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Une économie fluctuante
Publié dans La Gazette du Maroc le 24 - 07 - 2009

L'économie marocaine demeure sujette à de fréquentes fluctuations, qui contribuent à sa fragilité et à sa vulnérabilité aux chocs externes.
L'orientation globale de la politique économique actuelle n'est pas tout à fait soutenable. Elle ne permettra pas de créer les conditions d'un rythme de croissance plus élevé et fortement créateur d'emploi.
La croissance économique
Depuis 1998, la croissance économique a commencé à connaître un comportement différent ; c'est une croissance, non génératrice d'inflation, du fait qu'elle se base, en variation relative, sur l'accroissement des investissements publics et privés par rapport à la demande finale. Ainsi, elle se caractérise par la consolidation du PIB non agricole.
Mais l'économie marocaine continue d'évoluer au gré de la conjoncture et suivant les caprices de la nature. Une conjoncture internationale défavorable particulièrement en Europe et les sécheresses successives de la dernière décennie ont eu un impact particulièrement négatif sur cette croissance.
La tendance croissante du produit intérieur brut enregistré durant les dix dernières années est le résultat des efforts entrepris pour rendre la croissance économique moins vulnérable aux effets négatifs des aléas climatiques. En effet, les secteurs hors agricoles ont pu amortir les fluctuations de la production agricole en réalisant une croissance moyenne du PIB de 5% sur la période 1999-2008.
Cette évolution s'explique par une amélioration du secteur des services (5,0%) suite à l'importante extension du secteur de transports (5,6%) et des communications (21,0%), qui a connu un essor remarquable avec le processus de privatisation à partir de 1999/2000 ; deux secteurs qui ont contribué à 17% de la valeur ajoutée tertiaire durant cette période. Le secteur du commerce quant à lui a réalisé une évolution positive de 3,5% en moyenne annuelle. En plus, le tourisme qui représente à peu près 5,5% du tertiaire et dont les recettes constituent une source principale de devises pour le pays, a connu une amélioration significative. De même, le secteur du bâtiment et des travaux publics connaît un essor remarquable ces dernières années avec une croissance moyenne de 7,0%. De son côté, le secteur agricole continue de refléter les conditions climatiques avec une croissance fluctuante d'une moyenne de 6% durant cette période.
Pour ce qui est des emplois du PIB, la consommation finale a connu une certaine amélioration et sa contribution à la croissance économique est passée à 3 points. Ceci s'explique par la maîtrise de l'inflation aux alentours de 2,7% et l'effet des augmentations des salaires dans le cadre du dialogue social.
La consommation finale intérieure continue de constituer l'agrégat le plus prépondérant dans la demande intérieure en représentant presque les trois quarts du PIB. Durant les cinq dernières années, elle a affiché une augmentation annuelle moyenne de 4,6%. Selon l'enquête de 2001 élaborée par les services du Haut Commissariat au Plan portant sur les dépenses de consommation des ménages, les dépenses alimentaires qui représentaient le poste numéro un des dépenses des ménages ont tendance à baisser en faveur des dépenses en matière de logement, de transport et de télécommunication.
Par ailleurs, la consommation finale a été stimulée par plusieurs facteurs déterminants qui jouent en sa faveur : la diversification de l'offre par l'ouverture de l'économie sur de nouveaux marchés, l'augmentation des revenus à travers l'amélioration du marché du travail particulièrement dans les activités non agricoles, la progression des transferts des marocains résidents à l'étranger, l'expansion des crédits à la consommation grâce aux réformes du système financier, l'augmentation des recettes voyages vu le dynamisme de l'activité de tourisme, la maîtrise de l'inflation en dépit de l'augmentation des dépenses de fonctionnement consécutives, en partie au dialogue social.
L'inflation a été maîtrisée et n'a pas dépassé 2,7% en moyenne entre 1999-2008. D'après un classement du FMI, le Maroc est parmi les pays où l'inflation est maîtrisée en 2008.
D'un autre coté, et grâce à l'avancement pris par les réformes du secteur financier et la consolidation de la confiance des opérateurs nationaux et étrangers, le Maroc a bénéficié d'une importante augmentation du taux d'investissement ces dernières années pour atteindre un niveau de 30% en 2006.
Dès lors, un changement de politique économique s'impose pour relancer durablement la croissance économique. Il suppose, entre autres, une révision de l'orientation suivie de manière à réutiliser de façon appropriée les instruments macroéconomiques.
Les finances publiques et la dette
Après plus de deux décennies d'application de la politique d'ajustement budgétaire, les résultats sont, dans l'ensemble, largement positifs, notamment les indicateurs des finances publiques : le déficit budgétaire est ramené de plus de 9% du PIB en 1983 à 2,2% en 1998/99 ainsi qu'un excédent de 0,7% et de 0,4% du PIB respectivement en 2007 et en 2008.
Certes, les progrès économiques réalisés ces dernières années ont permis de consolider la position budgétaire. Nous rappelons aussi que le dernier rapport du FMI considère que «la performance économique récente du Maroc est favorable grâce à une économie plus diversifiée, une situation budgétaire consolidée et un secteur financier solide. Le Maroc est bien positionné pour poursuivre son développement, malgré la conjoncture mondiale difficile».
