C'est le ministre israélien de la Défense Ehoud Barak et non pas le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman qui mène les négociations avec l'envoyé spécial américain pour le Proche-orient, George Mitchell, à propos du gel des constructions dans les implantations juives de Cisjordanie. Cette inversion des rôles n'est pas fortuite et laisse présager d'éventuels changements au sein du gouvernement israélien. Ministre de la Défense, Ehoud Barak ne se contente plus de cette seule fonction au sein du gouvernement israélien. C'est lui qui a désormais en charge la mission, plutôt difficile, de mener les négociations avec l'envoyé spécial américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, sur une question délicate : le gel de la construction dans les implantations juives de Cisjordanie. Dans son discours à l'université Al Azhar du Caire le 4 juin dernier, le président américain Barak Obama a clairement fait savoir que l'arrêt de la colonisation était, à ses yeux, la condition sine qua non d'une reprise du dialogue entre les Israéliens et l'Autorité palestinienne. Il n'a pas changé de position même si le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a cru qu'il lui serait possible d'obtenir un assouplissement de la Maison Blanche sur ce sujet en échange de sa reconnaissance, désormais acquise, encore que conditionnelle, de la création d'un Etat palestinien. L'affaire empoisonne depuis, les relations israélo-américaines ; d'autant plus que Washington aurait, selon le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, donné six mois à Israël pour mettre en œuvre effectivement ce gel des constructions.Assez paradoxalement, le ministre israélien des Affaires étrangères, le très contesté Avigdor Lieberman, est tenu à l'écart des discussions entre les Etats-Unis et Israël sur ce sujet. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il a expliqué que, vivant lui-même dans l'implantation de Nokdim en Cisjordanie, il était à la fois « juge et partie» et que cela pouvait nuire aux intérêts bien compris d'Israël. Il s'est donc effacé au profit de son collègue travailliste de la Défense, Ehoud Barak, avec une facilité qui suscite de nombreuses interrogations. Certes, les deux hommes ne tarissent pas d'éloges l'un sur l'autre, mais il est assez rare de voir un ministre accepter aussi aisément d'être déchargé de ses fonctions. Pour de nombreux observateurs, cette résignation du chef de Israël Beitenou est un calcul politique. Avigdor Lieberman n'ignore pas qu'il sera sous peu contraint de démissionner lorsque le Parquet israélien décidera de le mettre en examen pour infraction à la législation sur le financement des partis politiques et pour blanchiment d'argent. Il se prépare à cette éventualité et aurait d'ores et déjà décidé de quitter alors la coalition gouvernementale. Mais il sait que ce départ pourrait permettre soit à Tsippi Livni, la présidente de Kadima, le principal parti d'opposition, soit à Aryeh Déry, l'ancien leader de la formation ultra-orthodoxe séfarade Shass, de lui succéder à la tête de la diplomatie israélienne. Deux possibilités auxquelles il est farouchement opposé. Voilà pourquoi, selon de nombreux observateurs, Avigdor Lieberman, de concert avec Benyamin Netanyahou et Ehoud Barak, pencheraient pour une troisième solution qui l'arrangerait, lui, mais qui aurait également les faveurs du Premier ministre et du chef du Parti travailliste. Cette solution consisterait à confier le portefeuille des Affaires étrangères à Ehoud Barak, libérant de la sorte le portefeuille de la Défense qui pourrait être proposé au numéro deux de Kadima, Shaül Mofaz. A condition que ce dernier provoque ainsi une scission au sein de la formation centriste et ruine les chances de Tsippi Livni de jamais revenir au pouvoir. Dans la mesure où Shaül Mofaz est considéré comme un faucon, très proche des positions de la droite nationaliste, Avigdor Lieberman estime que ce serait un moindre risque que de le voir prendre la direction de la diplomatie israélienne. Il pourrait de la sorte siéger dans l'opposition et prendre la tête du «camp du refus», une position de nature à renforcer son influence, déjà grande, sur l'échiquier politique israélien, et le faire apparaître comme un recours en cas de nouvelles élections.Benyamin Netanyahou et Ehoud Barak sont, pour d'autres raisons, intéressés à une marginalisation et à un affaiblissement de Kadima. Le premier parce qu'il est en désaccord radical avec Tsippi Livni, le second parce qu'il considère que l'existence de Kadima menace la survie, en tant que force politique, du Parti travailliste crédité dans les sondages d'à peine dix sièges en cas de nouvelles élections. Ces considérations politiciennes expliqueraient donc la curieuse valse des responsabilités ministérielles au sein du gouvernement israélien. Elles semblent toutefois avoir peu de chances de permettre au Premier ministre de parvenir à un compromis avec les Etats-Unis comme le montre l'échec, à deux reprises, des discussions entre Ehoud Barak et George Mitchell. ■