Phèdre Lors de sa tournée au Maroc Christian Rest présente “ Phèdre ” qui, à la suite du succès qu'elle a connu à Casablanca, à Salé et à Marrakech, sera donnée à Fès le 15 et à Agadir les 19 et 20 avril courant. Quand “ la seule pensée du crime ” est perçue “ avec autant d'horreur que le crime ”, quand l'amour et la passion sont à la fois complices et comploteurs et quand le vice est peint avec une noirceur “ qui en fait haïr la difformité ”, l'apologie est d'abord celle de la vertu. Œuvre antique d'Euripide, “ Phèdre ”, tragédie déjà immortalisée par Jean Racine au XVIIème siècle, est aujourd'hui plus vivante que jamais. Elle se dresse inéluctablement comme une parodie pittoresque, avec laquelle C. Rist tisse un véritable chef-d'œuvre. Eprise de son beau-fils, Hippolyte, engagée dans une passion illégitime, voire incestueuse, qu'elle même condamne, Phèdre, dans sa confusion, s'élève au dessus de son agonie, maudissant les dieux et le supplice qu'ils lui ont infligé. Elle est dépeinte ici comme plus humaine, et non moins immaculée. A la fois coupable et innocente, elle s'abandonne, dans sa grandeur, à ses sentiments à la fois nobles et vertueux, mais aussi aux agissements calomnieux et odieux à l'égard de l'offense dont la répulsion d'Hippolyte est la cause. Oeuvrant à conserver la vraisemblance de la tragédie, sans pour autant en perdre les ornements, C.Rist, dans la sobriété du décor, met en valeur ses artistes, qui évoluent, tels des dieux, sur une estrade à doubles étages rappelant les belvédères. A travers une oralité gesticulante, dont la lenteur rythmique structure les mouvements et les pulsations, et dont les effluves provoquent une sorte “ d'alchimie ” entre la salle et le plateau, la représentation musicale du texte invite à des voyages hiératiques et inhabituels. A travers son interversion, Rist réussit, avec une habilité majestueuse, à démythifier cette tragédie, lui conférant par la même, une auréole plus réelle et plus actuelle que jamais. Au-delà de la mythification et de la théâtralité de la tragédie, où la compassion supplée à l'indignation, Phèdre, de par la magnificence de cette sphère artistique, fascine par sa grâce et sa sublimité et éveille en nous des pulsions ensevelies. L'air du temps étant aux “ remakes ”, et tandis que les gens s'enivrent d'œuvres fredonnées par les farouches défenseurs d'un riche patrimoine, la “ Phèdre ” de C Rist vient ressusciter de leurs cendres les sensibilités artistiques, prouvant ainsi que parler du théâtre aujourd'hui ne relève pas forcément de la nécrophilie.