Dans le domaine des finances publiques, le dernier et second rapport CFAA (Country Financial Accountability Assessment), élaboré par la Banque mondiale (Pierre Missale, 2007) le système marocain des finances publiques bénéficie d'un niveau élevé de fiabilité.
Ces réformes budgétaires ont reposé sur six principaux piliers : l'assouplissement des modalités d'exécution du budget à travers «la globalisation des crédits», la mise en place de la programmation pluriannuelle, l'encouragement de la contractualisation et du partenariat, l'adaptation du contrôle de la dépense publique au nouveau contexte budgétaire, la réforme de la TVA, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, et la réforme de la trésorerie et de la dette publiques.
Aujourd'hui, nous constatons que deux principaux éléments ont contribué à ces performances :
• Le bon comportement des recettes fiscales surtout de l'IS et l'IR grâce à l'effort de recouvrement fourni par l'administration fiscale et à la réduction progressive des exonérations, notamment, ceux afférents à la TVA. A court terme, il est indispensable de renforcer le recouvrement des recettes fiscales, d'accélérer la réforme de la TVA et l'IR et de réduire les exonérations. A moyen terme, dès que les recouvrements des créances fiscales arriveront à leurs limites, il serait nécessaire de repenser la stratégie fiscale dans son ensemble. A ce titre, les orientations royales à l'occasion du 55ème anniversaire de la révolution du Roi et du Peuple, donnent une visibilité quant à cette stratégie. Elle consiste à proroger jusqu'à fin 2013 le régime fiscal agricole en vigueur actuellement et la soumission du secteur agricole à un système fiscal approprié et progressif. Ce nouveau régime, a précisé Sa Majesté le Roi, devrait prendre en considération la précarité sociale des petits agriculteurs et refléter le devoir de solidarité à leur égard, en continuant à subventionner les cultures traditionnelles vivrières à faible rendement.
• La stabilisation des effectifs de la fonction publique, grâce au maintien de la mesure de suppression des postes budgétaires libérés à la retraite normale et leur redéploiement en faveur des secteurs prioritaires, et grâce aussi aux économies sur salaires réalisées sur l'opération du départ volontaire à la retraite.
En revanche, en matière de compensation des prix de certains produits alimentaires, une refonte du système actuel s'impose avec acuité.
Eu égard aux facteurs déterminants de la dynamique de l'endettement (solde budgétaire primaire, taux d'intérêt réel et taux de croissance économique), nous constatons dans le contexte marocain que ces trois facteurs ont connu une évolution favorable durant au moins les huit dernières années pour les raisons suivantes :
1. L'encaissement de recettes importantes au titre des privatisations depuis 1999 ont amélioré les soldes budgétaires primaires et ont pour conséquence une aisance de trésorerie publique. Il faut souligner aussi de façon nette le renforcement de l'efficacité des politiques et de l'administration fiscale qui se sont traduites par une accélération du recouvrement des recettes fiscales depuis 2005 et, par conséquent, soldes budgétaires primaires ;
2. Une baisse continue des taux d'intérêts nominaux payés à la fois sur la dette intérieure et extérieure sous l'effet de la surliquidité bancaire induite par les transferts importants des travailleurs marocains résidents à l'étranger. Cette surliquidité a été bien gérée par Bank Al Maghrib puisque l'inflation a été contenue dans des limites satisfaisantes.
3. Le réajustement à la hausse du PIB suite à la refonte du système de comptabilité nationale et qui s'est traduit par un réajustement à la hausse de 12,3%, en moyenne par an, de la valeur du PIB aux prix courants. Cette réévaluation a affecté positivement l'ensemble des agrégats macroéconomiques en particulier ceux de la dette publique. Nous affirmons que la croissance économique au cours des dernières années a été insufflée aussi par les initiatives royales pour la gestion de l'économie nationale. Ces initiatives ont constitué une feuille de route du travail gouvernemental. En plus, la supervision personnelle de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a permis d'accélérer la mise en place des réformes économiques et la réalisation des grands projets d'investissements.
En tenant compte de ces déterminants qui peuvent varier dans le temps, cette analyse montre que son niveau actuel, soit 47,3% est soutenable puisqu'il reste inférieur à une limite de 70% du PIB qui constitue le benchmark.
Du fait que la dette publique du Maroc demeure soutenable, il convient de rappeler le relèvement de la note accordée à notre pays par l'agence de notation Standard & Poor's qui a modifié les perspectives de la notation BB+, de «stables» à
«positives». Cette note situe le Maroc, à l'instar de celle de Moody's, à un niveau juste en-deçà de l'«Investment grade». Il convient de rappeler aussi que l'Agence de notation Moody's a établi, cette année, un rapport favorable sur la perception du risque Maroc et a fait savoir que la note pourrait être améliorée si la tendance des réformes se poursuit à moyen terme. A l'inverse, l'agence internationale Fitch Ratings classe notre pays dans la catégorie de l'«Investment Grade» en lui attribuant la notation de BBB-, soit la même notation depuis le mois d'avril 2007.
