Elections Il y a ainsi au Maroc des cercles qui n'aiment évoquer les élections que pour parler de leur report. Ils accompagnent déjà de ce vœu les prochaines communales, tandis que, par ailleurs, on tente de jeter la suspicion sur la transparence des législatives de septembre 2002. Dans cette agitation, Driss Basri n'est jamais loin. L'ancien ministre de l'Intérieur y est même en plein centre, affiché et déclaré. Le feu aux poudres a-t-il été mis par le sociologue Mohamed Guessous ? Pas nécessairement, même si le membre du Bureau politique de l'USFP avait déclaré lors de l'émission “ Filwajiha ” (2M) qu'à ses yeux on avait chanté un peu trop vite la transparence des élections législatives de septembre 2002. Sans cependant franchir le Rubicon. De son point de vue, l'administration, jusque-là principal manipulateur des urnes, est restée loin de la fraude qui serait du seul fait du pouvoir de l'argent. La corruption des électeurs aurait atteint ainsi des proportions alarmantes sans toutefois compromettre la carte politique dégagée par le scrutin de septembre qui a placé l'USFP à la tête de la pyramide. Grâce notamment au bulletin unique limitant la capacité des acheteurs de voix dans le contrôle des votes. Mohamed Guessous, malgré une brillante prestation, désarmant de sincérité, avait failli mettre les pieds dans le plat au grand dam de ses amis politiques. En se retenant, il a évité de justesse d'ajouter de l'eau au moulin de Driss Basri. L'ancien ministre d'Etat à l'Intérieur qui se découvre une surprenante liberté de ton, rate rarement une occasion pour mettre en doute les résultats des dernières législatives. Il a signé et persisté au point d'affirmer que les seules élections législatives libres qui aient été organisées au Maroc sont celles auxquelles avait présidé l'un de ses prédécesseurs à l'Intérieur, le sinistre général Oufkir. Forcément ! Ces élections avaient été boycottées par l'ensemble de l'opposition. Seuls les affidés du pouvoir d'alors avaient été mis en compétition et on ne demande pas au chef de la meute de choisir entre ses loups. L'attitude de Driss Basri, à défaut d'être recevable, est compréhensible. L'homme qui a supervisé, entre communales et législatives, huit élections “ arrangées ” pour reprendre son expression, sur les douze scrutins de l'Histoire du Maroc, ne supporte pas que l'on qualifie d'immaculé le seul scrutin organisé après son départ. Ce positionnement n'aurait été qu'un chant parmi d'autres si des journaux ne s'étaient pas engouffrés dans la brèche. Les uns pour lui emboîter allègrement le pas, d'autres pour conclure, après bien des interrogations que “ le nouveau Roi a réussi [par les élections] son test, et le satisfecit que lui a décerné l'opinion mondiale était mérité ”. Néanmoins, il y aurait eu velléité de falsification traduite par un duel remporté “ de haute lutte ” par “ les technocrates ” au détriment des “ sécuritaires ”. Le duo Driss Jettou-Mohamed Ibrahimi aurait de cette manière triomphé du couple Fouad Ali Himma – Hamidou Laânigri. C'est rassurant. Mais à l'appui de cette thèse, il n'y a pas l'once d'une preuve, pas le début d'une démonstration sérieuse, tout au plus une piste présumée. Les auteurs de “ l'enquête ” eux-mêmes l'admettent d'emblée et sans difficulté. Ce qui les honore plutôt et les dédouane même si l'absence flagrante d'une corroboration concrète ne les a pas empêchés de livrer aux lecteurs des supputations suspicieuses. Le respect des délais constitutionnels Le doute est salvateur, la garantie même de la liberté de pensée. C'est en son nom d'ailleurs que sont induites d'autres interrogations : pourquoi six mois après les législatives et à trois mois des communales semble s'installer un débat sur la propreté des élections de septembre ? De même que la subjectivité de Driss Basri, furieux de voir ses successeurs auréolés, ne suffit pas à expliquer la ruée, la pure quête de la vérité ne constitue pas entièrement une réponse. D'autant plus que cette remise en cause n'est pas isolée, mais fait le lit à d'autres manoeuvres. Comme à chaque fois que pointe une échéance électorale, on spécule encore et déjà sur la possibilité de différer les communales et les professionnelles. Il y a ainsi au Maroc des cercles qui n'aiment évoquer les élections que pour parler de leur report. Ce n'est guère innocent. C'est même suspect, notamment lorsqu'on garde à l'esprit que le respect des délais constitutionnels nécessite que l'ensemble des opérations soit terminé avant le 9 octobre prochain pour que le Parlement, Chambre basse et Chambre haute dont le tiers est à renouveler, puisse se réunir en session d'ouverture de l'exercice 2003-2004. La mise en place du nouveau concept de l'autorité, initié à l'avènement de Sa Majesté Mohammed VI, a pour passage obligé des élections vraiment démocratiques et réellement libres. Une finalité en soi, mais aussi et surtout le moyen d'en finir avec «le contentieux politique» pour concentrer le Maroc entièrement sur le dossier économique et social. De là à conclure que l'agitation actuelle autour de la transparence des élections et du report des échéances cherche à garder le dossier politique ouvert, il n'y a qu'un pas. Tout report enfreindrait les termes de la Constitution, entacherait l'image des institutions représentatives et retarderait la finalisation de la construction des institutions du Maroc. Ce qui semble, à travers la remise en cause de la transparence des législatives de 2002 et les appels du pied au report, le dessein ciblé par des centres qui n'ont pas encore désarmé ni désespéré du retour à l'ancienne ère.