instruments de labeur au contact du sol humide et accueillant. Il apprend que la terre donne, que le travail est la vertu des hommes et que rien ne vaut une "journée dans les champs, loin de tout". Au sortir de l'enfance, Azzou Mohamed ne sait pas ce qu'il fera d'autre en dehors du travail de la terre. Il n'a pas fait d'études, il n'a rien appris d'autres que voir la terre retournée, semée et donner le fruit de la sueur.Adolescent, il se découvre un autre penchant : la chasse. Les gardes-forestiers ne rechignent pas à laisser ce gamin les accompagner pour tirer quelque gibier ou attraper un sanglier qu'ils revendraient aux étrangers qui passaient dans la région à la recherche de viandes exotiques.Très vite, il apprend à tenir un fusil, à manier une arme, à cadrer, viser, ajuster et puis tirer sur une cible mouvante pour ricocher sur un lapin, une pintade ou alors un sanglier desemparé. Azzou entre de plein fouet dans la vie des durs, la vie des grands, ceux qui vont à l'aventure et ne reculent devant rien pour assurer leur dîner du soir et un peu d'argent de poche. "J'allais chasser avec tous les gardes-forestiers qui me connaissent très bien et savent que je suis des leurs puisque je sais manier le fusil comme eux malgré mon jeune âge".Un don, une prédestination ? Peu importe, il se trouve que quelques années plus tard, le fusil aura son mot à dire et décidera de la suite des évènements. Pour Azzou, ce n'est pas là une coincidence ni un hasard : "j'ai toujours aimé les armes pour chasser et non pas pour aller faire peur aux gens. Je suis un chasseur, un amateur du gibier, un aventurier". Dans le village Aït Bouazza, les gens se rappelent bien ce gamin qui allait à la forêt et revenait avec de la viande pour les siens et les autres. Ils se souviennent d'un gamin sans problèmes, mais toujours attiré par la forêt, l'obcurité des lieux et la solitude des gens de la montagne. Entre deux sorties pour aller se refaire la main et essayer quelques coups de gachette, Azzou Mohamed s'occupait d'aider le paternel à creuser quelques puits dans le village. "J'aimais bien ce travail, puisque j'ai toujours trouvé que faire jaillir l'eau est un métier très bien. Les gens sont toujours heureux de voir l'eau à portée de seau près de chez eux". Le travail n'apportait pas beaucoup, mais suffisamment pour se payer quelques visites nocturnes dans les villages voisins à la recherche d'une dulcinée à la belle étoile ou dans le creux d'un nid douillet comme ceux très connus de l'Atlas.
Quand on voit Azzou aujourd'hui, on comprend facilement qu'il ait eu beaucoup de succès avec les femmes, qu'il soit très vite devenu un habitué des nuits de plaisir. Mais cela a un inconvénient d'être un tombeur dans ces patelins : il y a la jalousie des uns et des autres et le fait que l'on se fait très vite remarquer par les gendarmes. Cela crée des tensions, fait naître des rancoeurs… L'adolescence se passe donc entre l'eau des puits, la forêt et son gibier et la nuit dans le creux des épaules des femmes. Rien de bien particulier, n'était le tempérament un tantinet belliqueux du jeune Azou qui n'aime pas qu'on lui marche sur les pieds. Fier, il se croit tout permis et du "moment qu'il ne touche personne et ne gêne pas la vie des autres, pourquoi on lui chercherait des problèmes ?".
Mais les problèmes vont très vite sonner à sa porte un jour de 1990, à l'âge de 27 ans. Une histoire de vol, il est pris. Il est condamné à 5 années de prison qu'il purge et sortira bientôt pour être un autre Azzou, plus aguerri, moins docile, plus coriace, moins conciliant. "A ma sortie de prison, des gendarmes sont venus me demander de faire le mouchard pour eux, de leur donner des noms, des gens, de faire le sale boulot. J'ai dit non, je ne ferai jamais cela de ma vie. Depuis ce jour, les choses ont pris un autre tournant, et les gendarmes en question ne me lâchaient plus."Selon Azzou, c'était le déclic, le début des ennuis, l'entrée par la grande porte vers la maison des problèmes, "les accrochages, les intimidations, les humiliations, les coups foireux, le jeu du chat et de la souris". Sauf que Azzou n'a pas du tout le tempérament du faible, de celui qui encaisse et qui se la boucle. Non, il est un dur, un dur à cuir, un gaillard qui a dompté quelques gibiers, des bêtes sauvages, quelques autres gaillards en prison et qui ne s'est jamais laissé faire. Alors "ce qui se passait avec les gendarmes me faisait mal parce que c'était inutile et je n'en voulais pas. Je savais que quelque chose avait été rompue, quelque chose de mal se préparait et que ce va-et-vient entre conflit et accalmie n'augurait de rien de bon".Dur jusqu'au bout, il ne dira jamais qu'il a eu peur, qu'il été ébranlé par ce qui se passait. Non, il ne voulait pas d'ennuis. Juste qu'on lui foute la paix. Il accusera avec colère, la sueur au front, "les gendarmes qui me voulaient du mal, qui m'ont provoqué, qui m'ont cherché, qui m'ont poussé à la faute". Dans le pays, le village, à Aït Bouazza, les gens n'ont pas oublié ce qui s'est passé, ni l'affaire Boulouhouch, l'un des leurs, mais ils refusent de parler. Ils ne savent rien, ils n'ont rien vu, ils ne verront rien : "Azzou a été différent des autres jeunes, il s'est attiré beaucoup de problèmes". On n'en dira pas plus. Silence. L'histoire n'est pas si loin et Boulouhouch n'est pas un sombre et lointain souvenir.