L'investissement et l'épargne nationale
Plusieurs mesures d'ordre législatif, institutionnel, organisationnel et fiscal ont été prises par les pouvoirs publics en vue de renforcer l'attractivité du Royaume vis-à-vis des investisseurs étrangers, au-delà du soutien de l'investissement national. Le taux d'investissement est passé de 24,8% du PIB en 1999 à 36,3% du PIB en 2008. De même, le ratio de l'investissement direct étranger sur la formation brute du capital fixe s'est nettement amélioré en atteignant 1,3% actuellement. De ce fait, le Maroc est considéré comme un des pôles les plus attractifs dans la région MENA. En comparaison avec des pays concurrents de la région méditerranéenne, les niveaux d'investissements directs attirés jusqu'à présent prouvent que le Maroc a, effectivement, gagné du terrain en terme d'attractivité des investissements directs étrangers. Le tourisme, l'immobilier et les télécommunications s'accaparent la plus grande part de ces investissements.
L'analyse par nature, les produits de BTP et d'industrie ont absorbé plus de 90% de portefeuille destiné à l'investissement brut. La promotion du tourisme, la réhabilitation, l'extension du réseau routier, la réforme du secteur de transport et le renouvellement du parc de matériels des unités industrielles, sont tous des facteurs qui ont anticipé la promotion des investissements dans ces secteurs.
L'amélioration du taux d'investissement s'est traduite également par la mobilisation de l'épargne nationale. Le taux d'épargne est passé de 24,4% du PIB en 1999 à 30,9% en 2008. Cette épargne a profité beaucoup plus à l'acquisition des biens d'équipement ou la promotion de l'immobilier. Le taux de couverture des investissements par l'épargne nationale a affiché une nette performance surtout ces cinq dernières années en enregistrant une moyenne de 106%. En outre, le Maroc a considérablement assaini le secteur financier qu'il a pu attirer davantage de revenus extérieurs. Cependant, une dépendance de l'économie nationale vis-à-vis des sources de financements extérieurs est constatée.
La structure de l'épargne nationale fait apparaître que son amélioration est en grande partie imputable à l'épargne privée, c'est-à-dire, à la contribution effective aussi bien des ménages que des entreprises.
L'épargne budgétaire, hors recettes de privatisation, est restée faible durant toute la période exception faite des deux dernières années 2007 et 2008 avec des taux respectifs de 3,7% et 4,2% du PIB.
Il faut enfin remarquer que même si le taux d'épargne s'inscrit en hausse, il reste en deçà du niveau requis tel qu'en témoigne l'affermissement du taux d'investissement qui a atteint 36,3% du PIB en 2008.
Le commerce extérieur
Le Maroc a fait de l'ouverture de son économie un choix stratégique. L'ouverture de l'économie s'est en outre renforcée avec la ratification de l'accord d'association avec l'Union européenne en 2000, signé en 1996, qui a pour conséquence le démantèlement graduel réciproque de la protection douanière entre le Maroc et l'UE pour les produits manufacturés. La 3ème et dernière tranche de suppression des droits de douane sur les biens importés de l'UE non produits au Maroc a été menée en 2003, tandis que les droits sur les produits en concurrence avec les produits marocains ont été diminués en mars 2003 d'une première tranche de 10 pour cent, leur démantèlement complet devant s'achever d'ici 2012 par tranches annuelles de 10 pour cent.
Cependant, le Maroc n'a pas encore pu tirer profit de son processus d'ouverture pour faire de ses exportations un moteur de croissance économique. En effet, la part des exportations globales dans le produit intérieur brut est restée sur toute la période dans une moyenne de 21% du PIB. Ce taux est obtenu principalement grâce aux exportations de produits finis de consommation, de demi-produits et des phosphates qui représentent respectivement 40%, 30% et 8% des exportations totales. De l'autre coté, la part des importations dans le PIB connaît une tendance régulière à la hausse. Elle est passée de 31% en 1999 à plus de 47% en 2008. Si les biens de consommation et d'équipement détiennent la part du lion avec 40% des importations totales, la facture énergétique occupe aussi une place de plus en plus importante du fait que le Maroc satisfait ses besoins énergétiques à 95% de l'extérieur.
La balance commerciale du Maroc connaît donc un déficit durablement élevé qui est passé de 9,4% du PIB en 1999 à plus de 24% en 2008. Toutefois, avec des recettes touristiques connaissant des taux de croissance de plus de 16% durant les dernières années à plus de 58 MMDH en 2007 et 55,4 MMDH en 2008 et surtout des transferts courants, principalement des marocains résidents à l'étranger, qui se situent aux alentours de 53 MMDH soit 8% du PIB, l'économie marocaine a pu dégager un excédent du compte courant à partir entre 2001 et 2007. Il faut faire remarquer que l'année 2008 a connu des indicateurs des comptes extérieurs défavorables par rapport aux années précédentes. Cette situation est due à la politique macro-économique qui a conduit à une appréciation du taux de change réel au cours de cette décennie, d'autant plus préjudiciable que les économies concurrentes ont procédé dans leur grande majorité à des dévaluations réelles.


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