Grosse fête récemment pour célébrer l'anniversaire du doyen des night-clubs de la Corniche casablancaise. Depuis un demi-siècle en effet, le Calypso anime les nuits de plusieurs générations de noctambules. Histoire. Au début des années 50, la corniche d'Aïn Diab n'était pas encore ce qu'elle est aujourd'hui : un front de mer qui s'enflamme la nuit venue d'une ribambelle de bars, restaurants, discothèques et cabarets. Mais des visionnaires imaginèrent qu'elle pouvait devenir le lieu idéal de la vie nocturne de Casablanca puisque excentrée de la ville, elle permettrait de ne pas déranger la tranquillité des citadins. Certains professionnels de la nuit, ou en passe de l'être, décidèrent donc de tenter l'aventure. Et parmi eux, un jeune homme audacieux qui, grâce à un capital facilité par un de ses frères, s'associa aux propriétaires d'une boîte de nuit qui s'appelait déjà…Le Calypso. Ce night-club avait presque les pieds dans l'eau à l'époque et ce nouvel associé, juif marocain, originaire de Mazagan, et du nom de David Bensimon, y apporta sa touche personnelle. Celle de sa passion : le spectacle. Il rêvait de faire venir à Casablanca des artistes célèbres et se mit à jouer les imprésarios. Et où les mieux présenter sinon dans sa propre boite de nuit ? Surtout qu'entre temps, ses associés (français et portugais) lui avaient vendu leurs parts de l'affaire et il se retrouvait seul aux commandes. Lui qui avait commencé sa vie par suivre la tradition familiale en devenant tailleur pour hommes. Un métier qu'il ne devait jamais oublier d'ailleurs, puisque aujourd'hui encore, à 75 ans, il continue de retoucher ses costumes et de les repasser, comme nous le raconte avec un sourire affectueux, son fils Gérard, l'actuel patron. Mais revenons au milieu du siècle dernier, lorsque comme une flambée, s'ouvrirent les unes après les autres, plusieurs boites de nuit sur la Corniche. Dans la foulée du Calypso, en effet quelques night-clubs virent le jour (ou plutôt la nuit) et commença alors l'épopée de ce haut lieu de la vie nocturne casablancaise. Le Calypso toutefois se distinguait grâce à deux concepts nouveaux : la restauration et le spectacle. Le chef de la cuisine, André, fut jusqu'en 1984, un des atouts dela réussite du Calypso, mais aussi les artistes internationaux qui y défilèrent. D'Herbert Léonard à Nina Simone, en passant par Hervé Vilard et Patricia Kaas, jusque dans les années 90 de grands noms de la chanson se produisirent au Calypso, et c'est un incendie -criminel ?- qui freina un temps les grandes soirées de ce club. Et puis aussi au début des années 2000 les premiers travaux de rénovation de la Corniche. Une institution au-delà des modes M. Bensimon, quelque peu fatigué par une longue vie de noctambule (il ne se maria qu'à 38 ans avec une jeune fille qu'il connut d'ailleurs dans son propre établissement), confia alors l'affaire à son fils Gérard. Celui-ci revenait des Etats-Unis après des études d'économie dans une prestigieuse université de Floride, mais dut s'adapter à cette nouvelle vie et s'initier au monde de la nuit. Il voulut faire du Calypso une sorte de Moulin Rouge casablancais, avec danseuses, paillettes et cabaret, mais la formule parisienne n'accrocha pas vraiment la clientèle qui désirait que le Calypso soit un endroit simple et ludique où l'on se sente à l'aise, « chez soi», pour boire un verre, dîner et danser. C'est ainsi qu'on en revint au principe de la discothèque traditionnelle, un peu rétro même, sans artifices sophistiqués ni déco ultra modernes. Et le Capyso est resté un lieu convivial, fréquenté surtout par des habitués, des gens de tout âge et toute provenance, dont beaucoup d'européens mélangés à une certaine classe marocaine un peu au-dessus de la moyenne. On y rencontre souvent des jeunes dont les parents venaient déjà s'y amuser et des couples qui y font pèlerinage parce qu'ils s'y sont connus. Tels ces Canadiens qui revinrent spécialement à Casablanca pour s'installer à la même table et demander au DJ de leur passer la même chanson sur laquelle ils avaient eu leur premier flirt… Henri, le distingué directeur de l'établissement, là depuis 1976, est d'ailleurs une mine d'anecdotes sur les folles nuits du Calypso… et il en aura certainement bien d'autres dans les années à venir, car cette institution de la vie nocturne, contrairement aux discothèques qui ne durent que le temps d'une mode, est devenu un classique du genre. ■