de tous les dangers
"Chaque fois qu'il y avait un pépin dans le village ou dans la région, j'étais le coupable idéal. J'étais la cible. Ils venaient me voir, me demander ce qui se passait, vérifier si j'avais pris part à telle ou telle histoire. Je n'en pouvais plus". Les choses se passaient au rythme des ennuis et de la méfiance, jusqu'au jour où un vol de fusil vient mettre le feu aux poudres et faire éclater le pot au feu. "C'était à Ifrane, le début de toute cette histoire de Boulouhouch que les gens ont trouvé un malin plaisir pour me coller ce nom au front pour la vie". C'était un lundi de l'année 1996, les gendarmes viennent faire normalemnt leur enquête sur un vol d'armes. Ils demandent à tous ceux qui auraient pu avoir une idée, savoir quelque chose, donner un indice, bref tout ce qui peut aider l'enquête et retrouver ce fusil qui risquait de faire des dégâts.
Cette première rencontre n'avait rien donné, mais "les gendarmes allaient revenir le jour du mariage de mon frère, Mimoun. Ils étaient une trentaine qui voulaient voir si le fusil n'était pas là chez nous.Très vite, la fête a tourné au drame. C'est devenu une véritable mascarade, un cirque, tout le monde tapait sur tout le monde, le vrai chaos. Les gens du village ne voulaient pas de cette intrusion et les coups de part et d'autre n'arrangeaient pas les choses. Moi, je sentais que c'était le début de quelque chose que je ne pourrais plus contrôler ".
Avait-il pensé à la fuite, à l'affrontement direct, à la bagarre, à la fête du frère qui tourne au cauchemar, à sa famille qui est aujourd'hui au centre d'un conflit ouvert avec les forces de l'ordre ? Il ne sait plus ce qui se tramait dans sa tête, ni ce qu'il pensait faire à ce moment. "le lendemain, les gendarmes sont revenus pour finir leur travail. Ils sont venus m'arrêter ou me prendre ou prendre tout le monde. Je me suis enfui parce que je savais qu'ils allaient me mettre toute cette histoire sur le dos, me faire un coup et m'envoyer encore en prison".Dans le village, il y a des gens qui se rappellent de cette histoire, mais ne savent pas ce qui s'est réellement passé cette nuit là. Certains ont entendu juste parler d'une fête de mariage qui a été presque un drame, mais refusent d'aller plus loin . Ceux qui savent refusent de parler et disent que tout cela est maintenant derrière eux, très loin derrière eux. Azzou quitte donc ce village natal qu'il a toujours aimé et part à Ktama pour six mois. Six mois de travail, de péréigrinations, de perdition qui l'ont mené de part et d'autre du Rif. A Bab Berred, on ne saura jamais ce qu'il faisait. Lui dit qu'il travaillait. En quoi ? Jamais personne ne pourra nous le dire. Drogue, contrebande ? On ne sait pas non plus. Mais la région reste escarpée, très dure d'accès, une véritable cachette pour un homme traqué par les gendarmes. "Un jour j'apprends que les gendarmes sont venus chez mon père. Ils ont mis tout le monde dehors et ont brûlé la maison de la famille. Tout est parti en fumée, le travail de toute une vie, mon père qui se retrouve à son âge dehors et ma mère qui ne sait plus où donner de la tête et tous mes frères et soeurs qui pleuraient. Je ne savais plus comment réfléchir ni quoi faire. J'étais malade. La famille a été obligée de prendre une nouvelle maison, un loyer ".Dans le village, cette histoire rend les bouches encore plus hérmétiques. Feu ou pas, personne ne veut parler de cela. "Je suis parti dans la forêt et j'ai pris un fusil chez une femme à Dayat Aoua". Commence alors la ronde d'un homme qui ne voudra plus sortir de la jungle, qui pense que c'est là son monde, que c'est désormais fini la vie avec les gens du village. Peur, crainte, volonté de vengeance ? Azzou ne dira rien, il baisse la tête, essuie son visage et laisse sa main dire ce que sa bouche ne peut pas formuler. Il dit juste que pour ce feu, il avait déposé plainte à Fès et à Sefrou mais qu'on lui disait constamment "on ne peut rien faire pour toi!". Il dépose une plainte, oui, mais il a été aussi recherché après cette fameuse fête de mariage qui a tourné au cauchemar ? Là, non plus, on ne saura pas la suite ni comment il a pu déposer sa plainte alors qu'il risquait de se faire écrouer séance tenante. "Je suis resté un an dans la forêt, je chassais le gibier, je mangeais des bêtes et les gens ont commencé à m'appeler Boulouhouch".Dans la région, le bruit a vite couru qu'il y a un homme dangereux dans la forêt qui mange des bêtes sauvages et qui s'attaque à tous ceux qui s'aventurent dans la forêt. Très vite l'image d'un vampire, habillé de peaux de fauves, vivait là, dans l'obscurité de la jungle, avec son arsenal de chasse, son fusil et que personne ne pouvait aller chercher. On s'en souvient, à Ifrane pendant les vacances, les gendarmes disaient aux touristes de ne pas s'aventurer dans la forêt parce qu'il y avait une bande de criminels qui semaient la terreur et s'attaquaient aux gens. Très vite, le mythe de Boulouhouch est né. Très vite, un homme est dressé en épouvantail sur les têtes des gens de la région qui ne pouvaient plus fermer l'oeil et qui craignaient pour leur vie. Très vite, un monstre a pris corps dans les profondeurs des arbres avec un lion qui marche au pas et un aigle qui fait le repérage à sa place!! "Quand j'étais dans la forêt, n'importe quel crime m'étais imputé. Les gens volaient et disaient que c'était Boulouhouch. Ils agressaient les touristes et laissaient des bouts de papiers signés Boulouhouch".
