Dialogue social Le “social” sera le premier chantier à défricher par le gouvernement Jettou. Dans ce cadre, le Premier ministre annoncera un “package social” en faveur des salariés la veille du 1er mai 2003. Objectif : garantir la paix sociale pour mettre en route le programme de son gouvernement dans les meilleures conditions. Les surenchères syndicales rendent cependant difficile la tenue d'un tel pari. A la veille de chaque 1er Mai, le scénario est pratiquement immuable depuis des années. Après avoir fait la sourde oreille durant les précédents mois aux revendications des syndicats, le gouvernement réunit en avril les autres partenaires sociaux (les trois principaux syndicats et le patronat) dans le cadre de ce qu'on a convenu d'appeler le Dialogue social. La couverture et les images de ces rencontres sont diffusées en grande pompe à la télévision et reprises par la MAP et les rédactions de certains journaux nationaux. Cette année, le seul changement notable au point de vue forme a vu le dernier Conseil du gouvernement en date consacrer une partie de sa réunion à ce dossier. Ainsi, le Premier ministre de même que les autres membres du gouvernement, dont les départements sont concernés par l'un ou l'autre sujet du Dialogue social ont fait, chacun de son côté, le point sur l'état d'avancement des questions en suspens. Très peu d'informations ont filtré à ce sujet. Des consignes très strictes auraient été données à l'ensemble des membres des quatre commissions du Dialogue social pour respecter la confidentialité des réunions. Selon des sources concordantes, le Premier ministre tenait à se réserver la primauté du “package social” qu'il se propose d'annoncer à l'occasion du discours du 1er mai 2003, prononcé traditionnellement par le ministre de l'Emploi, en l'occurrence Mustapha Mansouri. L'importance des compromis à dégager des travaux demeurait toutefois tributaire de l'ultime réunion de la Commission centrale (dite du Dialogue social tripartite), qui était programmée pour lundi 28 avril. Ce qui est certain, c'est que Driss Jettou a tenu à s'impliquer en personne dans le dossier en vue de faire du “social” le premier chantier dans lequel l'Exécutif qu'il préside inaugurera sa première grande réalisation. En effet, sept mois sont passés depuis l'investiture de son gouvernement et le délai de grâce ne peut perdurer éternellement. Déjà, certaines franges de l'opinion publique commencent à s'impatienter devant le manque de résultats concrets. Des concessions aux syndicats Dans cette optique, le Premier ministre aurait fait des concessions aux syndicats au niveau du Code du travail, qu'il avait d'ailleurs sur leur insistance retiré du Parlement. L'adoption de ce texte est, en effet, censée donner une dynamique à la croissance économique grâce à la visibilité qu'il procurera aux investisseurs tant nationaux qu'étrangers. Cependant, comme le Code du travail régit le rapport de deux partenaires, à savoir le salarié d'une part et le patronat de l'autre, les concessions à l'un ne pourraient logiquement être faites qu'au détriment de l'autre. Les relations amicales qui lient Driss Jettou aux membres du directoire de la CGEM, dont il était membre avant sa “ministrabilité”, suffiront-elles à assouplir la position du patronat sur les principaux points à l'origine de l'impasse, en particulier la question de la flexibilité de l'emploi ? Cette éventualité paraît difficile au moment où la mondialisation commence à avoir des conséquences fâcheuses sur le tissu économique national dans la mesure où c'est l'emploi qui en pâtit. A moins que le Premier ministre ne concède en échange des mesures spéciales en faveur de l'entreprise. Contactés, les responsables de la CGEM n'ont pas voulu communiquer sur ce point. En tout cas, leur attitude tranche avec la position des syndicats, en particulier l'UMT qui n'a pas caché son optimisme quant aux résultats des travaux en cours des commissions du Dialogue social. Outre le Code du travail, les principales annonces de compromis entre les trois partenaires sociaux devraient notamment porter sur le logement social, les libertés syndicales et la couverture médicale généralisée. Ce faisant, Driss Jettou espère par ces acquis en faveur des travailleurs, obtenir la paix sociale pour plusieurs années. Le temps de mettre en route sans accrocs le programme de son gouvernement. Dans ce cadre, la signature d'un nouveau protocole d'accord entre les partenaires sociaux n'est pas à exclure à la veille de la fête du 1er Mai 2003. Cependant, les rivalités syndicales rendent difficile le respect de cet accord par l'ensemble des partenaires sociaux. On l'a vu avec l'attitude de la CDT, qui n'a pas hésité à appeler à la grève pour deux jours, les 24 et 25 avril, dans le secteur de l'enseignement, alors que ses représentants siégeaient au même moment dans les commissions du dialogue social. L'interférence des calculs politiques dans les affaires syndicales explique une telle attitude. Malheureusement, nos dirigeants politiques n'ont pas compris la leçon. Les circonstances qui ont entouré la mise en place du nouveau syndicat, en l'occurrence la Fédération démocratique du travail, l'illustrent. Le Bureau politique de l'USFP s'est refusé de laisser les syndicalistes décider librement des organes dirigeants de la nouvelle centrale FDT. Ce qui signifie que ce syndicat, comme ses prédécesseurs, la CDT et l'UGTM, sera conduit d'une manière ou d'une autre à privilégier la stratégie politique du parti qui l'a engendré sur l'intérêt de ses adhérents. Quant à la centrale de l'UMT, dirigée par le même “Zaïm” depuis bientôt un demi-siècle (depuis 1955), elle n'est pas mieux lotie.