La bande de Driss Amkhchoum
Dans la forêt, il y avait un autre gaillard connu dans l'Atlas : Driss Amkhchoum. Lui aussi avait une bande, lui aussi était recherché. "Amkhchoum dont le frère est recherché depuis des années violait les femmes. Tout le monde le savait. Je le connaissais, mais je n'ai jamais participé à l'une de ses sorties. Je n‘avais rien à voir avec lui. Lui opérait dans un secteur, moi j'avais choisi les hauteurs inacessibles, là où personne ne pouvait venir me chercher".Et de fait, les recherches s'intensifiaient puisque beaucoup de plaintes ont été déposées pour attaques et agressions. Les gendarmes rôdaient au-dessus de la forêt en hélicoptère, une véritable armée qui est sortie pour traquer un homme avec un fusil. "C'était sans arrêt . On me cherchait constamment et on cherchait aussi Driss et sa bande. Des hélicoptères, des chevaux, des chiens, c'était le cinéma, un grand film. Et les gens avaient plus peur puisqu'ils pensaient qu'il y avait des centaines de recherchés dans la forêt." La psychose monte, les gens ont peur, les familles sont terrorisées à l'idée de se trouver un jour entre les mains de ces bandits de grand chemin qui n'ont peur de rien.Des mois durant, les choses restent inhangées : "il m'arrivait de passer très près des gendarmes, mais ils ne me reconnaissaient pas. On m'a longtemps cherché sans succès jusqu'au jour où j'apprends qu'ils avaient arrêté mes parents. Là, les choses ont changé, je ne savais plus quoi faire". C'est là qu'il décide de se livrer à la police, d'arrêter tout ce conflit, d'aller délivrer ses parents. "Je ne pensais plus qu'à mon père et à ma mère". Il va donc voir Driss Amakhchoum et lui dit d'aller se livrer, d'en finir avec cette cavale. "On s'est livré à trois, Driss Baalla, Driss Amakhchoum et moi même. Nous sommes allés voir quelqu'un dans le village à qui j'ai demandé de m'aider à me livrer à la police, mais pas ici dans la région. Cet hommme influent m'a répondu qu'il allait nous emmener à Rabat. C'est comme ça que nous avons été au ministère de l'Intérieur, et c'est là que tout a pris fin". Azzou se rappelle bien de ce jour, c'était un 22 octobre de l'année 1996. Une date qu'il n'oubliera jamais, une date à jamais gravée dans sa mémoire. "On nous a bandé les yeux pendant 6 jours. On n'a jamais su à qui on parlait. Parfois, quelqu'un nous disait que c'était tel ou tel, une fois quelqu'un nous a dit que c'était Driss Basri en personne. Moi, je ne savais pas qui était devant moi. Ce que je sais c'est qu'on n'a jamais été ni frappé ni torturé. On nous donnait à manger, on nous parlait calmement." Le procès de Boulouhouch a eu lieu et il écope depuis, d'une peine de prison à perpétuité.Dans le même sillage, Driss Amakhchoum se voit infliger une peine de mort. Sans oublier que Mimoun, le frère qui a vu son mariage tourner court, est aussi condamné et purge la même peine que son frère dans la Prison centrale de Kénitra.
Aujourd'hui Mohamed Azzou a pris de l'âge, mais semble toujours très emballé, très vite coléreux. Toujours aussi fort, petit de taille, trapu, le visage d'un berbère qui a vécu des années de beau gosse tombeur et qui voit tout défiler en marche-arrière puisque le temps s'est arrêté pour lui depuis longtemps. Il parle vite, raconte son périple, son histoire, regrette ce qui s'est passé et voudrait effacer des années de sa mémoire. Mais le temps se refuse à cette manœuvre à reculons. Il va inexorablemnt vers l'avant, vers demain, cette aube que Mohamed Azzou espère chaque fois, qu'elle sera autre.


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